Compte tenu du caractère polluant des huiles usagées, le législateur a pris plusieurs dispositions afin d’assurer la protection de l’environnement. Le producteur, ou le « pollueur payeur » est alors redevable, au sens du code des douanes, de plusieurs taxations, dont la « Taxe générale sur les activités polluantes (ci-après TGAP), au titre des différentes huiles de base, lubrifiants et huiles usagées qu’il aura introduit, importé, fabriqué ou encore utilisé pour répondre aux besoins de son activité économique.

Conformément à l’article L151-1 du Code de l’environnement, « La taxe générale sur les activités polluantes est déclarée, acquittée, recouvrée et contrôlée conformément aux articles 266 sexies à 266 terdecies, 268 ter et 285 sexies du code des douanes. » Dès lors, il faut se référer au code des douanes afin de déterminer la législation applicable, et quels sont les critères qui vont faire du constructeur automobile un redevable de cette taxe. La circulaire du 10 avril 2014 nous donne également une approche claire des modalités d’application de la TGAP.

A titre préliminaire, il convient de préciser, d’une part, que les huiles lubrifiantes et produits connexes ne font plus l’objet d’une autorisation préalable d’importation et de mise à consommation, initialement prévue par la loi du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier (JO 1er janvier 1993). D’autre part, sont exonérées de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), anciennement appelée la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), les huiles lubrifiantes et un certain nombre d’additifs pour les huiles lubrifiantes. En effet, cette taxe s’applique aux produits destinés à être utilisés comme carburant ou combustible (article 265 du code des douanes).

Depuis le 1er janvier 2008, les lubrifiants biodégradables, non écotoxiques et d'origine renouvelable ne sont plus soumis a la TGAP. Il s'agit de produits peu nocifs pour l'eau et les sols au cours de leur utilisation, et permettant de réduire les émissions de CO2.

Il s'agit des lubrifiants suivants repris a l'article 1 de la décision n° 2005/360/CE de la Commission européenne du 26 avril 2005 et utilises dans un cadre professionnel ou privé :
- huiles hydrauliques,
- graisses,
- huiles pour scies a chaine,
- huiles pour moteur a deux temps,
- agents de décoffrage du béton,
- et autres produits de graissage d'appoint.

Quel est le champ d’application de la TGAP aux importateurs automobiles pour les substances lubrifiantes utilisées ou livrées sur le marché intérieur ?

Nous dresserons d’abord le cadre général de l’application de la TGAP (I), avant d’aborder la déclaration des lubrifiants et des huiles et préparations lubrifiantes (II).


I) Cadre général de la taxation des lubrifiants


L’émergence de la TGAP (A) vise à faire contribuer différentes personnes au titre de leur activité qui a des conséquences polluantes sur l’environnement au titre de leurs différentes activités qui vont en constituer le fait générateur (B).


A) L’institution de la TGAP pour les huiles usagées


Instituée par l’article 45 de la loi de finances pour 1999 et entrée en vigueur au 1er janvier 2000, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), portait initialement sur quatre catégories d’activités polluantes :
(1) - le stockage de déchets ménagers et assimilés ainsi que l’élimination de déchets industriels spéciaux ;
(2) - l’émission dans l’atmosphère de substances polluantes ;
(3) - le décollage d’aéronefs sur les aérodromes recevant du trafic public ;
(4) - la production d’huile usagée.

Six autres activités ont par la suite été assujetties à la TGAP.

La loi de finances pour 2008 a modifié à compter du 1er janvier 2008 la TGAP sur la production d'huiles usagées en y intégrant les lubrifiants à usage perdu. Depuis 2010, la taxe est déclarée au plus tard le 30 avril et les échéances de paiement sont fixées au 30 avril, 31 juillet et 31 octobre.

Selon l’article 1er du code des douanes, la TGAP est applicable sur le marché intérieur constitué par la France métropolitaine (France continentale et Corse) et dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte).


