Le conseil de prud’hommes de Longwy en Meurthe-et-Moselle le 6 février 2015, a condamné la société Lormines exploitant des mines de fer à indemniser dix de ses salariés, pour préjudice d’anxiété à cause de l’anxiété engendrée par l’exposition à des produits cancérigènes sur de longues périodes ce qui est une première en France, car ce préjudice d’anxiété n’était jusqu’à lors reconnu que dans le cas de l’amiante.

I. Les origines du préjudice d’anxiété une reconnaissance dans le seul cas de l’amiante

Le préjudice d’anxiété a été reconnu dans un arrêt fondateur de la chambre sociale de la Cour de cassation le 11 mai 2010 (Cass. Soc., 11 mai 2010, n° 09-42241). Toutefois la portée et les contours du préjudice d’anxiété ont été précisés à plusieurs reprises par la Cour de cassation. Le préjudice d’anxiété se définit dans cet arrêt comme étant le fait pour un salarié « de se trouver dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étant amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ». Cela concernant les salariés, qui avaient travaillés dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.

Pour rappel, l’amiante est un matériau cancérigène interdit en France depuis le 1er janvier 1997, mais ces dégâts 18 ans après l’interdiction de son utilisation sont encore très important car selon les spécialistes entre 2000 et 5000 cas de cancers liés à l’amiante se déclarent chaque année en France.

Par la suite, dans un arrêt rendu le 4 décembre 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation avait abandonné la condition liée aux contrôles et examens médicaux réguliers devant être subis par le salarié. Pour la Haute juridiction, le préjudice spécifique d’anxiété se trouvait en effet caractérisé que le salarié « se soumette ou non à des contrôles ou examens médicaux réguliers » (Cass. Soc., 4 décembre 2012, n° 11-26294).

Plus récemment, dans un arrêt rendu le 2 avril 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que le fait d’avoir été exposé au risque suffit pour bénéficier d’une indemnisation au titre d’un préjudice d’anxiété. En l’espèce, les salariés avaient été déboutés en appel parce qu’ils ne rapportaient pas la preuve de leur sentiment d’anxiété. Le salarié n’a donc pas à apporter la preuve de son préjudice d’anxiété afin d’en obtenir réparation dans le cas de l’amiante. (Cass. Soc., 2 avril 2014, n° 12-28616 et n° 12-29825).

En définitive, la jurisprudence actuelle démontre donc qu’il apparait compliqué voir impossible pour un employeur de s’exonérer de sa responsabilité au titre d’un préjudice d’anxiété dans le cas de l’amiante dans la mesure où le salarié n’est pas tenu de rapporter la preuve de son anxiété mais simplement de celle de son exposition au risque amiante.


II. Les conséquences d’un élargissement du champ d’application du préjudice d’anxiété

La demande des dix mineurs lorrains s’inspire donc totalement du préjudice d’anxiété reconnu pour l’amiante et la décision du conseil de prud’hommes de Longwy en Meurthe-et-Moselle le 6 février 2015 de condamné la société Lormines pour préjudice d’anxiété à cause de l’anxiété engendrée par l’exposition à des produits cancérigènes sur de longues périodes est une première en France.
De ce fait, le liquidateur de la société Lormines, dans la mesure où l’ancien exploitant des mines de fer est aujourd’hui fermées, a été condamné à verser 4 500 euros de dommages et intérêts à chacun des dix demandeurs « en réparation du préjudice d’anxiété subi du fait de l’exposition à des produits nocifs ».

Il convient toutefois de préciser que les requérants réclamaient 30 000 euros d'indemnités chacun. Car les anciens mineurs ont dénoncés avoir été exposés durant des décennies à de l'amiante, mais aussi des solvants et des hydrocarbures qui plus est dans un milieu souterrain confiné. Mais même si les dommages et intérêts perçu pour chacun des anciens mineurs peuvent paraître moindre au regard du préjudice il ouvre la voie vers un élargissement du champ d’application du préjudice d’anxiété.

L’élargissement du champ d’application du préjudice d’anxiété pourrait avoir des conséquences phénoménales dans la mesure où il n’était lié qu’à l’amiante jusqu’à cette décision du conseil des prud’hommes, son ouverture à l’exposition à des produits cancérigènes et pour des mineurs en l’espèce pourrait éventuellement être ouvert dans d’autres domaines. Et au regard des enjeux juridiques et économiques d’une telle ouverture du champ d’application du préjudice d’anxiété cela pourrait amener le législateur ou le Cour de cassation à intervenir.

L’avocat des anciens mineurs M. Jean-Paul TEISSONNIERE estime à juste titre que « C'est une grande satisfaction que, dès la première audience de jugement, les prud'hommes tranchent le principe de la reconnaissance du préjudice d'anxiété au-delà des victimes de l'amiante ». Et précise qu’il est prêt à aller jusqu’en cassation. Monsieur François DOSSO, responsable de la CFDT mineurs estime quant à lui que "C'est une grande victoire pour la corporation minière, mais aussi pour l'ensemble des salariés qui sont exposés à des produits cancérogènes par la faute de l'employeur".

En définitive, le préjudice d'anxiété est donc une réelle bombe à retardement au regard de l’ensemble de ces éléments mais aussi car le temps d’incubation des maladies liées à ces produits cancérigènes de diverses origines est long comme il l’a déjà été démontré pour le cas de l’amiante. Le seul élément inconnu étant de savoir quand celle-ci « explosera ». Car juridiquement, rien ne s’oppose à une extension de ce préjudice d’anxiété à d’autres domaines ce qui explique cette décision du conseil des prud’hommes de Longwy.