Le phénomène de judiciarisation des risques psychosociaux amorcé ces dernières années, témoigne d’une volonté manifeste du législateur de renforcer la protection du salarié.

La demande d’une trentaine de parlementaires pour une reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle, tend à confirmer cette évolution en faveur des salariés.
(cf. Article «L’exigence du burn out comme maladie professionnelle »).

S’agissant du suicide, l’employeur peut voir sa responsabilité engagée dès lors qu’il est établi que le décès du salarié est survenu par le fait ou à l’occasion du travail.
Une preuve qui peut s’avérer délicate au regard de la complexité de certaines situations.

Rappelons qu’en vertu de l’article L.411-1 Code de la sécurité sociale, le caractère professionnel d’un accident exige que celui-ci ait lieu dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.
En somme, lorsque le salarié se trouve sous le contrôle et l’autorité de son employeur.

Toutefois, et comme le reflète un arrêt du 22 février 2007, le suicide d’un salarié en dehors des temps et lieu de travail peut lui aussi être qualifié d’accident de travail dès lors que l’accident est survenu par le fait du travail.

L’employeur peut donc voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement du manquement à son obligation générale de sécurité qui, rappelons-le, est une obligation de résultat.

De surcroît et bien qu’elle n’ait pas encore fait l’objet d’une consécration en matière de suicide, la responsabilité pénale de l’employeur pourrait elle aussi être recherchée sur les fondements du harcèlement moral, non-assistance à personne en danger, homicide involontaire ou encore mise en danger de la vie d’autrui.

Toutefois, les difficultés liées à la caractérisation de l’infraction limitent considérablement la recevabilité de l’action et donc le risque pénal auquel pourrait être sujet l’employeur.

Un arrêt du 22 janvier 2015 illustre cette difficulté.

Il s’agissait en l’espèce du suicide d’un salarié, victime d’un accident de trajet dix ans auparavant.

Malgré les témoignages et preuves apportées au dossier, le décès de ce dernier n’a pas été qualifié d’accident de travail au regard de l’insuffisance des preuves démontrant le lien entre l’accident d’origine et le décès.

En définitive, la qualification du suicide comme accident du travail est tempérée par des difficultés tenant à l’établissement de son caractère professionnel.

La mise en examen de la société France Telecom, devenu Orange, pour harcèlement moral, après le suicide de 35 salariés en 2008 et 2009, cristallise ainsi les espoirs d’une plus large reconnaissance du suicide comme accident de travail.