Mardi 3 mars 2015, le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, a brûlé 15 tonnes d'ivoire. Il a également promis de brûler l'ensemble du stock d'ivoire du pays, estimé à environ 100 tonnes.
Cet ivoire est le produit d'un commerce illégal. Des braconniers tuent les éléphants pour récupérer cet ivoire qui est ensuite revendu. C'est un produit qui rapporte beaucoup aux braconniers. En Chine, le kilo d'ivoire se négocie à environ 2 100 dollars. La quantité incinérée par le président Kényan représente une valeur marchande d'environ 30 millions de dollars.
D'un autre côté, ce commerce illégal entraine le déclin de l'espèce. Il a été estimé que le nombre d'éléphants en Afrique centrale a décliné de 60% au cours des dix dernières années. Et selon une étude de la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences publiée en août 2014, environ 100 000 éléphants d'Afrique ont été tués en seulement trois ans.

Les cas de commerce illégal d'espèces sauvages se multiplient. En France par exemple, le 15 janvier 2015, 112 hippocampes morts ont été retrouvés par la douane de l'aéroport de Roissy dans les bagages d'un couple arrivant de Shanghai. Le 9 février 2015, les douanes de Lorient ont procédé au contrôle d'un conteneur en provenance d'Afrique du Sud . Ce dernier comportait une défense d'éléphant ainsi qu'une paire de pieds d'éléphant. Toujours à cette même date, la douane d'Avignon a saisi une défense d'éléphant, des cornes de gazelles et une peau d’alligator sur une brocante.


I. Qu'est-ce que le commerce illégal d'espèces sauvages ?


Le commerce illégal d'une espèce sauvage concerne des spécimens morts ou vivants, entiers ou certains organes, ainsi que leurs dérivés (ex : peaux, fourrures, plumes, écailles, oeufs, ivoire, trophées, bois, meubles, objets d’art, plats cuisinés). Il désigne un crime environnemental commis par des braconniers qui chassent ces espèces dans la nature et qui ont souvent provoqué une décroissance des populations jusqu'à un seuil critique où la survie de l'espèce est menacée voir éteinte. Ce type de commerce implique la contrebande, la capture, la collecte ou le braconnage illégaux d'espèces menacées, d'espèces sauvages protégées et de dérivés ou de produits de ces espèces.

Selon des associations de protection de la nature, le commerce illégal d'espèces sauvages serait le quatrième plus gros marché illégal mondial, après le trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains et des produits contrefaits.
L'association World Wild Fund (WWF) estime le marché à 19 milliards de dollars par an, soit 14 milliards d'euros. Ce chiffre n'est qu'une estimation, le commerce étant illégal, il est difficile de trouver des chiffres fiables.
Selon son rapport en 2006, ce trafic concerne 50 000 singes, 640 000 reptiles, 1,5 million d’oiseaux, 3 millions de tortues et 350 millions de poissons d’aquarium et des produits dérivés tels que 1,6 million de peaux de lézards, 1,1 million de fourrures, 1,1 million de peaux de reptiles, 1 million de morceaux de coraux, 300 000 peaux de crocodiles, 21 000 trophées de chasse et 300 tonnes de caviar.

Au cours de ces dernières années, le trafic illégal d’espèces sauvages s’est développé.
En 2011, 23 tonnes d’ivoire illégal a été saisi, ce qui représente 2 500 éléphants. Cette même année, le braconnage de rhinocéros en Afrique du Sud a atteint un chiffre record avec 448 animaux tués. Le WWF a confirmé que le nombre de rhinocéros victimes du braconnage en Afrique du Sud a augmenté de 3 000 % entre 2007 et 2011.
En février 2012, des centaines d’éléphants ont été massacrés lors d’un incident survenu dans le parc national de Bouba N’Djida, au Cameroun, perpétré par des groupes de braconniers à cheval armés de mitrailleuses de l’armée. Les groupes seraient originaires du Tchad et du Soudan et seraient entrés au Cameroun par les pays voisins. Des incidents similaires de braconnage intensif ont été observés à travers toute l’Afrique centrale.

