Loi sur la responsabilité environnementale et principe pollueur-payeur : le décret enfin publié.
Par Anne-Ga�lle DESBOIS
Juriste
Universit� de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Posté le: 02/06/2009 17:21
La France s’est dotée d’un régime de responsabilité en cas de dommage grave causé à l’environnement par un professionnel. En effet, le 27 avril dernier a été publié au Journal Officiel le décret relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement. Il s’agissait là de la dernière étape à accomplir après la publication de la loi sur la responsabilité environnementale le 1er août dernier. Pour rappel, cette loi vise à prévenir et réparer, en application du principe pollueur-payeur, les dommages graves causés à l'environnement (circonscrits à trois domaines : la qualité des eaux de surface et souterraines, l'état des sols et les espèces et habitats naturels protégés) par un site industriel ou par une activité professionnelle.
Ce décret précise les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant (article L160-1 et suivants du code de l’environnement). Le texte complète ainsi le livre Ier du Code de l'environnement (partie réglementaire) par un titre VI relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l'environnement (art. R. 161-1 à R. 162-20).
La loi du 1er août 2008 prévoit que constituent des dommages causés à l’environnement les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement qui créent un risque d’atteinte grave à la santé humaine du fait de la contamination des sols, affectent gravement l’état écologique des eaux, ou le maintien ou le rétablissement des espèces ou de leurs habitats dans un état de conservation favorable.
Le décret apporte des précisions sur la notion de « gravité » : le risque d’atteinte grave à la santé humaine du fait de la contamination des sols résultant de l’introduction directe ou indirecte, en surface ou dans le sol, de substances, préparations, organismes ou micro-organismes, est appréciée au moment de la manifestation du risque ou de la réalisation du dommage (art. R161-1). Il en est de même pour les dommages affectant gravement l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux (art. R161-2).
La loi prévoit un régime de responsabilité, y compris en l’absence de faute ou de négligence de l’exploitant, pour une série d’activités professionnelles dont la liste est fixée par le décret en question : figurent notamment dans cette liste les installations IPPC ; collecte, transport, valorisation et élimination des déchets ; gestion des déchets de l’industrie extractive ; rejets dans les eaux soumis à autorisation préalable ; installations ou ouvrages soumis à autorisation au titre de la législation sur l’eau ; mouvements transfrontaliers de déchets ; mise sur le marché et dissémination volontaire d’OGM ; utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés soumis à agrément….
Les autres activités professionnelles sont aussi concernées, mais pour que la responsabilité de l’exploitant soit retenue il faudra que sa faute soit démontrée.
La mise en œuvre de ce régime de responsabilité relève du préfet du département dans lequel se manifeste la menace imminente de dommages à l'environnement ou dans lequel se réalise le dommage. Il lui appartient d'approuver les mesures de réparation envisagées par l'exploitant pour rétablir le milieu naturel endommagé dans son état initial.
Les associations de protection de l’environnement ainsi que toute personne directement concernée ou risquant de l’être par un dommage ou une menace imminente de dommage et disposant d’éléments sérieux en établissant l’existence, peuvent en informer le préfet (art. R162-3). Elles peuvent également lui demander de mettre ou de faire mettre en œuvre les mesures de prévention ou de réparation. Si le préfet considère que la demande est justifiée, il recueille les observations de l’exploitant concerné pour l’inviter s’il le faut, à prendre sans délai et à ses frais des mesures de prévention afin d’empêcher la réalisation de la menace ou d’en limiter les effets.
Le décret précise les conditions de mise en œuvre des mesures de prévention et de réparation et notamment le contenu des informations communiquées par l'exploitant à l'autorité préfectorale. Il détaille en outre la procédure d'instruction des dossiers de réparation et les mesures de publicité requises ainsi que le rôle du préfet (article R132-11 à R162-15) : les mesures de réparation devront être prescrites par arrêté motivé du préfet. Le préfet devra au préalable avoir consulté pour avis le comité départemental de l’environnement. Dès la réception des mesures par l’exploitant, le préfet dispose de trois mois pour statuer. Lorsque le dommage se réalise sur plusieurs départements, un arrêté du Premier ministre désigne le préfet coordonnateur.
Sont également précisées les conditions dans lesquelles le public, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les associations de protection de l'environnement et les tiers intéressés sont consultés sur la nature et la mise en œuvre des mesures de réparation envisagées. Une copie de l'arrêté préfectoral prescrivant les mesures de réparation est affichée pendant une durée minimum d'un mois à la mairie et, le cas échéant, dans les mairies d'arrondissement de la ou des communes dans le ressort desquelles le dommage a été constaté ou dans le ressort desquelles est implantée l'installation. Une ampliation de cet arrêté est par ailleurs adressée à chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités ayant été consulté (art. R162-16 et R162-17). L’exploitant devra informer le préfet de l’exécution des travaux qui sera constatée par un agent placé sous la responsabilité préfectorale (art. R162-18).
Enfin, en cas d'urgence et lorsque l'exploitant tenu de prévenir ou de réparer les dommages ne peut être immédiatement identifié, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les établissements publics, les groupements d’intérêt public, les associations de protection de l'environnement ou les propriétaires de biens affectés par les dommages notamment, peuvent réaliser eux-mêmes les mesures de réparation prescrites par l'autorité préfectorale. Si le préfet donne une suite favorable, il fixe par arrêté les conditions de cette intervention, notamment en ce qui concerne les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Les collectivités pourront prétendre au remboursement par l'exploitant responsable des frais engagés pour la mise en œuvre des mesures de réparation ou de prévention, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis.
Le décret contient également des dispositions pénales. Il punit d’une amende pouvant atteindre 1 500 euros le fait de ne pas communiquer au préfet les informations relatives aux mesures de prévention prises en cas de menace imminente de dommages, aux dommages eux-mêmes lorsque ceux-ci surviennent, et aux mesures de réparation prises le cas échéant. Est puni de la même peine le fait de ne pas mettre en œuvre les mesures de réparation prescrites par le préfet.