L’obligation pour tous les employeurs de déclarer l’exposition des travailleurs à certains facteurs d’exposition à des risques professionnels a été introduite par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014. Divers décrets du 9 octobre 2014 ont précisé le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité et les obligations de l’employeur en la matière.

L’instruction du 13 mars 2015 explique concrètement les modalités de mise en place de ce compte et rappelle les obligations pesant sur l’employeur à ce titre.

Elle rappelle le champ d’application de l’obligation de déclarer l’exposition des travailleurs à des facteurs de risques professionnels. Cette obligation concerne tous les salariés de droit privé ainsi que les employés des personnes publiques dans les conditions du droit privé (employés des EPIC, EPA et établissements de santé mentionnés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 relative à la fonction publique hospitalière). Les apprentis et titulaires d’un contrat de professionnalisation sont également concernés, ainsi que les travailleurs en contrat à durée déterminée dès lors que ce contrat porte sur une durée d’1 mois au moins en vertu de l’article D 4161-4 du Code du travail. Sont également concernés les travailleurs détachés pour lesquels l’entreprise donneuse d’ordre transmet à l’établissement sous-traitant les informations nécessaires. Enfin, les intérimaires bénéficient également de ces dispositions dans la mesure où l’entreprise utilisatrice doit communiquer à l’entreprise de travail temporaire les conditions d’exposition du personnel mis à disposition. L’entreprise de travail temporaire établit alors, en considération de ces informations, la fiche de pénibilité de l’intérimaire.

L’instruction apporte des précisions utiles à propos de la façon d’apprécier l’exposition des travailleurs aux facteurs « de pénibilité » ainsi que les conditions dans lesquelles s’effectue la déclaration des dits facteurs et le règlement des cotisations dues.

I) Les modalités d’appréciation des facteurs d’exposition par l’employeur

Au titre de l’article D 4161-2 Code du Travail, quatre facteurs d’exposition sont applicables à compter du 1er janvier 2015, l’instruction en précise l’appréciation.

S’agissant des activités exercées en milieu hyperbare, il convient de considérer que le travailleur est exposé dès lors qu’il réalise au moins 60 interventions dans un environnement soumis à plus de 1200 hectopascals par an.

S’agissant du travail de nuit, un travailleur est considéré comme exposé à ce facteur dès lors qu’il travaille au moins 1h entre 24h et 5h et ce, à hauteur de 120 nuits par an. A cet égard, on peut noter qu’à défaut de logiciel prévoyant spécifiquement ce critère il n’est pas toujours facile de déterminer l’exposition à ce facteur dans la mesure où l’exposition du travailleur n’est pas calquée sur la définition de travail de nuit de l’article L 3122-29 du code du travail qui le circonscrit aux horaires effectués entre 21h et 6h.

S’agissant du travail en équipes successives alternantes, il est défini par une directive européenne du 4 décembre 2003 comme « tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris rotatif, de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ». Ainsi le travail organisé en 5x8, 4x8, 3x8, 2x8 et 2x12 est considéré comme répondant à la définition de travail posté. Pour être considéré comme exposé à ce facteur, il faut qu’un salarié posté effectue au moins 1h de travail entre minuit et 5h et ce, 50 nuits par an au moins.

S’agissant du travail répétitif, l’exposition peut résulter de l’une ou l’autre de ces situations :
- Travailler avec une durée de cycle inférieure à 1 minute pendant au moins 900h par an avec une cadence contrainte et sans compter le nombre d’actions techniques
- Travailler avec une durée de cycle supérieur à 1 minute en effectuant 30 actions sollicitantes ou plus par minute avec une cadence contrainte, pendant 900h par an.

L’instruction précise que l’exposition des travailleurs est établie en croisant deux éléments : les facteurs de pénibilité du type de poste occupé et l’exposition moyenne annuelle du salarié sur le poste. Cette exposition est appréciée au regard des conditions de travail habituelles et en prenant en compte les réductions d’exposition résultant de l’utilisant d’équipements collectifs ou individuels de protection.