Ce commerce est devenu une activité lucrative pour les organisations criminelles. Il présente de faibles risques par rapport au trafic de stupéfiants et permet de générer d’importants profits. A titre d'exemple, le prix de la corne de rhinocéros a atteint la barre des 60 000 dollars le kilo, soit deux fois celui de l’or ou du platine, et elle a aujourd’hui plus de valeur sur le marché noir que les diamants ou la cocaïne. De plus, les peines encourues pour trafic de corne de rhinocéros ne sont pas dissuasives car elles ne reflètent pas sa valeur. En effet, les braconniers condamnés au titre de la loi en vigueur dans la Province du Nord-Ouest en Afrique du Sud encourent une amende de 14 000 dollars, tandis que le trafic de 5 grammes ou moins de cocaïne est passible de pas moins de 5 ans de prison. La situation est la même pour les demandeurs : les personnes arrêtées en possession de stupéfiants sont bien plus sévèrement sanctionnées que celles détenant des produits d’espèces sauvages illégaux.

La demande de produits d’espèces sauvages provient de plusieurs groupes de
consommateurs différents et est parfois fortement influencée par la culture. Elle concerne les produits suivants :
- les produits médicinaux : certains dérivés d'animaux ont des propriétés médicinales supposées ce qui stimule la demande.
Le Vietnam, la Chine et la Thaïlande sont les principaux demandeurs. Par exemple, les cornes de rhinocéros réduites en poudre sont considérées comme ayant des vertus thérapeutiques et aphrodisiaques mais cela n'a jamais été démontré scientifiquement. Les organes et les os des tigres sont également utilisés en médecine traditionnelle asiatique.
- les biens de consommation. : le statut social associé aux produits alimente également la demande. Lors de la 62ème session du Comité permanent de la CITES, un représentant du gouvernement chinois a déclaré qu'au cours des dernières années, la collection d’objets d’art et artisanaux, de bijoux et d’antiquités et notamment d’objets en ivoire, est devenu à la mode et que le prix de ces objets a considérablement augmenté.
- Les achats opportunistes, motivés par le désir de posséder un animal exotique, des trophées de chasse et des plantes ou des animaux rares. Ils sont souvent le fait de touristes mal renseignés qui ramènent des souvenirs ou des animaux. Par exemple, beaucoup de primates sont capturés pour devenir des animaux de compagnie.

Le commerce illégal d'espèces sauvages met en péril la conservation des espèces. En 2012, plus de 10 000 éléphants ont disparu des forêts et des savanes d'Afrique et environ deux rhinocéros sont tués chaque jour dans le sud du continent africain, soit deux fois plus qu'en 2007 selon un rapport du WWF.

Il existe un outil dans la lutte contre le commerce illégal d'espèce sauvage : la CITES.


II. La CITES : un outil juridique contre le commerce illégal


Avant la CITES, le commerce international des espèces sauvages ne faisait l’objet d’aucune réglementation à l’échelle mondiale. Par conséquent, les Etats étaient libres de pratiquer avec tout autre Etat le commerce d’espèces de faune ou de flore sauvage selon son bon vouloir, à l'exception des pays dans lesquels existait des réglementations nationales.

La CITES est la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction. Plus précisément, elle encadre le commerce d'espèces sauvages, qu'elles soient vivantes ou mortes, entières ou non, ainsi que leurs dérivés. Elle a pour objectif de garantir que le commerce international des espèces inscrites dans ses annexes, ainsi que des parties et produits qui en sont issus, ne nuit pas à la conservation de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages. Elle protège plus de 5 500 espèces d'animaux et 29 500 espèces de plantes.

La CITES est entrée en vigueur le 1er juillet 1975. En octobre 2013, 179 pays avaient signé ce traité. La France l'a mise en œuvre à partir d'août 1978.
Elle permet de fixer un cadre juridique et des procédures pour que les espèces sauvages faisant l’objet de commerce international ne soient pas surexploitées. L'ensemble des mouvements transfrontaliers des plantes et animaux dont elle encadre le commerce, ainsi que leurs dérivés, sont soumis à des autorisations administratives préalables.
Il en va de même pour les transactions portant sur les produits dérivés.

