Selon les articles 9 et 10 de la directive-cadre 89/391, l’employeur doit, non seulement « disposer d’une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail » mais aussi « prendre les mesures appropriées pour que les travailleurs […] aient accès […] à l’évaluation des risques ». Cette dernière disposition pose la question de la formalisation de l’évaluation des risques.

Tous les pays membres de l’Union européenne ont transposé cette obligation de formalisation ou de documentation des résultats de l’évaluation des risques, mais de manière plus ou moins distincte.
Il convient ainsi de s’interroger sur la façon dont l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni ont transposé cette obligation.

Dès lors que la formalisation est rendue obligatoire par la loi, la documentation issue de la démarche d’évaluation des risques doit être disponible dans l’entreprise et être accessible à la direction, aux employés et à leurs représentants ainsi qu’à l’inspection du travail lors d’un éventuel contrôle.
Quant au support de formalisation de l’évaluation des risques, la directive 89/391 ne précise rien à ce sujet et aucune réglementation des pays étudiés ne mentionne cette information. Toutefois, il est admis que les résultats de l’évaluation des risques peuvent se matérialiser sous la forme d’un document écrit ou numérique.

Bien qu’il s’agisse d’une obligation commune aux Etats membres de l’Union européenne, certains ont, toutefois, posé des exceptions à cette obligation pour les petites entreprises.

Au Royaume-Uni, la réglementation britannique précise que les entreprises de moins de cinq salariés n’ont pas l’obligation de rédiger un rapport écrit. Cependant, elles doivent, en cas de contrôle, être en mesure de prouver qu’elles ont bien entrepris la démarche d’évaluation des risques.

La réglementation allemande avait aussi tenté de limiter cette obligation de formalisation en prévoyant que les entreprises de moins de dix salariés pouvaient se soustraire de cette obligation, sauf si l’activité de l’entreprise avait un caractère particulièrement dangereux. Seulement, l’Allemagne a été condamnée par la CJCE (1) à cause de cette exception de formalisation. Désormais, l’employeur allemand doit disposer des documents sur l’identification et l’évaluation des risques et dangers sur le lieu de travail, ainsi que sur la mise en place d’actions contre ces derniers.

En revanche la réglementation espagnole ne fait pas de référence à la taille de l’entreprise. L’article 16 de la loi du 8 novembre 1995 relative à la prévention des risques professionnels impose au chef de toute entreprise d’élaborer un support écrit, appelé plan de prévention, comprenant :
- L’évaluation des risques pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail ainsi que la planification de l’action de prévention ;
- Les mesures concrètes de protection et de prévention à mettre en œuvre et, dans certains cas, le matériel de protection qui doit être utilisé ;
- Les résultats des contrôles périodiques des conditions de travail et de l’activité des travailleurs ;
- La liste des maladies professionnelles et accidents du travail qui ont entraîné pour le travailleur une incapacité de travail supérieure à un jour.

Sous peine de sanctions administratives allant de la simple infraction à l’infraction grave, l’employeur doit contrôler périodiquement les conditions de travail afin de détecter les situations potentiellement dangereuses et veiller à la présence continue des organes de prévention en cas d’aggravation des risques.

Les réglementations espagnole et française stipulent précisément l’obligation de formaliser les résultats de l’évaluation des risques dans un document.

Ainsi, en Espagne, puisque l’évaluation des risques s’intègre dans le plan de prévention des risques professionnels, elle n’est pas formalisée dans un document à part entière.

Les résultats de l’évaluation des risques professionnels en France sont formalisés dans le document unique comprenant un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail, le classement des risques ainsi que les propositions d’actions à mettre en place. Ce document est obligatoire pour toutes les entreprises et est doit être mis à jour au minimum chaque année (2). Le document unique doit constituer un véritable travail d’analyse des modalités d’exposition des salariés à des dangers ou à des facteurs de risques.

Il faut toutefois souligner les statistiques qui mettent en avant l’application inégale de l’obligation de formalisation de l’évaluation des risques dans les différents pays. A titre d’exemple, en 2009, encore 22% des petites et moyennes entreprises ne possédaient aucun document sur l’évaluation des risques au Royaume-Uni (3). De même, en 2013, on recense toute de même 13.6% d’entreprises en Allemagne qui n’ont pas réalisé de document unique d’évaluation des risques, alors que la France n’en compte que 9% (4).

Si l’évaluation des risques trouve sa raison d’être dans les actions de prévention qu’elle va engendrer, sa finalité n’est pas pour autant de justifier l’existence d’un risque mais au contraire de mettre en œuvre des mesures effectives visant à l’éliminer conformément aux principes généraux de prévention. Bien que l’employeur ait la charge de cette évaluation, la démarche se réalise dans un cadre pluridisciplinaire pour une approche globale des facteurs de risques.


Références:
(1) Arrêt de la CJCE du 7 février 2002, affaire C-5/00.
(2) Le décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 est à l’origine de l’article R4121-1 du code du travail qui impose à tout employeur de transcrire et de mettre à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques. Voir les textes L4131-1 à L4121-5, R4121-1 et R4741-1 du code du travail.
(3) La prévention des risques professionnels dans les PME en EUROPE, septembre 2009 - EUROGIP
(4) Baromètre de la prévention des risques professionnels 2014 - DEKRA