Le consommateur lésé, bien que disposant de la possibilité d’agir en justice sur le fondement du code de la consommation, pourra hésiter car le coût de son action individuelle est souvent supérieur aux gains qu’il est susceptible d’obtenir. L’institution d’un recours collectif en matière de consommation permet de contourner cet écueil.

La loi sur l’action de groupe a été adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 13 février 2014 et ajoute un chapitre III au titre II du Livre IV du code de la consommation (loi n°2014-344 du 17 Mars 2014 relative à la consommation). Elle permettra aux consommateurs placés dans une situation identique ou similaire d’exercer collectivement une action en justice contre les professionnels.

Ils devront passer par le biais des associations de consommateurs, sur le fondement de manquements à des obligations législatives ou règlementaires lors de la vente des biens, de la fourniture de services ou de pratiques anticoncurrentielles.

Avant l’introduction de ce dispositif en droit français, la loi Royer du 27 Décembre 1973 autorisait les associations à « exercer devant toutes les juridictions l'action civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs». La Cour de cassation interprétait depuis le 20 Mars 1985 ce texte comme ne permettant pas à l’association d’obtenir la compensation pour chaque consommateur individuel du préjudice causé par l’infraction. Elle a jugé que seuls les consommateurs peuvent introduire une demande de réparation de leur préjudice personnel.

L’action de groupe déroge à l’article 31 du code de procédure civile et à la règle « nul ne plaide par procureur », en ce que l’association de consommateurs agréée pourra agir au nom et pour le compte des consommateurs, sans devoir justifier d’un intérêt à agir, ni de la preuve d’un préjudice direct et individuel.

Par ailleurs, en incluant l’action de groupe en droit français, le système national pourra ainsi être harmonisé avec les pratiques européennes de la consommation (l’action de groupe existe déjà dans les autres pays). Il convient ainsi d’indiquer qu’à l’heure de l’évolution technique, juridique et économique, une modernisation du droit de la consommation et des possibilités procédurales des consommateurs à défendre leurs droits sont indispensables.

L’action de groupe telle qu’envisagée en droit français est un mécanisme inspiré du droit anglo-saxon, mais il existe également au Canada, au Portugal ou en Italie. Concrètement, les "class actions" permettent de fusionner un grand nombre de plaintes individuelles dans un procès unique.

La difficulté du modèle anglo-saxon de class action, transposé en partie en droit français est de trouver un groupe large des individus et d’établir des similarités entre leurs situations. Il s’agit, par conséquent, d’évaluer leurs situations, et de constater, en prenant en compte plusieurs vecteurs factuels et légaux, qu’ils appartiennent tous au même groupe et que leurs class action est par cela, légitime. Il faut en outre, que le groupe soit aussi nombreux, ce qui aura pour effet de rendre impraticable la solution individuelle de chaque litige.

Champ d’application de la loi.

• Qualité pour agir et titulaire de l’action de groupe : l’action de groupe est intentée par les associations de consommateurs agréées et représentatives au niveau national a l’exclusion des avocats et des consommateurs.

• Les personnes qui sont concernées par l’action de groupe : les consommateurs qui se trouvent dans une situation similaire ou identique, causée par un manquement commun du professionnel à une obligation légale ou contractuelle.

La création de l’action de groupe en droit français a permis donc de revenir sur la notion même de consommateur. Pour cela une définition a été nécessaire. Ainsi, est considéré consommateur « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (article préliminaire du code de la consommation introduit par la loi du 17 mars 2014).

Ainsi, au vu de ces éléments, les personnes morales et les professionnels sont exclues du champ d’application d’une action de groupe.

• Préjudices couverts par l’action de groupe : l’action de groupe couvre que le préjudice individuel, patrimonial résultant d’un dommage matériel. Sont ainsi exclus de son périmètre les préjudices corporels et moraux. Aussi les préjudices environnementaux et ceux issue du domaine sanitaire ne peuvent pas être réparés par le biais d’une action de groupe.

• Les contrats visés par l’action de groupe : ceux portant sur la vente de biens ou sur une prestation de service ou sur des pratiques anticoncurrentielles (fondement code de commerce ou TFUE).

Un décret relatif à la procédure applicable à l’action de groupe créée par l’article 1er de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation vient d’être publié récemment.
Modalités d’introduction de l’action.
Le décret indique que le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur. En outre, l'acte introductif d’instance contient, à peine de nullité, une description des cas individuels présentés par l'association au soutien de son action.

