I. Des lacunes juridiques et des inégalités économiques

Beaucoup de profits, peu de risques…

La criminalité environnementale est en hausse en France et dans le monde. En France, les infractions au droit de l’environnement ont augmenté de 20% entre 2010 et 2012. Dans le monde, les trafics d’animaux sauvages sont régulièrement dénoncés. La population de pachyderme a baissé de 60% depuis 2002 et il est établi qu’aujourd’hui mille animaux sont tués par an alors qu’ils étaient 50 en 2007.

Le travail des journalistes du Monde a mis en lumière le fonctionnement des trafics internationaux en matière environnementale. Ils se sont déplacés dans une dizaine de pays afin d’identifier cinq filières importantes de crimes environnementaux et de les suivre depuis leurs sources jusqu’aux « consommateurs » : le trafic de bois rose, de déchets électroniques, de pesticides, d’exploitation illégale de mines d’étain et le trafic de tigres sauvages.

Une table ronde intitulée « Combat contre la criminalité environnementale » a réuni Marie-Béatrice Baudet, journaliste au journal Le Monde, Ioana Botezatu, dirigeant l’unité Biodiversité de la sous-direction Sécurité environnementale d’Interpol et Milena Sosa Schmidt, travaillant pour l’unité scientifique de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction).
Ces professionnels ont pu expliquer les raisons de ces trafics et ce qui était mis en place pour poursuivre les délinquants ou criminels. En réalité, les filières de trafics environnementaux suivent les autres trafics illégaux : ainsi, la filière de l’ivoire en Afrique suit celle du trafic d’armes. Les trafics d’animaux sauvages sont perpétrés par les mêmes mafias que celles qui conduisent les trafics de drogues ou d’êtres humains… Il est aussi avéré que certains groupes terroristes ou des guérillas se financent par le biais de ces trafics environnementaux (par exemple, les islamistes Chebab en Somalie).



Des causes et des conséquences diverses

Iona Botezatu explique ainsi que les mafias ne font que se diversifier et qu’elles se sont tournées sur ces secteurs car il était plus difficile de poursuivre les criminels puisqu’il n’y a pas de victime humaine et que les dommages ne sont pas immédiats. Ainsi, trois motivations sont à l’œuvre : une motivation économique, le rapport risques/profits et enfin le manque de réglementation voire l’ignorance même de la réglementation.

Pour illustrer ces propos, il est possible de prendre pour exemple le trafic de tigres sauvages et le trafic de bois rose à Madagascar.
S’agissant des tigres, il est établi que si leur protection n’est pas assurée, ils disparaîtront à l’état sauvage d’ici trois ou quatre ans pour deux raisons : leur chasse et la destruction de leur habitat naturel. Le trafic de ces animaux protégés sont motivés d’une part, par la demande des consommateurs chinois et d’autre part, par la pauvreté des chasseurs indiens qui ont été expropriés de leurs terres et qui survivent grâce au braconnage de ces animaux. En effet, les tigres sont chassés sur commande de l’élite chinoise, un tigre sauvage s’achetant pour 70.000$. Or, tuer un tel animal conduit généralement à des sanctions dérisoires ; aux Etats-Unis, la peine encourue est d’un an d’emprisonnement. Lutter contre ce trafic est une gageure : s’il a été au départ soutenu qu’un commerce légal de tigres élevés en captivité pouvait être une solution, des fermes ont été développées en ce sens en Chine mais cela n’a pas permis de faire diminuer le trafic car les consommateurs chinois veulent impérativement des animaux sauvages auxquels ils prêtent des vertus médicinales ou thérapeutiques.
S’agissant du bois de rose, la découpe détruit des forêts entières et avec elles, l’habitat naturel des animaux sauvages. Encore une fois, les journalistes ont découverts que le bois était destiné à l’élite chinoise pour laquelle il symbolise la richesse, puisque les prestigieuses dynasties chinoises, depuis les Tang mais surtout les Ming, utilisaient ces bois rares pour leurs mobiliers.

Par ailleurs, ces crimes environnementaux ont plusieurs conséquences car ils sont néfastes pour l’environnement (la diversité de la faune et de la flore s’amenuise), pour la santé publique (le dépôt illégal de déchets dangereux a conduit par exemple à une surmortalité des habitants de Naples et de Caserte), pour l’économie (car l’absence d’harmonisation des législations conduit les acteurs économiques à privilégier un pays plus qu’un autre) et des enjeux sécuritaires (comme il a été dit les mafias, les guérillas ou encore les terroristes se financent par ces biais).

