Le GIEC a diffusé le 2 novembre 2014 son cinquième rapport sur l'évolution du climat et ses constats sont alarmants. La principale information issue de ce rapport est que l'Homme est à l'origine du réchauffement climatique et donc de ses conséquences: réchauffement de l'atmosphère, diminution de la biodiversité, montée des eaux. Ces conséquences nécessitent d'une part une réaction de la part des Etats les plus développés pour diminuer leurs impacts sur l'environnement, mais aussi une adaptation aux effets qui ne peuvent être évités.
Le rapport du GIEC affirme que les modifications de l'Homme sur le climat ne font que s'accroître: hausse des températures de 1 à 4 degrés et donc montée des eaux de 98cm, d'ici 2100.

Martin Vargic, un artiste Slovaque connu pour ses différentes cartes révélant les conséquences de la montée des océans, a affirmé "Il y a encore un moyen d'empêcher que tout cela arrive" avant de développer "Si nous limitons nos émissions de gaz à effet de serre au strict minimum, nous pouvons encore sauver notre environnement et notre civilisation".
S'il n'est pas trop tard pour éviter les scénarios catastrophes dépeints dans ses cartes, il l'est bel et bien pour éviter les premières conséquences du réchauffement climatique. Face à cette fatalité, certains états doivent s'adapter sur un plan économique, social mais surtout juridique.

Il s'agira dans cet article d'étudier les conséquences juridiques de la montée des eaux. Un rapport rédigé par un ancien économiste de la Banque mondiale Nicholas Stern a affirmé qu'environ 200 millions de personnes seraient dans l'obligation d'ici 2050 de se déplacer en raison des changements climatiques et de la montée des eaux. Terres submergés érosion des sols, salinisation des cultures. Tel est et sera le quotidien de millions de personnes au cours des prochaines décennies. S'il semble facile de croire que ces impacts touchent uniquement des pays lointains et sous-développés, la réalité est toute différente. En effet, les Pays-Bas ont lancé depuis quelques années déjà un plan de renforcement de leur protection côtière pour faire face à la montée des eaux et ils s'interrogent actuellement sur une refonte urbaine des villes touchées en vue d'anticiper le futur niveau des océans.
Quels peuvent être les conséquences juridiques de la montée des océans? Il s'agira dans un premier temps d'étudier la nécessité d'une création d'un véritable statut de réfugié climatique, avant de mettre en lumière les modifications subites par le droit de l'urbanisme.


I. Un vide juridique relatif au statut de réfugié climatique

Le réfugié climatique est définie comme ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie par un rapport du programme des nations unis pour l'environnement en 1985.

Cette définition met en exergue l'idée qu'un réfugié climatique fuit un environnement dans lequel il ne peut plus vivre en raison soit d'un évènement environnemental soudain qui aurait rendu cet environnement inapte à la vie humaine, soit par un fait de l'Homme qui a causé d'une façon progressive ou non cette inaptitude.
Le statut de réfugié climatique n'existe pas dans le droit national. Cependant, une notion s'en rapproche et pourrait poser les bases de sa future consécration dans le droit international. En effet, l'article 1 de la Convention de Genève a donné une définition du simple réfugié, qui est selon le texte une personne qui, «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays".
Aujourd'hui, il n'est donc pas possible de demander l'Asile environnemental mais il ne faut pas croire qu'un statut de réfugié climatique permettrait d'obtenir les mêmes avantages que celui d'un réfugié défini par la convention de Genève.

Le docteur François Gemenne, docteur et publiciste belge, a précisé que la plupart des réfugiés climatiques opéraient à des déplacements internes, et non externes à leur pays d'origine. Ce statut ouvrirait plus facilement la voie à des aides humanitaires et des plans de relogements. En ce qui concerne les déplacements externes, cela permettrait à des refugiés climatiques d'obtenir des droits civils et politiques comme le précise l'avocat Yvon Martinet qui a participé à la rédaction du projet de création du statut de réfugié climatique présenté à la conférence internationale pour le développement durable à Anjou le 4 juin 2014. Un tel statut devrait aussi englober plusieurs questions, notamment celles qui concernent l'avenir des réfugiés climatiques: s'agit-il d'un statut temporaire ? Que faire lorsque ceux-ci peuvent retrouver leur pays d'origine après une catastrophe environnementale?

