Le 11 janvier 2012 a été promulgué l’ordonnance n°2012-34 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement. Un rapport relatif à cette ordonnance avait alors été déposé au Président de la République déplorant l’existence de vingt-cinq polices spéciales de l’environnement et dénonçant « un vrai décalage dans les dispositifs selon les domaines d’intervention », ceux de la police des installations classées et de la police de l’eau étant les plus aboutis.
Trois ans après sa promulgation, un rapport sur l’évaluation de la police de l’environnement a été établi par des membres de l’Inspection générale de l’administration (IGA), de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Ce rapport a permis de faire un bilan sur l’évolution de la police de l’environnement.

Le rapport précise que le manque d’efficacité de la police de l’environnement n’est pas nécessairement du au manque de simplification et d’harmonisation des dispositions de police administrative et judiciaire du code de l’environnement mais plutôt du au manque d’efficience des moyens mis en œuvre (I.). Pour parer à ces difficultés, le rapport préconise plusieurs recommandations tendant tous vers le même objectif : mettre en œuvre le concept de New Public Management en matière environnementale (II.).

I. Une gestion des contrôles peu optimisée
Le rapport souligne le manque de coordination des contrôles, de coopération des acteurs, de formation des magistrats et des contrôleurs et de communication des données de la surveillance de l’environnement.

a. Un manque de coordination des contrôles et de coopération des acteurs

Sur la coordination des contrôles
Les régimes de police de l’environnement sont multiples et les services et établissements chargés de contrôler le respect de ceux-ci sont variés. Le premier constat de la mission est l’impossibilité pratique de mesurer la pression de contrôle dans la majorité des régimes de police de l’environnement. C’est pourquoi elle préconise dans un premier temps de mettre au point un tableaux de bord de suivi qui permettrait d’apprécier l’importance de l’activité de contrôle et de mieux la répartir entre les différentes polices. Il faut savoir que l’administration développe davantage de moyens pour contrôler la police des installations classées ou la police de l’eau par exemple que pour d’autres polices dites « orphelines » comme la police des risques naturels ou encore certaines polices sanitaires. Ainsi, il est recommandé de mutualiser les moyens mis à disposition de l’administration et d’inclure ces polices orphelines dans une stratégie d’action nationale.
(Cf. Recommandations 9-13-14)

Sur la coopération des acteurs
Le rapport souligne que certaines activités réglementées n’exigent pas la même pression de contrôle et donc que les contrôles nécessaires peuvent être plus ou moins fréquents. Ainsi, même si l’administration dispose des moyens nécessaires pour assumer l’ensemble des contrôles, elle peut aussi en déléguer une partie à des organismes agrées en se limitant à un contrôle de second niveau ce qui permettrait de recouvrir un plus large contrôle à l’aide de différents acteurs.
(Cf. recommandations 15-16-17)

b. Un manque de formation des magistrats et des contrôleurs et de communication sur les contrôles et leurs modalités
c.
Sur la formation des juges et des inspecteurs
Eu égard à la complexité et la technicité du droit de l’environnement, il est nécessaire que les magistrats soient spécialisés. Ainsi, le rapport préconise la nomination de magistrats référents qui seront moins nombreux mais plus spécialisés et d’organiser des audiences dédiées au contentieux des atteintes à l’environnement. En ce sens, la mise en place de formations conjointes proposées aux magistrats et aux agents des différents services de contrôle et d’enquête permettront d’améliorer la qualité des relations entre les parquets et les services en charge des polices de l’environnement. Enfin, le rapport intègre la notion de « management » des inspecteurs en indiquant qu’il serait opportun de les conduire à communiquer sur les finalités et les modalités de mise en œuvre des polices de l’environnement afin d’en sensibiliser davantage les destinataires.
(Cf. Recommandations 4-6-8)

Sur la capacité à communiquer
Toujours dans cet esprit de « management » des services publics, la communication serait un outil indispensable à l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience des polices de l’environnement. Ainsi, diffuser systématiquement un bilan annuel des actions de police de l’environnement et leur efficacité ou préciser dans les objectifs nationaux, dans les plans d’action régionaux et département les conditions de mise en œuvre et les moyens afférents aux contrôles les plus importants, sont autant d’actions qui permettront aux destinataires de mieux appréhender les polices de l’environnement qui les concernent.
(Cf. Recommandation 7-11)
L’évaluation de la qualité des contrôles et de leur efficience et la culture du résultat sont deux idées issues du management privé : c’est en s’appuyant sur ces objectifs que la mission émet des recommandations dans le but d’améliorer l’efficacité des polices de l’environnement.