Le constat : « Le droit est utile, mais insuffisant s’il n’est pas appliqué »

Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République pour la protection de l’environnement, a ouvert les allocutions lors du colloque. Selon lui, les crimes contre l’environnement sont des « crimes contre l’avenir » puisque les êtres ont une communauté d’origine et une communauté de destin. Il faut alors s’extraire de l’idée que le vivant ne sert qu’à l’humain pour au contraire « prendre en charge l’ensemble des êtres » et faire évoluer le droit pour que « le droit colle à la réalité ». Ses propos sont alarmants car en l’absence de mesures de protection de l’environnement, le risque est que dans 150 ans, 50% de la biodiversité aura disparu.
Pour faire évoluer le droit dans ce domaine, Nicolas Hulot insiste sur le fait que l’approche doit être globale et tenir compte des réalités économiques afin de fournir des alternatives aux personnes ou peuples défavorisés qui n’ont pas d’autres choix que de surexploiter la Terre. Ainsi il identifie trois contraintes au changement : l’inégalité – même devant la crise environnementale –, la vulnérabilité des écosystèmes et la rareté des ressources naturelles.

La suite du colloque a été l’occasion pour William Bourdon, avocat et président de l’ONG Sherpa, Mireille Delmas-Marty, professeur honoraire du Collège de France et membre de l’Institut ainsi que Anabela Gago, chef de l’unité de la Commission européenne, de fournir des éléments de réponses sur ce « Que peut le droit ? ».

Le problème en soi n’est pas l’absence de réglementation, mais son caractère inadapté et surtout inappliqué.
Dans certains pays en développement, les réglementations pénales existent mais ne sont pas appliquées. Le droit pénal est en effet utilisé soit, et c’est le cas le plus fréquent, pour sanctionner la violation de règles administratives, soit de manière autonome. Ainsi, comme l’explique le professeur Laurent Neyret, le trafic de bois de rose constitue une infraction pénale à Madagascar et couper un arbre dans une zone protégée est passible de vingt ans de travaux forcés alors que le trafic existe et prospère car les criminels ne sont pas sanctionnés. En Chine, un crime contre l’environnement peut être passible de la peine capitale.
Ainsi, le manque d’harmonisation des législations étatiques conduit à un véritable « dumping environnemental » car le niveau des sanctions ou l’existence de la sanction diffère en fonction des états.

Des règlementations sectorielles, complexes et lacunaires

S’agissant du droit pénal international en la matière, de nombreuses conventions existent mais sur des sujets précis, et sans texte directeur ni juridiction participant à leur application uniforme.
La Cour pénale internationale n’est compétente en matière d’environnement qu’en tant que crime de guerre environnemental défini à l’article 8-2 b) iv) de ses statuts comme « Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment [….] [des] dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu ».
Par application de la méthode dite sectorielle, le droit pénal international de l’environnement est constitué de conventions portant sur des secteurs comme la CITES, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) du 2 novembre 1973 ou encore la Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets qui a, en particulier, donné lieu à une infraction édictée à l’article L218-43 du Code de l’environnement…

Au niveau européen, la directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal est le texte de référence en ce qu’il vise à instaurer un niveau minimal d’harmonisation en désignant des atteintes graves à l’environnement devant être sanctionnées par les Etats Membres. Cependant, elle laisse une large marge de manœuvre aux Etats Membres, par exemple, le choix entre sanctions pénales ou administratives pour les personnes morales ou même le choix des sanctions qui doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives »). En cela elle est insuffisante mais aussi car il s’agit d’une liste restrictive de comportements à sanctionner en cas de violation intentionnelle ou par négligence grave d’une norme.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence créatrice sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (relatif à la vie privée et familiale). Par le biais de cet article, elle a sanctionné des atteintes à l’environnement du fait des déchets, dans le domaine de la santé et la salubrité publique notamment.

