Suite au refus par l'assemblée générale de l'interdiction du chalutage en eau profonde dans le projet de loi sur la biodiversité le 19 mars 2015, l'occasion est venue de faire un point sur cette pratique de pêche et sur ses impacts destructeurs sur l'environnement.


I- Une technique destructrice

Le chalutage en eau profonde est une méthode de pêche en eau profonde avec un chalut, il en existe 3 types. Les principaux poissons capturés par ces techniques sont les morues, les calmars, les flétans, les sébastes, la baudroie, la plie, la sole, les crevettes, la langoustine, le thon, le grenadier, le sabre noir, la lingue bleue. Il existe des captures accidentelles de cétacés.(1)

Le chalutage est très controversé. De nombreux scientifiques et écologistes témoignent que cette méthode de pêche est la plus destructrice qui existe, aussi bien pour la biodiversité (par exemple, le corail rouge) que pour certaines espèces menacées d'extinction. En effet, le chalutage consiste à racler les fonds des mers afin de pêcher un très grand nombre de poissons pour finalement n'en retenir qu'une très petite partie, quand les autres sont rejetées à la mer, décédées après avoir été trop longtemps à la surface. Il est estimé que 3 poissons (grenadier, le sabre noir, la lingue bleue) sur 100, sont vendus, à très faible coût compte tenu de leur faible popularité et du nombre de polluants qu'ils contiennent comme le mercure, et que d'autres nombreuses espèces sont tuées du fait du raclage (2).

Parmi ces espèces détruites du fait du raclage, certaines sont essentielles au maintien de l'équilibre des éco-systèmes - c'est le cas du corail rouge déjà très menacé de disparition - et utiles à de nombreuses études. Ainsi, alors qu'on ne connaît qu'1 % de la vie dans les océans, les scientifiques pourraient ne jamais découvrir certaines espèces utiles au développement de la recherche (par exemple, certaines algues sont utilisées dans le traitement du cancer), car détruites par cette technique.



II- Les arguments économiques qui appuient le refus

Les arguments du refus d'interdiction sont économiques.
Selon ceux qui souhaientent continuer le chalutage, l'interdiction est brutale et mettrait en difficulté le port de Lorient en Bretagne et la société Scapêche d'Intermarché, qui s'est déjà engagée à réduire ces pratiques, ce qui poserait un problème pour tous employés du secteur. Le député UMP du Morbihan a affirmé que « la France ne couvre que 20% de ses besoins en poissons ». (3)

Cependant, de certains estiment que cet argument économique n'est pas fondé. Laurence Abeille, député écologiste travaillant sur le projet de loi pour la biodiversité, estime que le chalutage est une pratique de pêche qui, non seulement « représente un massacre pour la biodiversité », mais en plus, « pour un gain économique très faible »(4). En effet, non seulement le chalutage est une méthode très onéreuse, mais en plus elle est subventionnée par l’État et les poissons vendus ne sont pas très populaires. Encore, seulement 9 navires français pratiqueraient le chalutage sur 11 au total en Europe, dont 6 appartenant à la société Scapêche d'Intermarché, et tous seraient en déficit.



III- Les évolutions et échecs de l'encadrement réglementaire

En 2013, la Commission européenne a proposée l'interdiction du chalutage profond à l'échelle européenne, mais la plupart des députés européens français (342 contre, 326 pour, 19 abstentions) (5), ont refusé cette proposition. Le chalutage a finalement seulement été encadré d'une manière un peu plus stricte. Cependant, une controverse a eu lieu sur le fait que de nombreux députés se seraient trompés en votant et que le résultat aurait mené à l'interdiction si le vote avait été accepté.


La bataille continue puisque plus récemment, le 19 mars 2015, l'interdiction proposée dans le projet de loi sur la biodiversité a été refusée par la Ministre de l'environnement qui attend les réglementations au niveau européen, et préfère un encadrement plus strict. Bien que des réglementations internationales, de la soft law, recommandent déjà l'élimination de ces pratiques destructrices et que de nombreuses réglementations européennes les encadrent, cela n'est pas suffisant et plusieurs associations de défense de l'environnement continuent à militer, à travers des pétitions par exemple, pour une réglementation beaucoup plus stricte.


(1) Définition de Chalutage. Disponible sur  http://www.aquaportail.com/definition-13404-chalutage.html#ixzz3X27Clt1D (page consultée le 12 avril 2015)

(2) Problèmes du chalutage. Disponible sur http://www.bloomassociation.org/ (page consultée le 12 avril 2015) ; et sur http://www.penelope-jolicoeur.com/page/6/

(3) (4) Agence française de presse. 19 mars 2015. Biodiversité : l'Assemblée rejette l'interdiction du chalutage en eau profonde. Disponible sur :
http://www.cbanque.com/actu/51183/biodiversite-assemblee-rejette-interdiction-du-chalutage-en-eau-profonde ;
(page consultée le 12 avril 2015)

(5) Le Monde. 16 décembre 2013. Chalutage profond : l'interdiction rejetée par erreur au Parlement européen ?. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/12/16/chalutage-profond-une-ong-souhaite-une-prise-en-compte-du-vote-corrige_4335454_3244.html (page consultée le 12 avril 2015)