Le 12 novembre dernier, la ministre de l’Économie, du Développement durable et de l’Énergie Ségolène Royale a donné une conférence parlementaire sur l'économie circulaire, donnant ainsi l'occasion de faire un point sur l'application concrète de cette nouvelle théorie.
Au mois de septembre 2014 dernier, une étude relative à l'intégration de l'économie circulaire dans les stratégies d'entreprises a été publiée. L'objectif est de poser une première ébauche de compréhension afin d'examiner la manière dont les entreprises s'approprient le jeune concept.
Développé dans les années 1970 par des chercheurs et des universitaires, le concept d'économie circulaire s'inspire de l'écosystème naturel pour réaliser une production réparatrice et régénératrice de biens et de services, en diminuant notamment la consommation des matières premières et des énergies non renouvelables. (1)
La Commission européenne estime que s'orienter vers une économie circulaire conduirait à (2):
- des réductions de la demande en ressources de 17 à 24 % pour 2030 ;
- une économie de 630 milliards d'euros par an pour l'industrie européenne ;
- une augmentation de PIB de 3,9 % « grâce à la création de nouveaux marchés et produits » ;
- une création de 580 000 emplois nouveaux grâce à la réalisation des objectifs en matière de déchets.
Plusieurs autres études ont été menées. Bien que les chiffres y diffèrent, elles concluent toutes positivement à la réduction de l'impact sur l'environnement et à la création d'emplois (tant au niveau de la recherche et du développement qu'au niveau concret et technique) et de richesses.

Aujourd'hui, les entreprises sont souvent organisées de manière linéaire. Cela signifie qu'elles suivent le triptyque « extraction, fabrication, jetage ». Cependant, de nombreuses entreprises ont décidé d'être pionnières de la transformation vers l'économie circulaire avant même l'intervention d'un droit français clair sur le sujet. L'étude vise à faire le bilan de ces premiers essais et donner des recommandations pour les futures entreprises souhaitant faire parti des premiers muscles actionneurs d'un mouvement général. Les entreprises concernées par l'enquête appartiennent à divers secteurs d'activités : l'agro-alimentaire, le BTP, l'immobilier, l'ameublement, le sport, la vente de service. Les auteurs de l'étude précisent que cette dernière est une première ébauche subjective puisque seules des entreprises volontaires ont témoigné. Chaque secteur étudié ne devra pas être pris comme représentation du secteur en général et l'étude globale ne pourra en aucun cas remplacer les futures recherches plus approfondies et rigoureuses fondées sur des indicateurs validés de façon méthodique.


1- Une mise en œuvre difficile

En premier lieu, l'étude a relevé certains obstacles rencontrés par les entreprises lors de tentatives de mise en œuvre de stratégies d'économie circulaire :

- Les entreprises n'ont pas une organisation adaptée à l'économie circulaire mais plutôt linéaire. Trop souvent, lorsqu'elles s'orientent vers une démarche de développement durable, elles cherchent plus à mesurer l'impact environnemental de leur entreprise plutôt que d'opérer une réelle modification de leur système d'organisation vers une économie circulaire ;
- Il manque des acteurs formés et expérimentés pour orienter cette démarche. De même, l'expertise nécessaire à la démarche reste en marge.
- Le projet nécessite un coût élevé et les retours sur investissements sont parfois incertains ;
- Encore, les acteurs internes à l'entreprise ainsi que les entreprises entre elles sont isolées dans la processus. Or, l'évolution vers une économie linéaire doit se faire dans un esprit de coopération, non seulement entre les travailleurs d'une même entreprise à tous les niveaux, mais entre les entreprises elles-mêmes. Ainsi, un ingénieur et un responsable des ressources humaines doivent pouvoir communiquer sur le projet de même qu'une entreprise fournisseur et une entreprise fabricante.
- Enfin, et ceci rejoint aussi le problème d'expertise, les initiatives sont nouvelles et des obstacles techniques apparaissent pour sa réalisation.


2 - Des recommandations

Ainsi, les auteurs de l'enquête donnent des recommandations aux entreprises, tout en rappelant que l'objectif n'est pas de sacrifier une économie créatrice de valeur.
En premier lieu, les entreprises qui s'orientent vers une économie circulaire doivent installer une stratégie clairement définie. On trouve en effet parmi les freins des entreprises le fait que l'objectif n'est pas de passer d'un mode d'économie à un autre de façon globale mais uniquement dans des secteurs ciblés. Une stratégie bien construite fera aussi office de scène à une meilleure coordination et coopération des acteurs de la transformation, dans les différents secteurs ou entres entreprises différentes ainsi qu'avec les associations et le domaine de l’économie sociale et solidaire. Le document rappelle notamment l'importance des fournisseurs et de leur coopération avec les entreprises pour un bon déploiement du mouvement. Bien évidemment, une meilleure formation de ces acteurs s'impose aussi bien du côté technique et scientifique que du versant organisationnel. Les entreprises doivent prendre conscience de la jeunesse du projet et développer un cadre suffisamment souple pour être prêt à se confronter à l'évolution des activités et des métiers liés à la démarche. Pour cela, l'étude propose l'établissement de programmes d'expérimentations, mieux adaptés à une démarche dont les fluctuations sont à prévoir. L'étude parle de mettre en place des  « outils innovants au service d'une performance optimisée » (3) et cite un modèle qui a fait ses preuves : l'éco-conception. Cet instrument consiste à intégrer les principes et techniques découlant du développement durable à toutes les étapes de la production d'un produit et dès sa conception afin de réduire l'utilisation des ressources non renouvelables et de favoriser la valorisation et le recyclage des produits. Encore, le rôle des collectivités territoriales est préconisé. Celles-ci sont un moteur essentiel en ce qu'elles peuvent pousser la démarche vers l'économie circulaire en réalisant des achats publics et en mettant à dispositions des habitants des emplacements spécifiques pour la collecte des déchets. Les collectivités ont aussi un rôle à jouer en ce qu'elles peuvent choisir d'orienter leurs politiques vers le développement durable et faciliter les demandes des entreprises d'aller dans ce sens.

En dernier lieu, l'étude appelle les pouvoirs publics à mieux adapter les réglementations. Il n'existe en effet aujourd'hui aucun régime légal spécifique à l'économie circulaire. Or, cette absence est un obstacle à une vision claire et globale de la démarche. Ainsi, les entreprises souhaitant développer une économie circulaire sont rapidement découragées par le cadre réglementaire complexe qui devient synonyme de coûts en terme pécuniaires, temporels de responsabilité. Somme toute, simplifier les nécessités administratives est impératif. Pour aider à cela, l'étude préconise une meilleure compréhension et transposition du droit européen -le droit français étant trop strict en la matière- ainsi que la mise en vigueur d'une loi non contraignante « de programmation de l'économie circulaire »(4) afin de définir un programme à long terme.



(1) INSTITUT DE L'ECONOMIE CIRCULAIRE. Qu'est ce que l'économie circulaire ?. Jeudi 28 novembre 2013. Site disponible sur :
http://www.institut-economie-circulaire.fr/Qu-est-ce-que-l-economie-circulaire_a361.html (Page consultée le 28/11/2014)

(2) (3) (4) ADOUE Cyril, BEULQUE Rémi, CARRE Laetitia, et al. Quelles stratégies d’entreprise pour une économie circulaire moteur de croissance ? Institut de l'économie circulaire, Septembre 2014 .