Au niveau national, il n’existe pas, dans le code pénal, une infraction générale pour atteinte à l’environnement. Pour autant, le droit pénal appréhende l’environnement en général d’une part, en considérant qu’est une atteinte aux intérêts de la Nation, toute atteinte à « l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement » (article 410-1 Code pénal) et d’autre part, en instituant comme acte terroriste, une atteinte à l’environnement « lorsqu'il est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel ».
En revanche, il existe un nombre important d’infractions pénales spécifiques (une nouvelle fois il s’agit d’une méthode sectorielle).
Par exemple, l’article L541-6 du Code de l’environnement sanctionne un certain nombre d’infractions à la réglementation en matière d’élimination ou de stockage des déchets ; les articles L514-9 à L514-17 du Code de l’environnement sanctionnent le non-respect des prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et des dispositions aux articles L218-42 et suivants du Code de l’environnement relatives à la prévention et la pollution, intentionnelle ou accidentelle, des navires et aéronefs dans les milieux marins…
Le rapport relève qu’en pratique peu d’infractions sont sanctionnées et que seuls 1% des contrôles étatiques dans le domaine de la protection de l’eau conduisent à des sanctions.

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »

Le constat des juristes est d’abord que le système est complexe et inapproprié, Le professeur Laurent Neyret, citant Montesquieu, rappelle que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
Les juristes critiquent le fait que les infractions pénales sont principalement des sanctions à la violation de règles, prescriptions ou autorisations administratives. Or, la violation de règles administratives est indépendante de la question du dommage ou du risque de dommage à l’environnement. Ainsi, les infractions pénales sanctionnent des règles préventives et pour cette raison, les tribunaux ont des réticences à condamner.
S’agissant du droit international, les juristes dénoncent le « dumping environnemental » et prône une harmonisation du niveau des sanctions. Ils dénoncent aussi le fait que l’ « absence de traitement global de la criminalité environnementale et des sanctions y afférentes » conduisent à une illisibilité du droit européen et international et sont sources de lacunes desquelles les criminels profitent.

En résumé le droit pénal de l’environnement, à tout niveau est lacunaire pour plusieurs raisons principales :
- les incriminations sont souvent accessoires à des règles administratives ;
- les sanctions font référence à des normes techniques et ne sont donc pas lisibles :
- la réglementation interne des états n’est pas toujours cohérente (la gravité des sanctions ne dépendant pas de la valeur sociale protégée…) et les réglementations entre les Etats ne sont pas harmonisées ;
- l’insuffisance de la poursuite des criminels environnementaux par les pays en développement ;
- l’insuffisance des moyens conférés par les états développés pour lutter contre ces crimes.

II. Des propositions en droit interne et en droit international
A titre préliminaire, il faut rappeler que depuis le Sommet de Rio, le principe du pollueur-payeur est aménagé à l’international avec le principe de responsabilité commune mais différenciée qui tient compte du degré économique des pays.
En matière environnementale, le principe 11 de la Déclaration de Rio énonce que « Les Etats doivent promulguer des mesures législatives efficaces en matière d'environnement. Les normes écologiques et les objectifs et priorités pour la gestion de l'environnement devraient être adaptés à la situation en matière d'environnement et de développement à laquelle ils s'appliquent. Les normes appliquées par certains pays peuvent ne pas convenir à d'autres pays, en particulier à des pays en développement, et leur imposer un coût économique et social injustifié ». Lors du colloque, Madame Mireille Delmas-Marty a émis le souhait de faire évoluer ce principe, qui ne serait pas suffisant dans son application, et de créer des critères afin de contextualiser la norme commune (en fonction des contraintes économiques et sociales principalement).
Quelles sont les propositions du rapport ?

S’agissant de la méthode : quand et comment recourir au droit pénal ?

La première proposition vise à mieux connaître les crimes environnementaux puisqu’il s’agit d’établir des outils nationaux et internationaux adaptés pour connaître et comparer les systèmes de protection contre les crimes environnementaux.

La question de la soft law a été abordée pendant le colloque mais les protagonistes l’ont jugée insuffisante. Pourtant, dans les groupes de sociétés, il est juridiquement – pour le moment – impossible de poursuivre la société-mère, en l’absence de faute, pour tout manquement de sa filiale à l’étranger. C’est pour cette raison que la soft law a son utilité.
Adẚn Nieto Martin, professeur de droit pénal à l’université Castilla_La Mancha, l’un des auteurs du rapport en question, dans son article « Eléments pour un droit international pénal de l’environnement », explique qu’un certain nombre d’atteintes à l’environnement sont légales dans des pays à cause de la corruption des gouvernements qui arguent du droit au développement. Selon lui, les entreprises multinationales ont convaincu les états d’adopter la méthode de la soft law qui leur est favorable et qu’elles se sont organisées afin de délocaliser leur responsabilité. Il considère que la responsabilité collective est un pilier du droit pénal de l’environnement et qu’il faut reconnaître une responsabilité pénale aux multinationales fondée soit sur la faute soit sur le défaut d’organisation envisagé de façon autonome.