De plus en plus de personnalités politiques s'intéressent à ce sujet puisqu'en raison des changements climatiques, les pays riches sont amenés à être touchés par ce phénomène, même si la majorité des déplacements sont internes. A long terme, tous les pays seront touchés par des vagues d'Hommes cherchant un meilleur milieu pour s'installer. Une sénatrice écologiste australienne, Kerry Nettle, a proposé en 2007 d'introduire une possibilité d'obtenir un visa de " Climate Refugee", sans succès.
Cependant, la consécration internationale d'un statut de réfugié climatique n'est pas sans espoir: en effet, la convention de Kampala de l'Union Africaine a mis en œuvre des plans de protections et de prises en charges des déplacés internes et peut se targuer d'être le premier instrument juridique à reconnaitre le statut de réfugiés climatiques.


II. Le droit de l'urbanisme: une refonte nécessaire en vue de prévenir les changements climatiques

La première conséquence de la montée des eaux est la refonte des plans de préventions des risques inondations. Après la tempête Xinthia de 2010, les autorités françaises ont tirés les leçons de la catastrophe et ont renforcés leur plan de préventions, en créant une interdiction stricte de construire dans les zones inondables.
Le problème réside dans le fait que beaucoup de constructions sont déjà bâtis en zone inondable: la France a mis en œuvre un plan de prévention pour les habitants concernés mais ceux-ci décident majoritairement de rester dans leurs habitations. Les zones basses telles que le bassin d'Arcachon ou l'estuaire de la Gironde sont déjà affectées par la montée des eaux.

Quelles solutions s'offrent aux communes? Les scientifiques s'attachent à dire que les protections en dur ne sont pas toujours efficaces puisque la mer arrive souvent à prendre le dessus sur celle-ci, mais aussi du fait de l'entretien qui a un coût exorbitant pour des petites communes.
Le trait de côte (limite à marée haute entre terre et mer), qui faisait longtemps l'obsession des communes, est de moins en moins leur priorité et celles-ci commencent tout juste à accepter la fatalité : elles ne pourront pas faire face à la submersion de leurs terres. Cela a été possible grâce au projet Licco, qui vise à trouver des solutions d'avenir et de se préparer face au recul du trait de côte.
Ce projet vise d'une part à éviter de donner raison au proverbe " reculer pour mieux sauter" mais il répond aussi à l'idée que depuis ces dernières années, les autorités ont réalisés que les digues et autres protection en dur pouvaient avoir un effet contreproductif. Les vagues qui s'abattent derrières les obstacles ont pour effet d'emmener le sable plus loin et de faire reculer la plage et donc d'entrainer un usure plus rapide des protections...

Il n'y a pas que les villes du littoral qui sont touchées par la montée des eaux. La ville de Vitry-Sur-Seine est par exemple concernée par la montée des eaux. La responsable du service environnement de la commune, Virginie Bourjat prévient que 26.000 personnes seraient concernées en cas de fortes crues. La ville anticipe une future montée des eaux qu'elle sait inévitable et pour cela, elle a commencé ces dernières années une campagne d'informations du public pour les mettre en garde sur les mesures à prendre en cas d'inondations. Le plan de sauvegarde communal s'inscrit dans une volonté de prévention, afin que chaque personne ou autorité sous la tutelle de la ville puisse avoir les bons réflexes au cas où la Seine sortirait de son lit.

Mais la montée des eaux n'est pas un problème pour tout le monde, au contraire. Certains promoteurs voient là l'opportunité d'investissements prolifiques. C'est le cas à Miami, où des zones d'habitats flottants voient le jour. A moyen terme, Miami deviendra la plus grande ville lacustre du monde. Miami et sa région pourrait se retrouver sous les eaux d'ici 2100 et paradoxalement, les constructions n'ont jamais été aussi nombreuses que ces dernières années, au plus grand bonheur des assurances. Celles-ci voient leur prix s'envoler, ce qui ne décourage pas les investisseurs d'injecter leur argent dans l'immobilier pour à l'avenir, participer à l'identité aquatique de Miami.



Bibliogrpahie:

Céline Lison, " Jusqu'où la terre va-t-elle monter?", dans National Geographic, Mars 2015

Laetitia Van Eeckhout, "Vitry-sur-Seine veut anticiper la montée des eaux", Le Monde, http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/04/22/vitry-sur-seine-veut-anticiper-la-montee-des-eaux_4404966_3244.html (26/03/2015)

Thomas Loubière, " Le statut de réfugié climatique n'a pas d'existence juridique", Libération, http://www.liberation.fr/monde/2013/10/18/le-statut-de-refugie-climatique-n-a-pas-d-existence-juridique_940620 ( 26/03/2015)