Le régime de la sécurité dans les produits est apparu pendant l'affaire du sang contaminé qui est survenue dans les années quatre-vingts. Si l’État français a tardé à transposer la directive de 1985, il s'est exécute treize ans plus tard en instaurant un régime stricte avec des possibilités d’exonération qui lui sont propres et cette décision est relative à une d'entre elles, la faute de la victime.
Monsieur X occupait provisoirement la maison de son père en son absence.Il a acheté une bouteille de gaz propane pour alimenter une gazinière prévue à l'utilisation de gaz butane. ll en a résulté une explosion.
M.X intente une action contre la société Butagaz qui lui a vendu le produit et invoque la défectuosité de celui-ci.
La cour d'appel de Limoges a rendu une décision faisant droit aux demandes de M.X le 11 avril 2013, aux motifs que la bouteille de gaz présentait une défectuosité au regard du manque d'informations la concernant, notamment sur les risques et les opérations de contrôle , mais aussi sur son aspect extérieur qui ne permettait pas de définir la catégorie de gaz dont il s'agissait.
La société Butagaz se pourvoit en cassation et précise que d'une part les informations présentes dans le contrat de consignation étaient suffisantes pour permettre à son utilisateur d'en retirer toutes les mesures de sécurité nécessaires, et d'autre part la victime a commis une faute en ne respectant pas ces dernières et en n'installant pas le bon connectique ce qui a provoqué l'explosion.
Une faute commise par la victime peut-elle exonérer un producteur du préjudice causé par la défectuosité d'un produit relative au manque d'information?
La Cour de cassation répond par la négative en l'espèce et rejette le pourvoi, au motif que l'erreur commise par la victime résulte du défaut d'information. En effet, Monsieur X n'était pas l'acheteur habituel de la bouteille de gaz et il n'avait pas accès aux informations de sécurité que son père avait reçu.

Il conviendra dans un premier temps d'étudier l'importance de l'obligation d'information en matière de produit défectueux (I) avant de souligner la difficile mise en œuvre de la faute de la victime dans ce régime (II)

I. Le défaut d'obligation d'information comme manquement à la sécurité d'un produit
Les articles 1386 et suivants du Code civil instaurent des conditions d'application strictes et cumulatives en matière de produit défectueux. Cet article permet à la personne victime de la défectuosité d'un produit d'intenter une action contre le producteur lorsque ce produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre (A). Cette sécurité s'apprécie au regard de toutes les circonstances qui vont entourer le contrat relatif au produit (B).

A. Les condition de mise en œuvre du régime

Plusieurs critères sont nécessaires pour affirmer la défectuosité d'un produit.

Un produit se définie par tout bien meuble, même incorporé à un bien immeuble, donc tout bien meuble peut être qualifié de défectueux.
Le caractère défectueux d'un produit se définie par le fait qu'il n'offre par la sécurité à laquelle on pourrait s'attendre, c'est une définition reprise par la jurisprudence depuis l'instauration de la loi, notamment dans la décision de la première chambre civile de la Cour de cassation du 3 mars 1998.
Afin d'établir la responsabilité, il est nécessaire de trouver le producteur: l'article 3 de la directive de 1985 définie ce dernier comme toute personne agissant à titre professionnel. Il peut s'agir du fabricant du produit fini, du producteur de la matière première, ou des composants ou encore de celui qui appose sa marque dessus.
Enfin, le dernier critère de ce régime est relatif à la mise en circulation du produit qui ne doit pas excéder dix ans sous peine de prescription: la directive n'a pas apporté de précision quant à cette notion mais la loi française , dans l'article 1386-5 du Code, a tenu à affirmer qu'un produit fait l'objet d'une mise en circulation lorsque " son producteur s'en est dessaisit volontairement". La cour de justice de la communauté européenne a précisé dans une décision Veedfald qu'il n'était pas nécessaire que le produit ait été mis dans le commerce pour que sa mise en circulation soit prononcée.

En l'espèce , la bouteille de gaz est un bien meuble, vendu par la société Butagaz dont la marque est apposée sur le produit et qui revêt donc la qualité de producteur.
La mise en circulation est plus difficile à prononcer puisqu'on ne sait pas si celle si s'applique à la mise en circulation du produit dit bouteille de gaz, ou si elle s'applique à ce type de bouteille spécifique. En l'espèce, la mise en circulation n'a pas été discutée par les partis.


La défectuosité du produit ici ne peut s'entendre d'un manque de sécurité du produit de par ses qualités substantielles puisque celui-ci ne présentait aucun problème technique pouvant engendrer un dommage mais elle peut être prononcée au regard d'un défaut d'information.

