La sénatrice Aline Archimbaud (Seine-Saint-Denis) a effectué deux propositions de loi contre le diesel. La dernière a été déposée alors que la région parisienne était de nouveau touchée par un épisode de pollution aux particules, le 15 septembre 2014.
Après le sénat et les travaux de commission, une première lecture de la proposition de loi a été effectuée lors d'une séance publique le 19 novembre 2014.

1. La proposition de loi relative à la prise en compte d'un malus lors de l'achat d'un véhicule diesel

Une première proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé a été déposée le 5 mai 2015 au sénat. Ce texte visait à instaurer une taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation des véhicules dont le moteur fonctionne au gazole. Le montant de cette taxe était fixé à 500 euros. (1)
Cette proposition a été rejetée lors de son examen en commission.

La nouvelle proposition de loi du 16 septembre 2014 relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles déposée au sénat poursuit les mêmes objectifs que la précédente proposition de loi mais par des moyens différents.

Ce texte est composé de trois articles (2) :
Le premier article propose de revoir les critères du malus automobile, instauré à la suite de la loi Grenelle II de 2007, de manière à y intégrer une composante reposant sur les émissions des polluants atmosphériques que sont les oxydes d'azote et les particules fines. Le principe est le suivant : le malus sera d'autant plus élevé que la norme du véhicule acheté sera basse.
Le second article concerne la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles
Le troisième article prévoit de rendre obligatoire, lors de la cession d'un véhicule diesel d'occasion de plus de 4 ans, la réalisation d'un diagnostic d'éco-entretien semblable aux diagnostics énergétiques existant actuellement dans l'immobilier.

Cette proposition de loi vise à répondre à plusieurs objectifs.

Le premier consiste, à terme, à aboutir à une quasi-extinction de la filière des véhicules à motorisation diesel d'ici 10 ans. (1)

Ainsi, elle permet également d'acter le début d'une reconversion complète de la filière industrielle automobile en incitant les constructeurs automobiles à innover en développant des véhicules plus propres et en incitant les consommateurs à acheter des véhicules moins polluants.

Enfin, cette proposition de loi permet de lutter contre la pollution de l'air, causée par l'utilisation du diesel par certains véhicules, et vectrice de problèmes de santé.

2. Les motifs de cette proposition de loi

En 1988, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) avait classé les émissions des moteurs diesel parmi les cancérogènes probables pour l'homme. Après plusieurs années de recherches, ces chercheurs ont estimés avoir suffisamment de preuves démontrant qu'une exposition aux gaz d'échappement des moteurs diesel est associée à un risque accru du cancer des poumons.

Ainsi, depuis juin 2009, les gaz d'échappement des moteurs diesel sont classés comme cancérogènes certains par l'OMS (l'Organisation Mondiale de la Santé) et le CIRC. En plus du cancer des poumons, ces gaz seraient également à l'origine d'autres maladies pulmonaires telles que l'asthme et les bronchites chroniques. (3)

Aussi, le 12 juin 2012, les particules fines ont elles aussi été classées comme cancérigènes certains pour l'homme par le CIRC. Ces particules rejetées par les véhicules sont en suspension dans l'air et entrent dans les bronches, causant une inflammation qui les épaissit et provoque alors des sécrétions de glaires qui rendent difficile la circulation de l'air, entrainant un essoufflement une insuffisance respiratoire. Plus ces particules sont fines et plus elles entrent loin dans les bronches.
Ces particules peuvent également passer au travers les bronches et atteindre la circulation sanguine, provoquant une irritation de la paroi des artères et favorisant la formation de plaques d’athérome avec risques de thromboses responsables d'accidents tels que des angines de poitrine, des infarctus ou encore des accidents vasculaires cérébraux.

L'utilisation du diesel a donc des conséquences sur notre santé, en particulier lorsque la concentration de particules fines dans l'air dépasse les 50 mg/m3 plus de 35 jours par an, valeur fixée par l'Europe. Or, 3 millions de franciliens habitent dans des zones où il n'est pas rare de dépasser cette valeur-limite plus de 200 jours dans l'année.Ainsi, ce sont plus de 100 000 habitants qui seraient ainsi concernés par ces dépassements de seuil fixés par l'Europe, ce qui a conduit la Commission Européenne à poursuivre la France devant la Cour de Justice de l'Union Européenne. La France pourrait être condamnée a plus de 100 millions d'euros d'amende.

Cependant, selon une étude du Docteur Rob BEELEN (Université d'Utrecht aux Pays-Bas), publiée dans la revue médicale The Lancet, une exposition prolongée aux particules fines a un effet néfaste sur la santé, même lorsque les concentrations restent dans la norme de l'Union Européenne. Une exposition continue à des particules fines de diamètre inférieure à 10 microns et au niveau seuil de la norme de concentration dans l'air (soit 50 mg/m3) augmenterait le risque de mourir d'une cause naturelle de 35 %.

Il faut également être conscient que certaines populations sont plus exposées à ce risque.
C'est le cas de certaines professions qui se retrouvent surexposées, comme par exemple les employés conduisant ou intervenant sur des véhicules routiers (tels que les garagistes, les routiers, les commerciaux), les professionnels utilisant des engins équipés de moteurs diesel (comme par exemple dans le secteur du bâtiment et travaux publics, de l'agriculture et de l'industrie) et les professionnels travaillant à proximité de ces véhicules (comme les travailleurs sur la voie publique, employés de péage ou de parking).
Les enfants sont plus vulnérables à ces particules car ils se trouvent plus près du sol, respirent plus vite et car leurs alvéoles pulmonaires sont encore en développement. A titre d'exemple, les enfants vivant près des axes routiers ont ainsi 20 % de chance de plus que les autres de faire de l'asthme. Enfin, les personnes âgées font elles aussi parties des populations à risque du fait de leur capacité respiratoire diminuée.

La sénatrice explique dans sa proposition de loi qu'actuellement, le malus automobile repose exclusivement sur les émissions de CO2 qui affectent le climat et non directement la santé humaine. Ainsi, la mesure proposée permet de remédier à ce manquement et de prendre en compte la dimension sanitaire du problème lié au diesel.
Pour la sénatrice, cette proposition devrait aller de pair avec la mise en place par le gouvernement d’une prime encourageant à l’abandon d’un véhicule polluant pour l'achat d'un véhicule propre.(4)


(1) Texte n° 496 - Proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé par Par Mme Aline ARCHIMBAUD, MM. Ronan DANTEC, Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ, Mmes Corinne BOUCHOUX, Esther BENBASSA, Marie-Christine BLANDIN, MM. Jean DESESSARD et André GATTOLIN – 5 mai 2014
Consultable sur : http://www.senat.fr/leg/ppl13-496.pdf (page consultée le 19.11.2014)

(2) Texte n°802 - Proposition de loi sur une taxe sur le diesel par Aline Archimbaud et plusieurs de ses collègues – 16 septembre 2014
Consultable sur : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-802.html (page consultée le 19.11.2014)

(3) Le monde – Les moteurs diesel, entre subventions et dangerosité - par Audrey Garric – le 01.03.2013
Consultable sur : http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/01/les-moteurs-diesel-entre-subventions-et-dangerosite_1841303_3244.html (page consultée le 19.11.2014)

(4) Le monde – La proposition de loi des Verts contre le diesel enfin débattue – par Laetitia Eeckhout – le 19.11.2014
Consultable sur : http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/11/19/la-proposition-de-loi-des-verts-contre-le-diesel-enfin-debattue_4525861_3244.html (page consultée le 19.11.2014)