Cependant, dès lors qu’une absence prolongée remet en cause l’exposition, elle ne sera pas prise en compte dans le calcul de l’exposition du travailleur. Ainsi, les congés maladie longue durée, congés sabbatiques, congé individuel de formation ne sont pas comptabilisés dans la durée d’exposition.

L’instruction indique que cette évaluation par type de poste peut être effectuée à l’aide du document d’évaluation des risques professionnels et que les fédérations professionnelles ont pour mission d’aider les entreprises à mettre en œuvre le compte de prévention de la pénibilité, notamment en leur fournissant des guides par branche professionnelle afin de les aiguiller dans leur évaluation de l’exposition aux facteurs de pénibilité.

II) Les modalités de la déclaration annuelle, des fiches d’exposition et de calcul des cotisations dues

En ce qui concerne l’établissement des fiches d’exposition, elles peuvent être renseignées en se basant sur le modèle de fiche prévu par arrêté. Cependant, l’employeur peut également se fonder sur un autre format s’il respecte les éléments qui doivent y figurer. Egalement, la fiche peut être établie sur un support papier comme sur un support dématérialisé.

La communication de cette fiche d’exposition doit s’effectuer au bénéfice des travailleurs et des services de santé au travail. Elle est transmise au plus tard le 31 janvier de l’année N+1 (en l’occurrence, 31/01/2016) au salarié qui dispose d’un contrat d’une durée supérieure ou égale à l’année civile et aux services de santé au travail. Elle doit également être transmise à la suite de tout arrêt de plus de 30 jours consécutif à un accident de travail ou une maladie professionnelle. Pour les titulaires d’un contrat de moins d’un an mais de plus d’un mois, la fiche est transmise au plus tard le dernier jour du mois suivant la fin du contrat. L’instruction laisse cependant un délai supplémentaire à l’employeur qui aura jusqu’au 31 janvier 2016 pour établir ces fiches.

S’agissant de la déclaration de l’exposition à ces facteurs à effectuer auprès de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’instruction précise sa mise en œuvre. L’employeur déclare l’exposition de ses salariés aux facteurs d’exposition à travers la déclaration annuelle des données sociales (DADS). Cette déclaration peut être effectuée directement via le logiciel de paie si celui-ci a la fonctionnalité le permettant. Dans le cas contraire, l’employeur pourra effectuer cette déclaration séparément, et notamment à l’aide de la télé-déclaration disponible sur le site web e-ventail.

Il résulte de cette déclaration auprès de la CNAV une cotisation que l’entreprise doit verser afin d’alimenter le compte de prévention de la pénibilité. Elle est double:
- Une cotisation de base : payée pour tous les salariés entrant dans le champ d’application du CPPP (l’exposition à 1 ou plusieurs facteurs est indifférente). Elle est due au taux de 0,01% au 01/01/2017.
- Une cotisation additionnelle : taux différent selon que la salarié est exposé à un ou plusieurs facteurs. Elle est due à compter du 1er janvier 2015.

L’assiette de la cotisation est l’ensemble des rémunérations et gains versés par l’employeur au sens de l’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale.

En cas d’absence de déclaration, une sanction est prévue aux articles R 243-16 et R 243-18 du Code de la sécurité sociale, à savoir une « pénalité de 7, 5 euros par salarié ou assimilé figurant sur le dernier bordereau ou la dernière déclaration remise par l'employeur. Le total des pénalités ne peut excéder 750 euros par bordereau ou déclaration. Si le retard excède un mois, une pénalité identique est automatiquement appliquée pour chaque mois ou fraction de mois de retard ».

Finalement, cette instruction apporte des précisions utiles afin de guider l’employeur dans la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité mais les difficultés d’appréciation du dépassement ou non des seuils prévus pour les facteurs d’exposition restent nombreuses. Les guides par « branche professionnelle » permettront peut-être aux employeurs d’évaluer plus facilement l’exposition de leurs salariés par type de poste concerné.