La responsabilité élargie des producteurs (REP) en matière de pneumatiques est une obligation proprement française, qui émane du décret n° 2002-1563 du 24 décembre 2002 , codifié dans le code de l’environnement aux articles R.543-137 à R.543-152. Malgré tout, nous pouvons également citer la directive 99/31/CE selon laquelle les États doivent prendre plusieurs mesures afin que plusieurs catégories de déchets, dont les pneumatiques, ne soient pas admises dans une décharge, ainsi que des préconisations relatives au traitement et conditionnement des pneus (article 5).

Le débat porte, ces derniers mois, sur l’éventuelle obligation d’agrément des filières de déchets, et notamment, la filière de collecte de pneumatiques usagés. Allons-nous vers une généralisation des éco-organismes pour l’ensemble des filières de REP ?

L’état actuel de la collecte des pneumatiques n’étant pas satisfaisant (I), les députés proposent une généralisation du recours aux éco-organismes pour l’ensemble des filières de responsabilité élargie des producteurs (II).


I) L’état actuel de la collecte des pneumatiques


La filière des pneumatiques est administrée par des organismes non agréés constitués soit en société anonyme, soit en groupement d’intérêt économique, contrairement aux autres déchets, principalement sous de sociétés privées agréées ou non par l’État (I). Quels sont les résultats recherchés par la généralisation des éco-organismes dans le cadre des dispositifs d’application de la mise en œuvre de la responsabilité élargie du producteur ? (II)


I) La particularité du traitement des pneumatiques : le recours à des organismes non agréés


Le traitement des déchets automobiles, en tant que service public d’intérêt général, fait souvent l’objet, pour le producteur, d’une obligation de recourir à un éco-organisme. Qu’est ce qu’un éco-organisme ? (A) Et quelles sont les caractéristiques d’un système faisant recours à un organisme non agréé ? (B)


A) Qu’est-ce qu’un éco-organisme ?


Pour rappel, un éco-organisme, est une société de droit privé investie par les pouvoirs publics de la mission d’intérêt général de prendre en charge, dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur, la fin de vie des équipements qu’ils mettent sur le marché.

Il est important de souligner qu’en cas de recours à un éco-organisme, le producteur transfère sa responsabilité à un éco-organisme auquel il adhère. En contrepartie, le producteur verse une contribution financière à l’éco-organisme.

Conformément à l’article L541-10 (II) du Code de l’environnement, « Les éco-organismes sont agréés par l'Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière. »


B) Les caractéristiques d’un système faisant recours à des organismes non agréés


L’article L. 541-10-8 du code de l’environnement prévoit la mise en place d’une filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les déchets de pneumatiques dans les termes suivants :
« Les producteurs qui mettent sur le marché des pneumatiques, associés ou non à d’autres produits, sont tenus de prendre en charge la collecte et le traitement des déchets issus de ces pneumatiques, que les distributeurs ou détenteurs tiennent à leur disposition, dans la limite des tonnages mis sur le marché l’année précédente. Pour répondre à cette obligation, les producteurs mettent en place des systèmes individuels de collecte et de traitement de ces déchets ou contribuent financièrement à des organismes créés afin de permettre aux producteurs de remplir collectivement leurs obligations de collecte et de traitement.
Les personnes qui distribuent à titre commercial aux utilisateurs finaux des pneumatiques sont tenues de reprendre gratuitement les déchets qui en sont issus dans la limite des tonnages et des types de pneumatiques distribués l’année précédente. »

Deux types de producteurs sont alors susceptibles de participer à la collecte des pneumatiques : d’une part, les constructeurs ou importateurs, pour la « première monte » des pneumatiques, d’autre part, les manufacturiers, qui dans le cadre d’une seconde main d’œuvre, auront fournis les pneumatiques dits de « seconde monte » comme par exemple Michelin, Continental etc

Sur ces fondements, les organismes spécialisés dans la collecte de pneumatiques permettent, depuis déjà dix ans, aux constructeurs automobiles et aux manufacturiers, de répondre, par le biais de contrats de prestations de service, à leurs différentes obligations de collecte des déchets dans le respect des différentes règlementations environnementales.

Le fonctionnement des groupements de collecte diffèrent par rapport aux éco-organismes sur différents points. Les producteurs se regroupent alors au sein d’une même entité pour mutualiser les coûts de collecte et de traitement. L’entité « agit comme un mandataire pour le producteur, elle assure l’organisation, la collecte et le traitement des produits usagés ». Il est important de souligner que, dans ce cas, la responsabilité n’est pas transférée à l’entité. Mais, « chaque producteur reste responsable individuellement » de la gestion des déchets.

En France, seul le traitement des pneumatiques relève d’une prise en charge mutualisée de la collecte. Il existe actuellement deux organisations mutualisées, sans agrément qui sont la société anonyme Aliapur et le groupement d’intérêt économique « France recyclage pneumatiques » (FRP).

Dès lors, le processus de collecte est entièrement géré par les constructeurs automobiles, avec une implication des pouvoirs publics restreinte dans la mesure où ne seraient sanctionnés que le défaut de collecte, ou des collectes qui ne répondent pas aux dispositions règlementaires en vigueur.

Le débat porte, ces derniers mois, sur l’éventuelle obligation d’agrément des filières de déchets, et notamment, la filière de collecte de pneumatiques usagés. Allons-nous vers une généralisation des éco-organismes pour l’ensemble des filières de REP ?