Le rapport préconise une rationalisation de la protection pénale de l’environnement.
Pour rationaliser, il faut classifier les infractions environnementales (Proposition n°2), ce qui nécessite d’identifier des critères : l’importance de la valeur protégée, la gravité du dommage, l’illicéité du comportement de l’auteur de l’infraction ou la gravité de la faute de celui-ci. Il faudrait également initier deux mouvements de politique criminelle environnementale (proposition n°3) : simplifier le droit pénal et harmoniser au niveau international la protection de l’environnement.
Parmi les mesures de simplification, le rapport préconise une dépénalisation des infractions qui ne sont que la violation d’une norme administrative. En effet, la valeur protégée par ce type d’infractions n’est pas aussi importante que les normes sociales que le droit pénal a pour objet de protéger. Dépénaliser permettrait ainsi de renforcer la dissuasion car les sanctions administratives seraient plus souvent prononcées et en même temps cela renforcerait l’application des mesures pénales car la justification du recours au pénal serait plus patent.
Internationaliser le droit pénal implique de renforcer la coopération internationale, d’élargir les compétences de l’Union européenne et d’unifier la sanction du crime d’écocide.
Le rapport préconise aussi la création de deux conventions internationales : l’une relative au aux écocrimes et l’autre relative aux écocides.

S’agissant des comportements à sanctionner :

De nombreuses propositions doctrinales sur le sujet ont été menées. Le professeur Adẚn Nieto Martin s’est penché sur la question de savoir quelles infractions pourraient être utilisées dans le cas d’un hypothétique droit pénal international de l’environnement.
Il a d’abord relevé un consensus de la doctrine sur quatre lignes directrices : l’idée de lier les atteintes à l’environnement aux atteintes aux droits de l’homme de première génération (« droits de »), considérer les dommages environnementaux comme des dommages économiques affectant le droit d’exploiter les ressources naturelles, sanctionner les macro-dommages et les dommages transnationaux environnementaux. Puis, il a relevé, au sein des diverses propositions doctrinales dans ce domaine, l’existence de cinq approches différentes qui sont autant de propositions de définitions d’infractions :
- l’écocide : l’atteinte à l’environnement aurait pour but d’exterminer une ethnie ou une race ou de provoquer le déplacement d’une communauté ;
- le géocide : l’atteinte à l’environnement étendue et durable ayant une dimension internationale, sans justification économique et sociale, qu’elle soit intentionnelle ou non ;
- le patrimonicide : la spoliation des ressources naturelles par des personnes ayant un pouvoir sur la zone concernée (multinationale ou dirigeant d’un état) ;
- les infractions contre les trafics illicites liés à l’environnement : trafics d’espèces protégées, de déchets ou de substances dangereuses ;
- l’infraction écologique transfrontalière grave : le fait qu’un dommage environnementale porte gravement atteinte à la santé ou la vie des habitants d’un état voisin.

Le rapport souhaite mieux définir les infractions environnementales en simplifiant le droit des écocrimes (proposition n°5).
Sur le volet préventif, le rapport préconise de créer une infraction générale de mise en danger de l’environnement définie comme « le fait de créer un risque de dégradation substantielle des écosystèmes dans leur composition, leur structure ou leur fonctionnement ».
Par ailleurs, les propositions n°12 à 17 visent à renforcer les moyens pour prévenir les crimes. Il s’agit d’obliger les états à s’informer et à informer la société sur ces crimes ; à promouvoir des bonnes pratiques ; à développer les échanges d’informations entre les états ; et également à garantir le bon fonctionnement de la prévention en renforçant la formation des professionnels du secteur, en renforçant les contrôles des autorités compétentes et en imposant une obligation de vigilance à la charge des établissements de crédit pour détecter les transactions suspectes.
La création d’une infraction générale d’atteinte à l’environnement consistant dans « le fait de causer une dégradation substantielle des écosystèmes dans leur composition, leur structure ou leur fonctionnement » est également souhaitée.
Le rapport préconise aussi la consécration du crime d’écocide qui est « tout acte intentionnel commis dans le cadre d’une action généralisée ou systématique et qui porte atteinte à la sûreté de la planète » et que son régime soit calqué sur celui des crimes internationaux les plus graves.
En aval de la définition des sanctions, le rapport préconise aussi aux termes des propositions 18 à 20 d’améliorer la sanction des crimes (i) en individualisant la sanction en fonction de la gravité du crime ou du dommage, (ii) en permettant au juge de prendre en compte le profit réalisé par une entreprise auteure d’une infraction dans la détermination de son amende et (iii) en adaptant les sanctions à la qualité des auteurs de crimes (en particulier prendre des sanctions spécifiques pour les personnes morales).

