" Plusieurs publications évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphone portable". Cette citation du directeur de l’Agence Nationale de Sécurité sanitaire, de l’Alimentation, de l’Environnement et du travail (ANSES) sonne comme un avertissement destiné à réveiller la conscience politique au sujet des ondes électromagnétiques.

I. Un projet de loi répondant à inquiétude grandissante

Le 15 Octobre 2009 est paru un rapport sur les effets des ondes électromagnétiques sur la santé. Ce rapport a été effectué par l’ANSES. Il fait suite à une décision de la cour d'appel de Versailles du 4 février 2009 qui a fait l'application du principe de précaution pour condamner un opérateur ayant installé une antenne relai prêt d'habitations.

Le rapport a expliqué que les connaissances scientifiques n'étaient pas assez développées pour prouver avec certitude que les ondes électromagnétiques pouvaient avoir un effet grave sur la santé mais il explique aussi paradoxalement que certaines études ont prouvés qu'ils avaient une influence sur le sommeil ou encore la fertilité.
Aussi, avec les nouvelles technologies telles que la 4G et les nouveaux appareils connectés ainsi que le fait qu'elles soient accessibles de plus en plus aux jeunes enfants, le risque sanitaire s'en voit augmenté.

C'est pourquoi une proposition de loi sur les ondes électromagnétiques a été déposée en 2012 devant l'Assemblée par la député écologiste Laurence Abeille. Cette proposition de loi a été adoptée devant le Sénat dans une version modifiée le 26 juin 2014, elle-même adoptée par la commission des affaires économies de l'Assemblée.
Cette dernière vise à protéger l'ensemble de la population contre les ondes électromagnétiques en diminuant leur importance et en offrant un accès à l'information précis concernant celles-ci , notamment sur le lieu d'exposition des principales sources.
Mme Abeille s'est vu satisfaite de ce vote, même si certains points ont été modifiés.
"Cette adoption est une très bonne chose et le débat a été constructif (…). Les points principaux demeurent : sobriété, information, concertation. J'espère que le texte reviendra rapidement en seconde lecture à l'Assemblée"

II. Une loi répondant à trois objectifs : sobriété, information et concertation


La proposition vise à protéger les personnes vulnérables en instaurant un principe de sobriété: les établissements accueillants des personnes vulnérables devront respecter les objectifs de sobriété établit par le futur décret d'application. Les jeunes et plus précisément ceux présents dans les écoles primaires voient aussi leur protection renforcée puisqu'il est mis en avant un principe de " bon sens " visant à éteindre les appareils électroniques qui émettent des ondes électromagnétiques lorsque ceux-ci ne sont pas nécessaires. De plus, les fournisseurs de téléphones portables doivent fournir des accessoires tels que les kits main libre gratuitement aux enfants de moins de 14 ans lorsque celui-ci est demandé lors de l'achat d'un téléphone.

Le gouvernement s'engage à établir une politique de sensibilisation à l'usage des terminaux mobiles dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Cette politique d'information est un des axes principaux de cette proposition de loi. L'article 5 de la proposition de loi impose aux entreprises effectuant des publicité pour promouvoir l'usage de téléphones mobiles une obligation de mettre en avant l'usage d'un dispositif permettant de limiter l'exposition de la tête aux ondes électromagnétiques sous peine d'être passible de 75.000e d'amende.
Le fabricant a aussi l'obligation d'apposer de façon lisible le débit d'absorption de l'appareil créé, pour que le client puisse avoir une connaissance des ondes auxquelles il sera exposé.

En terme de concertation, cette proposition de loi vise à promouvoir le dialogue en offrant la possibilité au représentant de l’État présent dans le département, de réunir une instance de concertation lorsque ce dernier juge cela nécessaire.
Enfin, un recensement est établit concernant les installations radioélectriques afin de permettre aux citoyens d'avoir un libre accès à l'exposition qu'ils peuvent subir, mais aussi de contrôler plus efficacement la concentration d'ondes dans certains endroits. Ces endroits sont dit «atypiques», lorsque l'exposition aux ondes dépasse la moyenne nationale.

L’intention de Mme Abeille a été d’apporter une transparence sur les ondes électromagnétiques. Cependant, certains députés écologistes s’insurgent du fait que la loi a été vidée de son contenu par le Sénat. Si la proposition de loi met en avant la volonté d’informer le public sur les ondes, à travers la fourniture de kit oreillette où des avertissements dans les publicités, elle ne prend aucune mesure , si ce n’est dans les écoles primaires, pour réduire l’exposition des gens à ces ondes.
De plus, elle n’anticipe pas l’arrivée des nouvelles technologies qui ne feront qu’accroître le taux d’ondes dans les grandes villes.
Cela s’explique par le fait que les politiques n’ont pas voulu prendre de mesures trop drastiques afin de ne pas provoquer une peur au sein de la population qui utilise ces ondes chaque jour.

Verdict : le 29 janvier 2009, l’Assemblée a définitivement adopté le texte. Que retenir de cette loi ? Si elle avait pour vocation d’appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire de « mettre en place des procédures d’évaluation des risques et mesures de protection provisoires et proportionnées pour parer à d’éventuels dommages graves et irréversibles à l’environnement, lorsque les connaissances scientifiques ne permettent pas d’en écarter le risque », la loi n’a finalement pas rempli ses objectifs .
L’article majeur de la loi, visant à baisser les limites d’exposition du public à 0.6 Volt par mètre (contre entre 41 et 61 V/M actuellement) a été écarté par l’assemblée en première lecture.
Cependant, la loi instaure un principe de sobriété, qui n’est que la cristallisation de certaines règles de bon sens.
Le directeur de l’ANFR , Marc Mortureux, a précisé que les utilisateurs intensifs de téléphones et appareils connectés s’exposaient à une augmentation du risque d’avoir une tumeur et il définit ces utilisateurs comme toute personne utilisant plus de 30 minutes un téléphone, soit la quasi-totalité des personnes de nos jours.

Si les écologistes se trouvent satisfait de cette loi de « compromis », il n’en reste pas moins que l’innovation numérique a une fois de plus pris le pas sur la santé publique et il est difficile de parler de compromis tant la loi s’est écartée de ses objectifs.