I – CONDAMNATION DE MILITANTS DE GREENPEACE

En mars 2014, la centrale nucléaire de Fessenheim faisait l’objet d’une intrusion de militants Greenpeace dénonçant le danger du nucléaire en général, et du vieillissement de cette centrale en particulier, entraînant des risques supplémentaires en cas de séisme et/ou de catastrophe chimique.

Cette action spectaculaire, dans laquelle cinquante-cinq militants de nationalités différentes étaient impliqués, visait notamment à peser dans le débat relatif à la transition énergétique, le gouvernement s’étant en effet engagé à fermer la centrale de Fessenheim le 31 décembre 2016 au plus tard et à réduire, de 50%, la part du nucléaire dans le mix énergétique français d’ici 2025.

Le 4 septembre 2014, le tribunal correctionnel de Colmar a condamné ces cinquante-cinq militants à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour le chef de « violation de domicile » tout en les relaxant des faits de « dégradation ».

Si le procureur de Colmar avait requis des peines de prison avec sursis légèrement plus sévères, il s’estime satisfait du jugement rendu par le tribunal correctionnel lequel a refusé de considérer le statut de « lanceurs d’alerte » dont se réclamait Greenpeace comme justificatif valable.

II – LA "PROBLEMATIQUE FESSENHEIM"

1. Présentation de la centrale

Fessenheim, exploitée par EDF, est la plus ancienne des dix-neuf centrales implantées sur le territoire français. Elle relève du parc nucléaire du Grand Est, tout comme les sites de Cattenom (Moselle) et de Chooz

(Ardennes). Par l'effectif de ses salariés, elle constitue le septième établissement industriel du Haut-Rhin et le dix-neuvième d'Alsace (1).
En service depuis 1977, elle est dotée de deux réacteurs d’une puissance individuelle de 900 mégawatts.

Si la mise à l’arrêt de la centrale était annoncée pour 2016 par François Hollande lors de la campagne présidentielle, le démantèlement proprement dit de la centrale ne devrait pas intervenir avant 2019 ou 2020 (2).

Cette fermeture s’inscrirait dans les engagements français en matière de nucléaire.
Cependant, des experts estiment que la centrale pourrait encore fonctionner pendant dix ans avec quelques renforcements, ce qui permettrait de préparer plus en profondeur la transition qu’une telle mise à l’arrêt nécessitera dans la région.

En effet, selon l’INSEE Alsace et la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), près de deux mille emplois directs souvent très qualifiés, ou indirects, dépendent de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Le dossier de la fermeture demeure donc extrêmement sensible dans une région où « aucun moteur d'emploi ne se dégage naturellement pour remplacer la centrale » selon les deux institutions précitées.

2. Les procédures de fermeture envisageables

La décision de fermeture d’une centrale nucléaire française donne une place essentielle à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Trois procédures peuvent être utilisées à cette fin (3).

2.1. La procédure classique : arrêt à la demande de l’exploitant

Il revient dans cette hypothèse à l’exploitant de la centrale (EDF pour Fessenheim) de déposer auprès de l'ASN une demande de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement de l'installation, laquelle comprend notamment une étude d'impact et divers documents relatifs aux différentes étapes du démantèlement. L'ASN instruit le dossier puis rend un avis au Gouvernement lequel peut alors prendre un décret en Conseil d'Etat, après enquête publique (4).

Cette procédure est longue : environ deux ans pour la préparation du dossier par EDF et trois ans pour l’instruction par l’ASN…difficile alors de respecter les délais de fermeture annoncés par le Président de la République.

Le second problème de cette option réside dans la volonté de l’exploitant lui-même. En effet, EDF ne semble pas vouloir procéder à une telle mise à l’arrêt, en raison notamment de la rentabilité importante de l’installation.

2.2. L’alternative : l’arrêt pour raison de sûreté

A défaut de pouvoir contraindre EDF à déposer un dossier de mise à l’arrêt définitif et démantèlement, la fermeture de la centrale de Fessenheim pourrait intervenir pour raison de sûreté. Dans cette hypothèse, il reviendrait à l’ASN de piloter l’entière procédure.

Or, en juillet 2011 à l’issue du troisième réexamen de sûreté du réacteur n°1, l’ASN concluait certes à la possibilité de prolonger l’exploitation de dix ans, à la condition cependant de « renforcer le radier du bâtiment protecteur afin d’augmenter sa résistance » et éviter ainsi tout débordement d’éléments chimiques en cas de débordement de la cuve.

En l’absence de toute mise en œuvre des mesures exigées par l’ASN, et après mise en demeure adressée à l’exploitant, un décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'ASN pourrait parfaitement ordonner la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement de la centrale, si elle présente des risques graves que les mesures prévues ne sont pas de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante.

2.3. Une loi nouvelle permettant la fermeture

Le président Hollande fonde, pour l’heure, la fermeture de la centrale sur des motifs énergétiques et écologiques. Or, seuls des motifs de sûreté peuvent justifier une telle mesure en l’absence d’accord de l’exploitant le conduisant à déposer un dossier de mise à l’arrêt définitif.

Pour contourner cet obstacle, dans l’hypothèse où le radier du bâtiment protecteur de la centrale ferait effectivement l’objet d’un renforcement, le gouvernement pourrait agir par l’intermédiaire d’un projet de loi visant la fermeture de la centrale.

Le débat relatif à la fermeture de la centrale de Fessenheim semble, pour l’heure, loin d’être clos. Une issue semble cependant se dessiner car la loi relative à la transition énergétique est venue plafonner la capacité nucléaire française à son niveau actuel. Pour mettre en service l'EPR de Flamanville, EDF devra donc proposer de fermer une centrale de capacité équivalente avant août 2015…la centrale de Fessenheim semble toute indiquée.


------------------------------------------------------------

Sources :

(1) Etude INSEE Alsace et DREAL, Une inscription territoriale diffuse pour la centrale de Fessenheim, Analyse, juillet 2014.

(2) Délégation interministérielle de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, Préparation de la fermeture de la centrale de Fessenheim, Strasbourg le 9 juillet 2014.

(3) P. Collet, www.actu-environnemen.com, « Fermeture de Fessenheim : trois options juridiques s'offrent au Gouvernement », article publié le 29 octobre 2012

(4) Article L. 593-25 et suivants du Code de l’environnement