Les déchets du secteur économique des bâtiments et travaux publics (BTP) représentent 4/5 des déchets franciliens avec près de 25 millions de tonnes de terre, de béton, de plâtre, de PVC, de vitrages, d’isolants… A titre comparatif les déchets ménagers franciliens représentent 5,6 millions de tonnes annuelles. La multiplication des chantiers franciliens jusqu’en 2030, avec les travaux liés au Grand Paris Express et au Nouveau Grand Paris ainsi qu’à la création de 40 000 logements, vont générer plus de 36% de nouveaux déchets.

I- La situation actuelle

Les déchets du BTP étaient au cœur des débats des Assises nationales des déchets qui se sont tenues en juillet 2014. Lors de ces assises il a été constaté que la valorisation des déchets de chantier et l’utilisation des granulats recyclés occupent une place marginale dans les pratiques des acteurs du BTP. Cela s’explique en partie par la segmentation du secteur. Ces éléments sont considérés par les maîtres d’œuvre comme des contraintes supplémentaires, quand bien même le coût de l’opération peut être neutre.

Ainsi seul un tiers de ces déchets est recyclé, le reste étant déversé en décharges, utilisé pour le remblayage des carrières ou jeté en dépôt sauvage. Le tri de ces déchets se fait par flottaison. Le bois et le plastique surnagent alors que les gravats restent au fond. Cette technique permet de recycler 75% des matériaux amenés en centre d’élimination.

La Région Ile-de-France participe d’ores et déjà au financement de déchetteries professionnelles et de centres de tri. Elle compte également inclure une clause relative « prévention et valorisation des déchets » dans ses appels à projet dans de cadre de rénovations et de constructions nouvelles, clause systématiquement négociée.

II- Les objectifs du plan de prévention et de gestion des déchets ménagers

Conformément à la loi Grenelle 2 n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, la région travaille depuis 2010 à l’élaboration d’un « Plan régional de prévention et de gestion des déchets issus des chantiers du bâtiment et des travaux publics ». Ce plan a pour but de fixer des objectifs de recyclage et de valorisation, de définir les priorités pour les atteindre et d’identifier les installations devant être créées pour gérer les déchets non dangereux tels que la terre et le béton.

Le 19 juin 2014, la région a adopté l’avant-projet du plan de prévention « prévenir et gérer les déchets de chantier » (PREDEC) afin d’assurer une meilleure prise en charge des déchets issus du bâtiment, en vue notamment des chantiers liés au Grand Paris Express. Ce plan vise à réduire leur production, mais aussi à encourager leur recyclage par la mise en œuvre d’une économie circulaire dans le secteur du BTP. L’autorité environnementale a rendu son avis le 24 septembre 2014. L’enquête publique, ouverte par un arrêté du CRIF du 24 juin 2014, a débuté le 26 septembre et a été clôturée le 5 novembre 2014. L’adoption finale du PREDEC devrait avoir lieu en juin 2015.

La priorité est de limiter la création de déchets. Si l’objectif « zéro déchet » semble impossible car tout chantier est générateur de déchets et consomme de l’eau et de l’électricité, il est cependant possible d’essayer de limiter ces consommations et de limiter la production de déchets en préparant bien le chantier afin de ne pas démolir plus que nécessaire et de construire en gâchant moins de matériaux. Cela passe par la formation et la sensibilisation des architectes, des chefs de chantier et des apprentis afin de leur apprendre les bonnes pratiques telles que celle du choix de matériaux peu énergivores lors de leur fabrication, dégageant peut de CO2.

L’objectif est d’atteindre un taux de recyclage de 70% en 2020, contre 30% aujourd’hui. Cependant certains déchets ne peuvent être recyclés et l’enfouissement en carrière ou le stockage en décharge est incontournable. Les matériaux déblayés peuvent être réutilisés par d’autres professionnels sur des chantiers à proximité. L’entreprise Hésus propose par exemple une application smartphone destinée aux professionnels du BTP leur permettant d’échanger de la terre géo localisée par GPS.

Une soixantaine de centres d’élimination de déchets tels que des déchetteries publiques et privées ou des services de collecte aux chantiers seront mis en place d’ici 2026. Ils devront assurer une plus juste répartition des déchets sur le territoire francilien, la majorité des déchets étant aujourd’hui stockée en Seine-et-Marne. L’objectif est que chaque professionnel trouve un centre à proximité de son chantier. Le nombre de chaînes de tri spécialisées en BTP devrait quant à lui doubler. Les déchets de chantier sont en effet très lourds et nécessitent des installations renforcées.

Les équipes travaillant à l’élaboration du PREDEC final proposent également la création de recycleries, endroits où les professionnels pourraient acheter des matériaux mis en valeur et plus commodes d’accès. Le directeur de l’observatoire régional des déchets d’Ile-de-France (Ordif) propose quant à lui des sanctions contre les dépôts sauvages.

Reste la question du financement du coût de cette politique. Si les objectifs du PREDEC représentent un coût supplémentaire pour les entreprises du BTP, qui jusqu’alors éludaient la question en se déchargeant sur l’acteur suivant de la chaîne, ce coût ne devrait pas être imputé sur les contribuables à travers une augmentation des impôts.

III- La création de nouveaux emplois

La révision de la gestion des déchets permet également d’imaginer de nouveaux métiers. Ainsi l’obligation depuis 2011 de réaliser un diagnostic avant la destruction de tout bâtiment de plus de 1 000m2 permet de créer des postes d’auditeurs. Le métier de valoriste est également apparu. Ces derniers sont chargés de superviser les matériaux de construction et de les orienter vers les bonnes filières de retraitement. La région a choisi de généraliser cette expertise sur les chantiers franciliens et de retenir ce nouveau métier dans son offre de formation professionnelle 2014-2018.

Helder de Oliveira, directeur général de l’Ordif, estime que l’enfouissement de 100 tonnes de déchets du BTP permet de créer trois emplois, alors que recycler la même quantité permet d’en créer neuf. Aujourd’hui la gestion des déchets emploie environ 20 000 personnes en Ile-de-France. Ce gisement d’emplois est appelé à prospérer grâce aux objectifs fixés par le PREDEC, les travaux prévus pour les cinq prochaines années devant générer 18 000 emplois dans le BTP ainsi que des montagnes de déchets devant être valorisées. Dans un pays où le taux de chômage moyen sur le quatrième trimestre 2014 s’élève à 10,4% selon le Bureau international du travail, les ouvertures proposées par ce secteur d’activité sont de belles opportunités.

Bibliographie :

- délibération du CRIF n°CR 14-32 du 19 juin 2014 adoptant le projet de PREDEC

- délibération du CRIF n°14-056 du 24 juin 2014 portant ouverture de l’enquête publique

- avis de l’autorité environnementale sur le projet de plan régional prévention et gestion des déchets de chantier du bâtiment et des travaux publics du 24 septembre 2014

- dossier d’enquête publique du projet PREDEC (plateforme des débats public d’Ile-de-France)

- site internet de la région Ile-de-France
o http://www.iledefrance.fr/fil-actus-region/%20dechets-du-batiment-mine-valoriser
o http://www.iledefrance.fr/decisions/plan-ameliorer-traitement-dechets-du-batiment
o http://www.iledefrance.fr/fil-actus-region/seconde-vie-dechets-du-batiment-question