II. Vers une approche plus pragmatique de la mise en œuvre des polices de l’environnement : le New Management Public appliqué à la police de l’environnement

Le New Public Management est un concept né dans les années 1970 modernisant les méthodes de gestion au sein de l’administration. Ce concept permettrait d’améliorer le rapport cout et efficacité d’un service grâce à une modernisation accrue et un plus grand pragmatisme de gestion au sein des administrations publiques. Dans le rapport sur l’évaluation de la police environnementale, c’est exactement de cela dont il est question : il s’agit d’améliorer l’efficacité des services de contrôle du respect des polices de l’environnement à partir des moyens qui sont déjà mis à disposition et sans que les changements n’engendrent de nouveaux couts. Il s’agit d’optimiser l’organisation et la gestion des polices de l’environnement.

a. La fixation d’objectifs à atteindre et la détermination de priorité

Sur la fixation des objectifs à tout niveau de pilotage et le renforcement des dispositifs
La mission soulève la problématique du manque d’effectif au sein des administrations chargées des contrôles. Selon elle, la plupart des acteurs de la police de l’environnement établissent un lien entre l’efficacité de cette police et les effectifs disponibles, or, elle démontre que ce qui porte défaut à la mise en œuvre efficace de ces polices, ce n’est non pas le manque d’effectif, qui relève d’un aspect quantitatif, mais le manque d’évaluation des moyens et l’absence d’objectifs fixés, qui relève plutôt de l’aspect qualitatif. Ainsi, elle préconise de renforcer le dispositif territorial de pilotage administratif en articulant la planification des contrôles et le suivi de leurs effets. Cela permettrait d’évaluer la qualité des moyens de contrôle et donc, en fonction des résultats, de les rendre plus performant. Il faut intensifier le pilotage territorial, rendre les organismes agrées plus polyvalent et partager un référentiel normatif établit à partir d’une étude comparé de droit européen en la matière.
(Cf. Recommandation 3)

Sur la priorisation des objectifs
Afficher de façon claire les objectifs fixés et les formes de contrôles privilégiées aboutirait au développement d’une stratégie de contrôle. Cette stratégie de contrôle permettrait d’avoir des retours d’expériences qui aideront à l’évaluation des risques qui méritent un contrôle plus ou moins accrus et à la détermination de priorités à l’échelle nationale. En définissant des indicateurs de résultat, l’atteinte des objectifs priorisées sera optimisée.
(Cf. Recommandation 1-10-12)


b. Le recours au droit européen et à une étude de droit comparé
Sur la procédure d’étude de droit comparé
On pourrait assimiler les Etats membres de l’Union européenne à des « concurrents », pour reprendre les termes relevant du management privé, afin de constater ce qui fonctionne ailleurs et qui n’est pas mis en œuvre en France. Une étude de droit comparé permettrait donc de trouver des solutions afin de rendre les polices de l’environnement plus efficaces.

Sur la proposition d’une méthodologie d’évaluation des moyens à l’échelle européenne
La mission constate qu’il n’existe pas d’analyse comparative des méthodologies employées par différents Etats pour apprécier l’adéquation des effectifs des polices de l’environnement aux enjeux environnementaux. Elle suggère donc de procéder à une telle étude, d’autant plus que la France a été condamnée pour manquement à l’application des directives environnementales. La mission recommande donc de mettre en place une grille d’analyse des charges de police, travaillée en commun sous l’égide de la Commission européenne par quels Etats afin de poser la problématique des effectifs dans des termes mieux documentés.
(Cf. Recommandation 2)






Liste des recommandations :

