La récente condamnation de la France pour sa mauvaise transposition de la directive nitrate relance le débat sur la complexité de ce texte règlementaire. Si les autorités étatiques ont fait du Premier Ministre leur porte-parole pour exiger la réforme de cette directive (I), la gronde quant à la mauvaise gestion des algues échouées sur les rivages ou asphyxiant les fonds marins est de plus en plus entendue.

Des associations de protection de l’environnement, une partie de l’opinion publique et même certains représentants politiques, s’indignent de l’absence de revalorisation de la biomasse des algues invasives comme la sargasse), et l’algue verte(II)


I. La modification de la directive nitrate favorable à la réduction des algues vertes ?


Il convient de rappeler que Les nitrates utilisés dans l’agriculture sous forme d’engrais ne sont pas souvent entièrement absorbés par les plantes lorsqu’ils sont utilisés en trop grande quantité.

Cela génère ce qu’il est convenu d’appeler une eutrophisation, c’est-à-dire un déséquilibre écologique des sols de même que la pollution des eaux et la prolifération des algues vertes.

C’est ainsi que La directive européenne 91/676/CEE dite Nitrates du 12 décembre 1991 a été initiée avec pour objectif de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole

Suite à la condamnation de Juin 2013 de la Cour de Justice Européenne, la France a fait l’objet d’une nouvelle condamnation début septembre pour mauvaise transposition de la directive nitrate, laissant substituer « un risque de pollution des eaux par l’azote ».

Les Jeunes Agriculteurs, les Chambres d’Agriculture et l’association des coopératives déplorent cette nouvelle condamnation et l’augmentation des contraintes règlementaires appliquées par la France.

Ces représentants dénoncent la difficulté qu’ils rencontrent pour appliquer ces directives réglementaires. Ils ajoutent qu’ en dépit d’efforts financiers et administratifs, le manque de clarté de la règlementation mène à des jugements parfois contradictoires et à des mesures inadaptées voire incompréhensibles.

C’est pourquoi le Premier ministre, Manuel VALLS, souhaite faire évoluer la directive nitrate par le biais d’études scientifiques et souhaite pour ce faire s’appuyer sur un jeu d’alliances politiques.

La bonne transposition de la directive nitrate, et sa révision n’ont pas apporté jusqu’ici de réponses probantes quant à la prolifération actuelle d’algues vertes.

Qu’il s’agisse des algues vertes ou des algues invasives issues d’une autre variété, aucune décision politique n’a mis en place un plan de gestion pour leur valorisation, alors même que cette valorisation semble présenter de nombreux avantages écologiques mais aussi économiques.


II. Algues vertes, brunes, rouges, quelles valorisations de leur biomasse ?


Au de-là des difficultés qui peuvent être rencontrées pour appliquer les exigences de la directive nitrate, ces remises en question sont l’occasion de dénoncer le laxisme des autorités quant à la gestion des algues qui envahissent les rivages français. Aujourd’hui ces algues sont traitées de manière récurrente comme de simples déchets alors qu’il est possible de valoriser leur biomasse.

La polémique existe déjà depuis plusieurs années aux Antilles françaises, depuis que la sargasse, une algue brune invasive, cousine de l’algue verte que l’on retrouve sur les côtes bretonnes s’étale régulièrement sur les côtes de Martinique et Guadeloupe avec son cortège de nuisances (odeur putride, picotement, oxydation des plastiques et des bardages des habitations proches des côtes) .

L’algue brune a même entraîné la fermeture provisoire de certaines plages de Martinique et de Guadeloupe. Ces 5 dernières années les collectivités ont été contraintes d’embaucher de nombreuses personnes pour nettoyer les plages de ces algues échouées afin de les rendre accessibles au public.

La Guyane a également été durement touchée cette année avec des milliers d’algues venant se déverser sur les côtes à chaque marée.

Si l’algue verte se développe grâce au surplus de nitrate déversé par le secteur agricole, le directeur de l'Observatoire du Milieu Marin Martiniquais, Jean-Philippe Maréchal, expliquait en 2011 que les « sargasses sont des algues pélagiques, c'est-à-dire qui se développent au large, notamment dans la mer des Sargasses, au nord. En raison des conditions environnementales, il y a dû y avoir un boom de sargasses cette année dans cette région. Les vents et surtout les courants un peu plus importants cette année ont transporté ces algues sur les côtes des Petites Antilles »

Des rumeurs insistantes laissent même entendre que les émanations de sulfure d’hydrogène provoquées par la décomposition des algues vertes auraient causé la mort d’un cheval et de sangliers.