S’agissant des responsables des infractions :

Les propositions 7 à 9 visent à adapter le droit pénal à la spécificité des auteurs de crimes environnementaux.
Comme expliqué précédemment, les criminels sont de plusieurs types : soit des personnes défavorisées dont la perpétuation de ces infractions est le seul moyen de subsistance ; soit des mafias qui ne font que diversifier leurs activités criminelles ; soit des guérillas ou groupes terroristes qui profitent des lacunes juridiques pour se financer ; soit des entreprises multinationales qui cherchent à maximiser leurs profits.
En conséquence, les propositions visent à (i) responsabiliser pénalement les personnes morales en cas d’écocides et plus généralement à encourager leurs responsabilités en cas d’écocrimes, (ii) appliquer tout l’arsenal juridique existant en matière de criminalité organisée aux écomafias et (iii) harmoniser les formes de participation aux crimes environnementaux avec ce qui existe en matière de crimes organisés ou de crimes internationaux les plus graves.
Ici, on remarque la volonté d’inscrire les atteintes à l’environnement au même rang que les atteintes aux valeurs les plus importantes de notre ordre social.

S’agissant des victimes des infractions :

Les victimes des crimes environnementaux ne sont pas, par définition, des victimes directes puisque l’atteinte est portée à la faune et la flore qui ne sont pas, en droit français, des sujets de droit ; les victimes peuvent être indirectes et peuvent être difficilement identifiables, ou plus souvent, leur dommage peut survenir longtemps après l’atteinte à l’environnement. Il faut donc prendre en compte leurs spécificités en facilitant leur accès à la justice (proposition n°10) et en permettant à la société civile de saisir la justice grâce à un droit d’alerte (proposition n°11).

Le rapport (propositions 21 et 22) souhaite améliorer la réparation des préjudices causés par des crimes environnementaux et propose d’établir une justice dite « restaurative », c'est-à-dire qu’il préconise des obligations de faire comme des remises en état, des sanctions symboliques ou l’approvisionnement d’un fonds d’indemnisation pour l’environnement et la santé publique (dont la création est préconisée par le rapport).




S’agissant des autorités poursuivantes :

Pour assurer l’efficacité de la politique pénale environnementale, le rapport considère qu’il faut renforcer les capacités des systèmes pénaux nationaux, renforcer la coopération internationale et l’entraide judiciaire, développer des mécanismes complémentaires au niveau international.
Selon le rapport, une autorité indépendante devrait être créée par les états (Haute autorité environnementale indépendante). Les auteurs préconisent par ailleurs l’aide aux systèmes judiciaires des états en développement, puisque, comme expliqué précédemment, il existe un sérieux problème dans l’application de la justice qui est notamment du au manque de moyens financiers de ces états.

Au niveau international, les auteurs du rapport souhaite l’institution d’un Procureur international de l’environnement qui serait indépendant et coordonnerait les actions des autorités nationales. Surtout, les auteurs souhaitent que soit mise en place une Cour pénale internationale de l’environnement.
Pour assurer l’efficacité de la justice pénale environnementale, le rapport préconise le renforcement des procédures de respect des traités et enfin le renforcement des modes de règlements des litiges liés à l’application des traités.

Sources principales :

Encyclopédie Dalloz Environnement, dossier du professeur Yves PETIT
Encyclopédie Dalloz Environnement, dossier de Annie BEZIZ-AYACHE

« Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement », Bruylant

« Eléments pour un droit international pénal de l’environnement », professeur Adẚn NIETO MARTIN, RSC 2012, p. 69

Colloque du 11 février 2015 au Monde « Le tour du Monde des écomafias »

Dossier du journal Le Monde sur les Ecocides :
http://www.lemonde.fr/planete/visuel/2015/01/24/ecocide-episode-1-le-bois-qui-saigne_4527270_3244.html