Recommandation 1 : Définir des indicateurs de résultats pour les diverses polices
Recommandation 2 : Proposer à la commission européenne de mettre en point une méthodologie adaptée d’évaluation des moyens rapportés aux enjeux des polices de l’environnement
Recommandation 3 : Renforcer le dispositif territorial de pilotage administratif par une meilleure articulation entre la planification des contrôles et le suivi de leurs effets, notamment dans le cadre des MMISEN, et par une implication plus forte du niveau régional
Recommandation 4. : Nommer les magistrats référents « environnement » afin de centraliser les procédures d’atteinte à l’environnement au sein du TGI.
Recommandation 5 : Faire évoluer la chaine pénale afin que les juridictions puissent rapidement établir des statistiques fiables de leur activité en matière de lutte contre l’environnement
Recommandation 6. Organiser des formations techniques conjointes ouvertes aux magistrats et aux agents des différents services de contrôle et d’enquête
Recommandation 7 : Etablir et diffuser systématiquement un bilan annuel des actions de police de l’environnement, et leur efficacité, établi autant que possible à partir d’indicateurs de résultats.
Recommandation 8 : Accentuer, dans la formation et le management des inspecteurs de l’environnement, la part relative à la capacité de communiquer sur les finalités et les modalités de mise en œuvre des polices de l’environnement, notamment vis à vis des milieux socio professionnels circonspects et dans les situations de tension
Recommandation 9 : Développe une réflexion transversale sur les stratégies de contrôle pour l’ensemble du champ des polices de l’environnement. Pour chaque régime, afficher plus clairement les formes de contrôles privilégiés et les objectifs fixés à ce sujet.
Recommandation 10 : Mener une réflexion sur la stratégie de contrôle la mieux adaptée préalablement à toute éventuelle mise en place d’une réglementation dans un domaine « émergent »
Recommandation 11 : Préciser, dans les objectifs nationaux et les plans d’action régionaux et départementaux, les conditions de mise en œuvre et les moyens afférents aux programmes et aux opérations de contrôle les plus importants
Recommandation 12 : Mieux utiliser les données de la surveillance de l’environnement et développer une culture de l’évaluation territoriale du risque qui prenne en compte toutes les activités réglementées, pour la définition des priorités de la police de l’environnement.
Recommandation 13 : Mieux évaluer les risques, en prenant en compte la qualité des installations et de leur exploitation, afin d’optimiser la répartition de l’effort de contrôle des ICPE.
Recommandation 14 : Rééquilibrer le contrôle des ICPE au bénéfice des installations soumises à déclaration et de la recherche d’installations clandestines
Recommandation 15 : Développer les contrôles des installations classées soumises à déclaration par des organismes agréés, en veillant à ce que l’administration garde la capacité d’un contrôle de second niveau suffisant et en s’assurant que les charges de ce contrôle restent supportables pour les entreprises qui y seront soumises
Recommandation 16 : Maintenir au sein des DDPP et des DDCSPP l’inspection des installations agricoles en développant les mutualisations entre départements voisins ; renforcer, dans ce domaine, les modalités de mise en œuvre de la mission d’animation de l’inspection par la DREAL ; examiner les conditions dans lesquelles le contrôle des industries agroalimentaires serait assuré dans sa totalité par les DREAL
Recommandation 17 : Renforcer la coordination de l’action des services chargés de la police des ICPE (industrielles et agricoles) avec ceux chargés de la police de l’eau, dans le cadre des programmes annuels et dans l’organisation de leurs activités de contrôle. Communiquer en direction des milieux concernés sur cette approche intégrée





Bibliographie
Rapport sur l’évaluation de la police de l’environnement- Février 2015
Rapport CGEDD n°008923-01, IGSJ n°38/14, IGA n°14121-13071-01, CGAAER n°13106 établi par Henri LEGRAND (CGEDD, responsable opérationnel) ; Emmanuel REBEILLE-BORGELLA (CGEDD, responsable opérationnel), Didier CHARBOL (IGA), Gilbert FLAM (IGSJ), Yves MARCHAL (CGAAER), Marie-Christine SOULIE (CGEDD)