Le 21 septembre 2001, l'usine AZF, exploitée par la société La Grande Paroisse, filiale de Total, explose. L'explosion, provoquée par le mélange de deux substances incompatibles, fait alors 31 victimes, de nombreux blessés et entraine une pollution du fait des matières dangereuses stockées dans l'installation.

C'est alors que commence une longue série de décisions judiciaires à propos de la responsabilité des exploitants de l'usine et de l'Etat. La question a été tranchée tant par la Cour de cassation que le Conseil d'Etat à l'occasion de deux récents arrêts.

S'agissant de la responsabilité de l'Etat, la Haute juridiction administrative s'est prononcée par la négative dans un arrêt du 17 décembre 2014.
C'est également la solution qu'avait retenu en première instance le Tribunal administratif de Toulouse en refusant d'accorder une indemnisation aux requérants qui avaient alors interjeté appel de cette décision. La Cour administrative d'appel de Bordeaux avait alors infirmé le jugement du Tribunal administratif au motif qu'il y avait eu une carence fautive des services de l'Etat en ce qu'ils n'avaient pas exercé leur pouvoir de police spéciale en matière d'installations classées pour détecter et sanctionner les défaillances de l'exploitant du site.
Le Conseil d'Etat tranche la question et annule l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux au motif que celle-ci a commis une erreur de droit en retenant la responsabilité de l'Etat. En effet, il considère que les services chargés du contrôle des installations classées ne disposaient pas d'informations suffisantes leur permettant de penser qu'il y avait des facteurs de risques particuliers ou d'éventuels manquements de l'exploitant comme le prévoit l'article L 514-5 du Code de l'environnement qui régit leurs pouvoirs en la matière. Le stockage irrégulier de produits par l'exploitant pendant une certaine durée ne suffisait pas, selon la Haute juridiction, à considérer qu'il y avait des facteurs de risques particuliers. Aucun élément n'avait permis à l'Administration de considérer que le bâtiment qui a fait l'objet de l'explosion présentait une dangerosité particulière puisqu'aucune méconnaissance des prescriptions législatives et règlementaires n'avait été portée à sa connaissance.
Ainsi, il semble que la carence des contrôleurs d'installations classées en cas de dommage causé par une telle installation soit appréciée de façon très restrictive par le Conseil d'Etat, suggérant qu'il faudrait une erreur grossière de l'Administration afin d'engager la responsabilité de l'Etat pour carence d'exercice de son pouvoir de police spécial en matière d'installations classées.

S'agissant de la responsabilité pénale de l'exploitant, la société La Grande Paroisse, la Cour de Cassation la rejette également, pour des raisons tant de fond que de forme.
La « saga judiciaire » avait commencé avec un arrêt du Tribunal correctionnel de Toulouse qui avait , à l'occasion d'un arrêt du 19 novembre 2006, relaxé les prévenus (dirigeant et société) qui étaient poursuivis pour homicide et blessures involontaires au motif que le lien de causalité entre les fautes organisationnelles commises et l'explosion du bâtiment n'était pas avéré. La Cour d'appel avait ensuite infirmé cette décision dans un arrêt du 24 septembre 2012 par lequel elle avait reconnu les prévenus coupables d'homicides et blessures involontaires par explosion.
Le 13 janvier 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation saisie d'un pourvoi à l'encontre de cette décision casse l'arrêt de la Cour d'appel.
En effet, elle considère d'un point de vue procédural que l'appartenance d'un des magistrats à une association d'aide aux victimes, elle même signataire d'une convention avec une association partie civile au procès, pouvait conduire à un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui garantit cette impartialité.
S'agissant de la décision au fond, elle casse l'arrêt sur le fondement du principe d'interprétation stricte de la loi pénale dans la mesure où l'article 322-5 du Code pénal incriminant « la destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie provoqués par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » ne pouvait servir de fondement à la condamnation de l'exploitant pour non respect des prescriptions édictées par l'arrêté préfectoral, qui ne relève ni de la loi, ni du règlement au sens de cet article.
La chambre criminelle renvoie les parties devant la Cour d'appel de Paris.

En définitive, ni la responsabilité de l'Etat ni celle de l'exploitant n'a été retenue par les Hautes juridictions judiciaires et administratives.