La réparation du préjudice à laquelle le consommateur a droit est une réparation financière. Le juge se prononce ensuite sur la responsabilité du professionnel concerné. Le décret précise à ce sujet, que le jugement doit indiquer la date d’audience à laquelle les demandes d’indemnisations qui n’auront pas été satisfaites seront examinées.

Une fois le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel et que le jugement est élaboré, des mesures d’information des consommateurs peuvent être prises. L’objectif est donc de porter à la connaissance des consommateurs lésés le fait que le professionnel est tenu responsable et qu’une indemnisation leur incombera.

Cette publicité des consommateurs peut prendre la forme d’une publication dans la presse locale ou nationale, d’un communiqué sur un site internet ou sur un support audiovisuel, ou d’une information individuelle. Elle doit faire figurer :
- une reproduction du dispositif de décision ;
- les coordonnées de l’association ayant introduit l’action ;
- les coordonnées de la personne auprès de laquelle chaque consommateur manifeste son adhésion au groupe, la forme et le contenu de cette adhésion, ainsi que la date d’expiration du délai dans lequel les consommateurs peuvent adhérer au groupe ;
- l’information des consommateurs doit également porter sur l’indication qu’à défaut d’adhésion dans les formes et délais requis, le consommateur ne sera plus recevable à obtenir une indemnisation dans le cadre de l’action de groupe ;
- l’indication que l’adhésion vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association requérante ou de celle qui lui sera substituée en cas de défaillance, dans le cadre de cette action ;
- l’indication que le consommateur ne pourra plus agir individuellement en réparation de son préjudice matériel à l’encontre du professionnel concerné par l’action s’il est indemnisé dans le cadre de l’action de groupe.

Le décret prévoit la possibilité que le jugement indique que ces mesures de publicité soient à la charge du professionnel.
Une fois les consommateurs informés de la possibilité d’une indemnisation à leur égard suite à l’admission de la responsabilité du professionnel, ils doivent adhérer auprès de l’association requérante.
L’adhésion au groupe et indemnisation des consommateurs lésés.
Cette adhésion se fait par tout moyen selon les modalités déterminées par le juge. Elle doit faire figurer les nom, prénoms, adresse postale du consommateur et, le cas échéant, une adresse électronique à laquelle l’adhérant accepte de recevoir les informations relatives à cette procédure, ainsi que le montant demandé en application du jugement sur la responsabilité.
Les consommateurs qui ne manifestent pas leur adhésion au groupe dans le délai imparti par le juge, ne pourront plus se joindre à l’action de groupe.

Le juge se prononce ensuite sur le montant de l’indemnisation, une fois le groupe évalué. La répartition de la réparation financière incombe à l’association requérante.

Les associations de protection des consommateurs jouent un rôle fondamental dans la défense des intérêts des consommateurs. Elles les informent et les soutiennent dans leurs démarches, mais elles peuvent également agir devant la justice en leur nom et pour leur compte. Les associations de consommateurs agrées représentent aussi les consommateurs auprès des décideurs publics.

La nouvelle loi leur accorde le monopole de la qualité pour introduire une action de groupe aux associations agrées et représentatives au niveau national, ce qui devrait renforcer considérablement leur influence pour défendre les consommateurs. A plus long terme, la concentration des recours individuels dans la même action améliorera la rapidité de l’appareil judiciaire et la réactivité dans le traitement des litiges.

Cependant il conviendrait que le décret relatif à la procédure de l’action de soit plus précis, sur les frais exposés par l'association, d'autant plus que l'art. R. 423-14 précise que l'association repartit les fonds perclus « déduction faite des frais exposés ».

En conclusion, l’introduction de l’action de groupe en droit français permettra probablement de trouver des solutions amiables à certains litiges de consommation de masse, car l’effet dissuasif d’une telle action sur les professionnels ne doit pas être négligé. Les effets attendus de responsabilisation des professionnels permettront peut être de développer la pratique d’accords négociés de manière amiable ou par le biais de la médiation.


Sources :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028738036&categorieLien=id

Décret n° du relatif à l’action de groupe en matière de consommation NOR : JUSC1411818D

http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-relatif-consommation.html
http://www.village-justice.com/articles/action-groupe-vue-par-association,16531.html