Au niveau mondial, l’état et les perspectives de conservation de la biodiversité restent préoccupants. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), qui présente chaque année sa liste rouge des espèces menacées dans le monde, recense aujourd'hui 76 199 espèces parmi lesquelles 22 413 sont menacées. Une espèce de mammifère sur quatre, un oiseau sur huit et plus d’un amphibien sur trois sont menacés d’extinction au niveau mondial (1). Par ailleurs, les Français classent les questions de perte de biodiversité parmi les problèmes de dégradation de l’environnement les plus préoccupants. Pour comprendre la biodiversité, mieux la protéger et la valoriser, il est nécessaire de changer la perception statique qui prévalait jusqu’alors, en une vision complète et dynamique du sujet. C'est pour cette raison que le 26 mars 2014, le Conseil des ministres adopte plusieurs amendements au projet de loi relatif à la biodiversité qui intègre cette vision.

La loi sur la biodiversité attendue pour le printemps 2015 va créer de nouveaux outils de protection. Une prise de conscience fait jour sur la nécessité de dépasser les mesures de protection limitées à certaines espèces ou zones géographiques pour aller vers une vision plus holistique.

I - Les zones prioritaires pour la biodiversité

Le projet de loi sur la biodiversité prévoit d'instaurer des zones prioritaires pour la biodiversité. Elles permettent de rendre obligatoires certaines pratiques agricoles nécessaires pour la conservation d'une espèce sauvage.

A) Les fondements de cet outil

Il n'existe aucun outil en droit français créant des obligations pour restaurer un habitat dégradé d'une espèce faisant l'objet d'une protection stricte au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement. Les outils classiquement utilisés, tels que l'arrêté de protection de biotope, ne peuvent prévoir que des interdictions de faire et non des obligations. Or pour des cas limités d'espèces, notamment au regard de la directive 92/43/CEE dite Directive Habitats Faune Flore, la restauration de leur état de conservation défavorable pourrait nécessiter d'imposer des obligations de faire. L'article 34 du projet de loi sur la biodiversité prévoit d'instaurer des zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE), où il est nécessaire de maintenir ou de restaurer des habitats naturels des espèces sauvages "au bord de l'extinction en France"(2).

B) La mise en pratique

Le 26 juin 2014, les députés de la commission durable à l'Assemblée nationale ont dénoncé la dénomination "zones soumises à contraintes environnementales" de ces zones au profit de l'appellation de "zones prioritaires pour la biodiversité". A l'expiration d'un délai fixé par décret d'application, certaines pratiques agricoles favorables à l'espèce ou à ses habitats seront rendues obligatoires. De plus, si ces pratiques agro-environnementales induisent des surcoûts ou des pertes de revenu, le projet de loi prévoit des aides, dans le cadre de la Politique Agricole Commune. La mise en œuvre des zones s'accompagnera de contrôles. Ils s'effectueront dans le cadre du plan de contrôle de la police de la nature et à moyens constants (2). L'une des premières espèces à bénéficier des nouvelles zones prioritaires pour la biodiversité pourrait être le grand hamster d'Alsace (Cricetus cricetus). En effet, il est considéré comme l'un des mammifères les plus menacés d'Europe et il est protégé au titre des articles L411-1 et L411-2 du code de l'environnement en France.

Le second outil proposé par le projet de loi est la création d'une Agence française pour la biodiversité.

II - Une Agence française pour la biodiversité

La préfiguration de l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) fut présentée le 29 octobre 2014 par la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie lors du 30ème Comité de suivi de la Stratégie Nationale Biodiversité (SNB). Calquée sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la création de l'AFB est la mesure phare du projet de loi-cadre sur la biodiversité; elle est présentée comme "l'instrument référent" de la protection de la biodiversité.

A) Le rôle

Elle sera l’interlocuteur unique de tous les acteurs de la biodiversité (associations, collectivités, entreprises...). Elle aura vocation à renforcer la connaissance, la recherche, les formations autour de la biodiversité. Elle appuiera les services de l’État en matière d’actions internationales, de gestion d’espaces naturels et de police de l’eau et des milieux aquatiques. Elle contribuera à fournir aux acteurs locaux les données et l’expertise dont ils ont besoin (3). L’agence soutiendra financièrement des projets de restauration des milieux en tant qu’opérateur des programmes d’investissement d’avenir.

B) Les membres

L’Agence française pour la biodiversité regroupera des structures existantes : Office national de l’eau et des milieux aquatiques, Atelier technique des espaces naturels, Agence des aires marines protégées, établissement des Parcs nationaux de France, partenaires des différents territoires d'Outre-mer... Elle établira des partenariats avec d’autres structures comme le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer ou encore le Conservatoire du littoral (4). Les 10 parcs nationaux lui seront rattachés.

Les travaux de préfiguration sont "essentiels pour permettre à l'Agence de fonctionner dès le 1er janvier 2016. Il s'agira notamment de préciser l'organisation territoriale de l'Agence, y compris dans les territoires ultra-marins", estiment les associations. Elles appellent également l'équipe à préciser le "contour exact" de ses missions en matière de soutien à la recherche ou de suivi des mesures compensatoires d'atteinte à la biodiversité.

Le projet de loi a pour objectif de mieux concilier activités humaines et biodiversité. Il permet d'appréhender la biodiversité comme une dynamique globale, incluant et interagissant avec la vie humaine. Au travers de ce projet de loi, les outils de protection des espaces naturels et des espèces sauvages seront modernisés, en supprimant des dispositifs devenus obsolètes et en simplifiant certaines procédures. L'action des parcs naturels régionaux et du Conservatoire du littoral sera facilitée. Les moyens de protection et de valorisation des milieux marins seront renforcés. Le projet de loi ouvre notamment la voie au développement d'activités en mer, au-delà du domaine public maritime, et sécurise également l'activité de pêche dans des zones sensibles.

Il doit être à nouveau discuté à l'Assemblée nationale au printemps 2015.

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Sources


(1) Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie - "Pourquoi une loi sur la biodiversité ?" publié le 26 mars 2014 [en ligne]. Disponible sur: http://www.developpement-durable.gouv.fr/Adopter-une-vision-dynamique-de-la.html (consulté le 5 janvier 2015)

(2) Actu-Environnement - "Loi Biodiversité : création de zones prioritaires pour protéger les espèces sauvages" de Rachida Boughriet publié le 1er décembre 2014 [en ligne]. Disponible sur: http://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/biodiversite/loi-biodiversite-creation-zones-prioritaires-proteger-especes-sauvages.php (consulté le 5 janvier 2015)

(3) Actu-Environnement - "L'Agence française pour la biodiversité est en ordre de marche" de Rachida Boughriet publié le 30 octobre 2014 [en ligne]. Disponible sur: http://www.actu-environnement.com/ae/news/agence-francaise-biodiversite-mission-prefiguration-23131.php4 (consulté le 7 janvier 2015)

(4) Actu-Environnement - "Le projet de loi sur la biodiversité est dévoilé" de Rachida Boughriet publié le 26 mars 2014 [en ligne]. Disponible sur: http://www.actu-environnement.com/ae/news/projet-lio-biodiversite-agence-services-ecosystemiques-21194.php4 (consulté le 7 janvier 2015)

Références

Projet de loi relatif à la biodiversité N° 1847 - [en ligne]. Disponible sur: http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl1847.pdf (consulté le 9 janvier 2015)