II) Les attentes d’une généralisation des éco-organismes


Suite à l’annonce d’une généralisation des éco-organismes à l’ensemble des filières de responsabilité élargie des producteurs (A’), il convient d’exposer quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle évolution (B’).


A) La mutation annoncée du traitement des pneumatiques vers un système d’éco-organisme


L’origine du débat émane de ce que l’on appelle « la crise du pneu ». Selon le dernier rapport d'activité de la société Aliapur, les taux de collecte dépassent les estimations. En effet, les contributions des producteurs de pneumatiques et des importateurs portent sur une quantité de 280.000 tonnes de pneumatiques mis sur le marché contre une collecte comptabilisée à 284.000 tonnes de pneus en 2009 et à 301.884 tonnes en 2008. Ce déséquilibre entraine le mécontentement des collecteurs, et l’appel à une application plus stricte des règlementations.

Sur la base des mêmes arguments, un amendement a été déposé le 13 mai 2014 par dix-huit députés à l’occasion du vote de la loi sur l’économie sociale et solidaire , avec une visée principale : faire en sorte que toutes les filières de REP soient gérées par des éco-organismes. Pourtant, le 8 avril dernier, le projet de décret qui avait été mis en consultation par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie abandonnait cette notion d’agrément et de cahier des charges.

Dans l’amendement en question, le principal argument qui permet de favoriser le recours à un éco-organisme est fondé sur le fait que la collecte des pneumatiques n’est pas totale, il faut en assurer un meilleur encadrement. Selon le deuxième alinéa de l’amendement.

Il est énoncé que « la filière des pneumatiques est une filière mature, qui collecte quasi-intégralement les déchets de pneumatiques, mais dont les performances de recyclage ont diminué au cours des dix dernières années ». Et que dans ce cadre « il est nécessaire d'accentuer le pilotage de cette filière par les pouvoirs publics, ainsi que le dialogue entre les parties prenantes, afin que l'ensemble des acteurs puisse se mobiliser autour d'un projet commun. La procédure d'agrément permettra de répondre à ces enjeux. »

Les organismes de collecte de pneumatiques ont pourtant fait en sorte que l’ensemble des coûts de la collecte soient couverts par les importateurs automobiles et les producteurs de pneumatiques.

Une généralisation des éco-organismes à l’ensemble des filières de responsabilité élargie des producteurs n’a-t-elle que des points positifs ?


B) Quels sont les avantages et les inconvénients du passage de la filière pneus à un éco-organisme ?


D’abord, nous pouvons évoquer le fait que la filière de collecte de pneumatiques est établie telle quelle depuis déjà dix ans. Le système n’a cessé d’évoluer afin de parvenir à une prise en charge totale de collecte des pneumatiques usés.

De plus, un éco-organisme, rappelons qu’un éco-organisme, en tant que société de droit privé investie par les pouvoirs publics est investi d’une mission d’intérêt général, fait l’objet d’un agrément par le Ministère de l’environnement, et doit répondre, pour l’ensemble de sa mission, aux obligations déterminées dans le cahier des charges.
Dès lors, un des avantages d’une généralisation des agréments pour les collecteurs de déchets est, notamment, la garantie d’une application concrète des textes français par ces structures centrales. L’instauration d’une réelle sécurité juridique.

Par contre, parmi les arguments contraires à la généralisation des éco-organismes, figure le fait que ces structures, du fait des nombreuses opérations de communication qu’elles supportent auprès des consommateurs, augmentent le budget relatif à la gestion des déchets. D’ailleurs, critique récurrente pour ce sujet, l’absence de statut des éco-organismes, fait défaut. Malgré le fait que ces organismes soient investis d’une mission d’intérêt général, ils restent pour autant des sociétés de droit privé financées par leurs adhérents, ce qui exclue la possibilité d’adopter de réelles sanctions, ou encore l’éventuelle dénonciation des pratiques des adhérents auprès du Ministère de l’environnement.

Ainsi, la généralisation des éco-organismes dans l’ensemble des filières de REP devrait s’accompagner d’une réforme de leur structure, en leur conférant plus de pouvoirs, et faire en sorte que ce soient des entités à part en tiers assurant la garantie d’une exécution totale des obligations de collecte.


*******************
SOURCES

**LEGISLATION

Directive n° 1999/31/CE du 26/04/99 concernant la mise en décharge des déchets, (JOCE n° L 182 du 16 juillet 1999 et rect. JOCE n° L 282 du 5 novembre 1999)

Décret n°2002-1563 du 24 décembre 2002 relatif à l'élimination des pneumatiques usagés, NOR: DEVP0200010D

Texte de la commission annexé au Rapport N° 1891, sur le projet de loi, adopté, par le Sénat, relatif à l'économie sociale et solidaire, après article 49, > http://www.nosdeputes.fr/14/amendement/1891/386<

**RAPPORTS

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Consultation sur le projet de décret relatif aux déchets de pneumatiques », > http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/consultation-sur-le-projet-de-a342.html<

Centre National de Recyclage, « Observatoire des filières à responsabilité élargie des producteurs en interaction avec le service public de gestion des déchets », Janvier 2014.

**SITES INTERNET

http://legifrance.gouv.fr/
http://www.nosdeputes.fr/
http://actu-environnement.com/