L’échec récent de l’écotaxe montre la difficulté d’instaurer une fiscalité dans un pays où les impôts sont perçus par la population comme trop lourd. Pourtant dans d’autres pays l’écotaxe existe et ne semble pas avoir suscité autant de heurs qu’en France.
Le débat sur cette taxe a vu l’énonciation de différents arguments : l’absence ou la faiblesse de la fiscalité environnementale française, la fiscalité environnementale grève le pouvoir d’achat, la compétitivité des entreprises est encore malmenée. D’où la nécessité de rappeler certains faits et principes.
Le système de l’écotaxe est une redevance payée par les transporteurs routiers pour leurs véhicules d’un poids supérieur à 3,5 tonnes pour chaque kilomètre effectué sur le réseau non payant. Un système automatique de détection (rendu possible avec un boitier GPS et des portiques) et un complexe barème variant en fonction du type de camion et du parcours effectué devait être mis en place.
Le problème de l’abandon de l’écotaxe est qu’il conduit à ne pas harmoniser la fiscalité des deux cotés du Rhin ; ainsi on s’est aperçu que l'application de la taxe poids -lourds en Allemagne s'est traduite par un détournement du trafic outre-rhin vers la France. Donc cet abandon va se traduire par un trafic routier plus important et donc une augmentation des émissions de carbone. Cependant Madame Royal n’a pas fermé la possibilité d’une écotaxe aux régions frontalières.

L’écotaxe rend la fiscalité écologique aux yeux des gens et des entreprises comme une fiscalité punitive. En ce qui concerne la fiscalité environnementale la fiscalité n’étant pas harmonisée, des différenciations dommageables aux entreprises peuvent exister. La fiscalité écologique souffre de sa diversité en Europe et perd en efficacité. Pourtant la fiscalité écologique doit agir comme un levier dans la transition écologique et la modification des comportements des consommateurs.
Comparer la fiscalité environnementale en Europe n’est pas chose aisée. Ainsi la définition de la fiscalité écologique à l'échelle européenne, établie par Eurostat, est la suivante fait partie de la fiscalité écologique toute «taxe dont l'assiette est une unité physique d'un bien qui a un impact spécifique et négatif avéré sur l'environnement ».

Cette définition ne tient pas compte de l'affectation de cette ressource. Alors que précisément dans le système fiscal français, on trouve des impôts relevant de cette définition qui sont affectés aux personnes de droit public et à la première d’entre elle :l’Etat.

Selon Eurostat La fiscalité sur l’énergie rapportée au PIB varie autour de 2,6% en Europe. La France, avec un taux de seulement 1,8 % figure parmi les plus bas tandis que les pays scandinaves, souvent cités en exemple, ont un taux de plus de 3%. Donc on peut affirmer qu’il faut nuancer ce qu’énonce Eurostat.
Mais à travers différents exemples on peut considérer comme erronée certaines idées ainsi celle concernant l’argument de la compétitivité :
Le contre exemple suédois
L’exemple suédois montre qu’une Taxe Carbone est possible. Certes les ménages suédois supportent la majorité de la taxe Carbone, les industries soumises au marché de quotas d’émissions de CO2 étant en partie exemptées. La conséquence est que le chauffage urbain au fioul a presque entièrement disparu en faveur de la biomasse.
En 1992, la Suède a mis en place une taxe sur les émissions de NOx des grandes installations de combustion. Le taux de taxe retenu était d’emblée très élevé (de l’ordre de 5 500 €/t actuellement, soit plus de 30 fois le taux en vigueur en France), mais les recettes de la taxe étaient redistribuées aux entreprises en fonction de leur production d’énergie.

Ce faisant, le transfert intersectoriel (un prélèvement du secteur émetteur de NO x vers le reste de l’économie) était neutralisé, mais la redistribution intra-sectorielle favorisait les entreprises les moins intensives en pollution.

Ce dispositif a prouvé son efficacité environnementale : entre 1992 et 2007, les émissions de NO x sont restées relativement stables mais la production d’énergie a augmenté de 77 %, ce qui représente une baisse substantielle de l’intensité polluante de la production.

De fait, 62 % des entreprises ont investi dès 1993 dans des solutions techniques de réduction des émissions (alors qu’elles n’étaient que 7 % à l’avoir fait en 1992). Au-delà, les entreprises ont amélioré le suivi et le contrôle de leurs émissions de NO x et optimisé l’utilisation de leurs équipements.

Le dépôt de brevets est difficile à établir ; il n’empêche pas de constater que la Suède est demeurée après 1993 un pays qui compte en matière de brevets sur les technologies liées au traitement de ce gaz. Donc la fiscalité environnementale peut servir à développer des secteurs de l’industrie.

En France certaines émissions dans l’air d’origine industrielle sont soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). La taxe concerne entre autre les oxydes d'azote (160,80 €/t), émises par les entreprises, à condition que leur niveau d’émission soit supérieur à un certain seuil. Le cas échéant, les entreprises peuvent déduire du montant de la taxe exigible les dons qu’elles ont effectués au bénéfice des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), dans la limite de 171 000 € ou à concurrence de 25 % de la taxe due.

Ces taux restent très inférieurs aux coûts d’investissement dans les meilleures technologies disponibles (MTD), et très inférieurs aux coûts des dommages environnementaux et sanitaires. Le coût externe d’une tonne de NO x est estimé à 4 400 € bien loin de ce que fait avec succès la Suède. La fiscalité ici a un aspect de protection de la santé, protection qui s’efface au profit du lobby industriel. Il ne tient qu’aux politiques d’agir dans la voie tracée par la Suède.

Mais à l’inverse une disparité de la fiscalité environnementale peut conduire au dumping environnemental.

La question du dumping fiscal


Si l’on étudie le défunt projet de taxe carbone censuré, en 2010 par le Conseil Constitutionnel, ce dernier devait faire face au dumping environnemental : les produits importés, non soumis à ce dispositif, auraient donc disposé d’un avantage comparatif supplémentaire par rapport aux produits obtenus sur le marché intérieur.

Au niveau européen le projet de taxe carbone a aussi échoué. Des pays l'Allemagne, du Royaume -Uni et des pays de l'Est, achoppent sur la question de l'inclusion d'un élément carbone dans l'assiette de l'accise sur l'énergie.

En conclusion des outils fiscaux existent pour modifier les comportements et stimuler l’économie. Mais chaque pays veut garder un maximum d’emploi chez lui pourtant la pollution ne s’arrête pas aux frontières.

Sans compter que l’objectif de réduction des gaz à effet de serre ne risque pas d’être tenu du fait des réticences de certains pays ou que certains pays feront plus d’efforts que d’autres sans pour autant être récompensés d’un point de vue de l’emploi.