B. Le devoir d'obligation d'information et ses différents degrés

L'article 1386-4 du Code civil dispose que " Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation."
La présentation du produit ici rappelée est une référence à l'obligation d'information. La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 5 janvier 1999 que le défaut d'un produit peut consister en un manquement à la sécurité mais aussi à un déficit d'information relatif au produit.
L'obligation d'information peut se diviser en trois éléments : l'information brute, relative au éléments du produit ; l'obligation de conseil , relative à tous les éléments sur l'utilisation du produit, et le devoir de mise en garde, qui consiste à préciser les risques pouvant résulter de l'utilisation de ce dernier.
En cas de produits extrêmement dangereux, la Haute juridiction précise que ces trois éléments sont cumulatifs.
En l'espèce, la société Butagaz avait bien effectué un système de différenciation des couleurs de la bouteille selon le type de gaz. Aussi , dans la notice de consignation la société avait bien respecté son obligation de conseil et de mise en garde, notamment dans la rubrique " recommandation" sur les diverses techniques d'installation et de précaution.
La cour d'appel avait soutenu que ces information étaient difficiles à trouver de part leur disposition lointaine dans la notice , puis a considéré que ces informations n'étaient pas celles relatives au bon type de bouteille.
La Cour de cassation a estimé qu'il y avait un défaut d'information dans la mesure ou l'acheteur de la bouteille, qui était en l'espèce une autre personne que l'utilisateur habituel, n'a pas eu accès à la notice d'information qui était présente dans le contrat de consignation et qui n'est pas remise à chaque achat. Aussi , c'est pourquoi le système de différenciation du gaz par couleur de bouteille ne peut pas être considéré comme une information valide puisque M.X n'a pas eu accès à toutes les informations données à la conclusion du contrat.

II. La faute de la victime comme possible cause d’exonération

La loi relative au régime de responsabilité en matière de produits défectueux est entrée en vigueur le 25 juillet 1985 et a institué un régime exonératoire. Celui-ci peut être systématiquement total, comme le précise l'article 1386-11 du Code civil, ou peut varier de partiel à total comme inscrit à l'article 1386-13. Le degré de responsabilité dépendra alors des circonstances entourant le dommage, comme l'importance de la faute de la victime dans la survenance de ce dernier ou celle de la défectuosité.
Il conviendra d'étudier la difficile mise en œuvre de la faute de la victime (A) , avant de mettre en lumière la portée de cet arrêt.


A. Les limites à la mise en œuvre de la faute de la victime

L'article 1386-13 du Code civil dispose que "La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable."
L’exonération est donc possible lorsqu'une faute peut être imputée aux deux partis.
La faute de la victime est le fait pour la victime d'un dommage d'avoir contribué à la réalisation de celui-ci. Elle conduit le plus souvent à un partage de responsabilité entre le responsable du dommage et la personne qui l'a subit.

En l'espèce, M.X n'a pas utilisé les bons connectiques, et ce malgré les indications présentes au contrat de consignation. C'est le défaut de connectique qui a entrainé l'explosion et le fait que M.X n'a pas vérifié l'état des joints. Sa mauvaise utilisation du produit a donc contribué à la réalisation du dommage.
Cependant, la faute de la victime résulte du défaut d'obligation d'information puisque M.X n'a été informé en rien des indication et des risques d'une mauvaise utilisation du produit puisqu'il n'a pas signé le contrat de consignation. Le gaz butane étant un produit extrêmement dangereux, la société Butagaz devrait remettre une notice d'utilisation à chaque acheteur, ne sachant pas s'il s'agit de l'utilisateur occasionnel ou non.

C'est le défaut d'information qui a engendré la faute de la victime, c'est pourquoi il ne peut y avoir exonération de la société Butagaz.

B. La portée de cette décision

La Haute juridiction vient renforcer l'obligation d'information. En effet, elle ne laisse aucune chance aux producteurs, notamment de produits dangereux. Si la décision est stricte, elle relève d'une certaine logique en ce sens où le producteur doit anticiper tous les risques inhérents à l'utilisation de ses produits, surtout quand il s'agit de produit techniques comme les bouteilles de gaz. Le producteur doit s'assurer que la personne à qui il vend la bouteille de gaz a eu accès aux informations disponibles dans le contrat de consignation et c'est cela que la Cour de cassation vient sanctionner.

Légifrance, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 février 2015, 13-19.781, Publié au bulletin, Disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030205003&fastReqId=1473258890&fastPos=1



Cour de Cassation Rapport annuel 36 Chapitre 2https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2011_4212/troisieme_partie_etude_risque_4213/charge_risque_4214/charge_risque_4238/regimes_autonomes_22849.html

Université Rennes 1, Rapport sur la mise en circulation, Anne Guegan,http://grerca.univ-rennes1.fr/digitalAssets/305/305939_32_aguegan.pdf