Les taux d’hydrogène sulfuré observé sur les plages antillaises est de 0 à 3 ppm contre les 500pmm de l’algue verte, ce qui, à une certaine dose peut provoquer des problèmes de santé pour des asthmatiques.

La sargasse n’est certes pas comparable à l’algue verte quant à sa nocivité lors de sa décomposition, toutefois elle pose le même problème pour les autorités au sujet de leur gestion comme des détritus dont il faut se débarrasser.

Inconvénient olfactif, pour le tourisme et les plaisanciers, ces algues sont de véritables nuisibles pour les populations lorsqu’elles se décomposent sur les plages. Elles peuvent également provoquer asphyxier et empêcher les raisons du soleil de passer sur de larges étendues d’eau ce qui peut provoquer la mort des fonds marins.


A titre d’exemple, en plus d’une forte prolifération en été ou dans les eaux chaudes des tropiques, l’algue sargasse peut mesurer jusqu’à 13mètres de profondeur et capter de l'azote et du phosphore, éléments nécessaires au développement du phytoplancton base de la chaine alimentaire maritime.

En dépit des répercussions négatives que peut représenter ce type d’algue, il est particulièrement étonnant que les nombreuses possibilités offertes par une valorisation de leur biomasse n’incitent pas l’État à mettre en place les moyens nécessaires pour collecter ces richesses.

En effet, les conclusions du groupe de travail « Sargasse » ont démontré un énorme potentiel de valorisation dans des secteurs assez variés qu’il convient de rappeler:

- dans l’agriculture comme engrais pour les cultures ou pour le compostage.

- comme source complémentaire d'alginates (lesquels sont utilisés comme épaississants, gélifiants, émulsifiants et stabilisants de produits industriels les plus variés depuis les gelées alimentaires, les produits de beauté).

- Sous forme d’extraits, pour piéger la matière organique présente dans les eaux usées.

- pour la pharmacologie et l’industrie cosmétique comme source de vitamines C et K ainsi que pour son pouvoir bactéricide, gommant abrasif de la poudre (masques, crème gommante, dentifrices).

A ce sujet on peut dire que l’actualité nous rattrape. En effet dimanche 16 Septembre 2014, la seconde édition du « Breizh Algae Tour » dont le but est le développement et la compétitivité du secteur des algues, a eu lieu à Nantes. Ce colloque consacré au domaine de la santé et de la nutrition des algues a permis de réunir 500 dirigeants d’entreprises, spécialistes, chercheurs, scientifiques de différentes nationalités.

L’objectif principal étant d’apporter d’autres alternatives que la destruction aux dépôts d’algues en Bretagne. Il faut savoir que quelques solutions sont déjà apportées mettant en exergue une « économie bleue » autour des 700 espèces d’algues de la Bretagne.

Une entreprise nantaise d’Effimune s’est par exemple spécialisée dans le développement de nouvelles molécules pour réguler le système immunitaire dans le domaine de la transplantation, des maladies auto-immunes et certains cancers. Sa directrice Maryvonne Hiance estime qu’il faudrait « tester cette nouvelle matière pour développer un nouveau médicament afin de réguler le système immunitaire dans certains cancers». Elle ajoute même que « certaines algues, en particulier les algues vertes, contiennent des molécules susceptibles d’agir sur le système immunitaire et d’augmenter son action.»

Si le Breizh Algae Tour parvenait à réunir 20 à 50 millions d’euros pour financer des bateaux, des usines, ainsi que la recherche, la mise en place de « l’économie bleue » serait réalisable et deviendrait une filière émergente.

Parvenir à intégrer le marché médicamenteux grâce à cette « économie bleue » serait de bonne augure pour la région bretonne et aurait pour corollaire la création de plusieurs milliers d’emplois.

Quoiqu’elles soient aujourd’hui stigmatisées comme nocives et chargées de négativité environnementale, les algues envahissant les côtes françaises peuvent donc se révéler des ressources naturelles à fort potentiel de valorisation pouvant contribuer à un certain développement économique.


Sources :


http://www.liberation.fr/societe/2014/09/14/apres-avoir-pollue-ses-plages-l-algue-pourrait-devenir-l-or-vert-de-la-bretagne_1100246
http://www.liberation.fr/terre/2014/09/06/valls-veut-une-revision-de-la-directive-nitrates-a-bruxelles_1094917
http://www.liberation.fr/terre/2014/09/04/les-agriculteurs-dans-l-impasse-sur-le-dossier-des-nitrates_1093669
http://politiques-publiques.com/martinique/sargasses-assaupamar-cd2s-montent-au-creneau/
http://www.observatoire-biodiversite-bretagne.fr/especes-invasives/Faune-et-flore-marines/Flore-marine/La-sargasse-Sargassum-muticum