La CITES n’est pas un instrument de protection in situ des espèces. En effet, elle en réglemente les importations et exportations par le biais de permis ou de certificats contrôlés aux frontières.
Les espèces sont regroupées dans les Annexes de la CITES selon le danger que représente pour elles le commerce international, annexes qui sont au nombre de trois :
- l'annexe I regroupe les espèces menacées d’extinction (ex. : grands singes, tigres, tortues marines). Les exportations et importations ne sont autorisées que dans des circonstances exceptionnelles.
- l'annexe II concerne les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce international doit être réglementé pour éviter une surexploitation (ex. : la plupart des orchidées, des perroquets, des crocodiles, les hippocampes, les mygales).
- l'annexe III vise sur les espèces protégées dans un État Partie à la Convention qui a demandé aux autres pays de l’aider à contrôler ses exportations (ex. : morse, canard de Barbarie).

A noter que dans certains cas, seulement une sous-espèce ou une population distincte géographique est répertoriée : par exemple, la population d’une espèce dans un seul pays comme les éléphants en Afrique du Sud, au Botswana, au Zimbabwe et en Namibie.

Les États membres de l’Union européenne appliquent une réglementation plus stricte que la CITES : le règlement (CE) n° 338/97, qui couvre davantage d’espèces que la CITES.
Les annexes A, B, C et D de ce règlement incluent également des espèces présentes à l’état naturel sur le territoire de l’Union européenne et que celle-ci souhaite protéger comme par exemple certains hérons ou le pigeon biset, ainsi que des espèces dites envahissantes comme la tortue de Floride.
Le règlement fixe un régime général d’interdiction de l’utilisation commerciale au sein de l’Union européenne des spécimens relevant de l’annexe A. Cependant, il existe des dérogations générales comme pour les plantes issues de pépinières et des dérogations au cas par cas qui sont des certificats intracommunautaires devant être obtenus préalablement à chaque mise en vente. Le déplacement des spécimens vivants de l’annexe A prélevés dans la nature est également encadré, même si l’objet de ce mouvement n’est pas commercial.
Pour exporter hors Union-Européenne ou pour importer dans l'Union-Européenne, les pays doivent obtenir un permis ou un certificat pour sortir des frontières de la zone européenne un animal, une plante ou un produit dérivé d’une espèce inscrite dans les annexes A, B ou C du règlement européen et pour introduire des spécimens relevant des annexes A ou B. Ces documents doivent être présentés au bureau de douane du point d’entrée des spécimens dans l’Union européenne ou à celui où sont effectuées les formalités d’exportation.

Le commerce international licite réglementé par la CITES représente plusieurs milliards de dollars par an. Il est encadré chaque année par des centaines de milliers de permis contrôlés en frontières, qui certifient au cas par cas le caractère légal, durable et traçable du commerce des spécimens concernés.

Malgré la mise en place de cette convention, le commerce illégal persiste et s'intensifie mettant en péril de nombreuses espèces en danger.

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Sources :

http://www.ifaw.org/france/notre-travail/tigres/qu’est-ce-que-la-cites

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/06b_DGALN_La_CITES_4_p_DEF_Web.pdf

http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/03/le-president-kenyan-brule-15-tonnes-d-ivoire_4586712_3244.html

http://www.developpement-durable.gouv.fr/La-Convention-sur-le-commerce.html

http://awsassets.panda.org/downloads/wwffightingillicitwildlifetrafficking_french_lr.pdf

http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/12/14/le-braconnage-despeces-sauvages-4e-marche-illegal-au-monde/

http://www.douane.gouv.fr/articles/a12354-saisie-d-ivoire-et-de-deux-pieds-d-elephant-

http://www.ifaw.org/france/actualites/les-saisies-des-espèces-protégées-en-france-se-poursuivent-en