B) Les personnes concernées et les faits générateurs de la TGAP


L’article 266 sexies mentionne les personnes concernées par la TGAP :

4. a) Toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, livre pour la première fois sur le marché intérieur ou utilise pour la première fois des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées ;
b) Toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, utilise des huiles et des préparations lubrifiantes, autres que celles mentionnées au a, produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit ;
c) Toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, utilise des huiles et des préparations lubrifiantes à usage perdu, autres que celles mentionnées aux a et b, correspondant aux catégories suivantes (Europalub/ CPL) : huiles pour moteur deux-temps (1C/ D. dt), graisses utilisées en système ouvert (3A1/ J1 et 3A2/ J2), huiles pour scies à chaînes (6B/ B2), huiles de démoulage/ décoffrage (6C/ K. 4a) ;

Le caractère taxable des huiles et préparations lubrifiantes s’apprécie au regard des faits générateurs définis à l’article 266 septies du code des douanes :

Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par :
4. a) La première livraison ou la première utilisation des lubrifiants mentionnés au a du 4 du I de l'article 266 sexies ;
b. L'utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées au b du 4 du I de l'article 266 sexies ;
c. L'utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées au c du 4 du I de l'article 266 sexies.


II) La déclaration des lubrifiants et des huiles et préparations lubrifiantes


Les lubrifiants sont taxables dans deux situations au sens du code des douanes.

D’une part, les lubrifiants visés par le décret du 17 juin 1999 . Alors, le fait générateur est constitué par la livraison ou l’utilisation de ces substances dans le cadre de l’activité économique (A’). Et d’autre part, les huiles ou les préparations lubrifiantes produisant des huiles usagées, dans ce cas, le fait générateur n’est constitué que par leur utilisation dans le cadre de l’activité économique (B’).


A’) La livraison ou l’utilisation sur le marché national de lubrifiants visés par le décret n° 99-508 du 17 juin 1999


Nous allons déterminer quels sont les personnes et les produits concernés par le champ d’application (1) ainsi que les faits qui vont générer l’assujettissement des constructeurs automobiles à la TGAP (2).


1. Champ d'application


a) Les redevables : la première livraison ou la première utilisation


Toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, livre pour la première fois ou utilise pour la première fois des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées (article 266 sexies- 4-a du code des douanes) est redevable de la TGAP.


b) Liste des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées


Les lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées sont mentionnés à l'article 3 du décret n° 99-508 du 17 juin 1999 modifié et listés à l’annexe I de ce décret et classés selon deux nomenclatures professionnelles, « Europalub » et « CPL » (Centre professionnel des lubrifiants). Ces lubrifiants taxables sont désignés ci-après sous l'appellation « lubrifiants » ; ils peuvent être à base minérale ou synthétique.

Le secteur de l’automobile utilise plusieurs types de lubrifiants, dont certaines références sont mentionnées dans décret n° 99-508 du 17 juin 1999 pris pour l'application des articles 266 sexies à 266 duodecies du code des douanes instituant une taxe générale sur les activités polluantes, Annexe 1.

Dès lors, un producteur automobile, qui, dans le cadre de son activité économique livre pour la première fois un des lubrifiants mentionné dans la liste ci-dessus sera susceptible de payer la TGAP. Il convient désormais d’analyser les faits générateurs de la TGAP ainsi que son exigibilité.


2. Faits générateurs et exigibilité de la TGAP


Le fait générateur ainsi que l’exigibilité de la TGAP sont constitués par la première livraison sur le marché intérieur (a) des lubrifiants listés par le décret du 17 juin 1999 (voir supra), ou lors de la première utilisation des lubrifiants (b).


a) La première livraison sur le marché intérieur


Rappelons que l’on entend par « marché intérieur » le marché français tel qu’il est défini à l’article 1er du code des douanes.

Le fait générateur de la TGAP est constitué par la première livraison, c'est-à-dire l’ « affectation d'un bien a une personne quelle qu'elle soit » (distributeur, intermédiaire, confrère, consommateur, etc.), « par transfert du pouvoir d'en disposer comme un propriétaire » ; Ou bien, par la première utilisation des lubrifiants mentionnes au 4a du I de l'article 266 sexies ; et cela pour les besoins d'une activité économique (toutes les activités de producteur).

La première livraison sur le marché intérieur (soit en France) est constituée par :

- l'importation par mise à la consommation (en provenance de pays tiers a l'Union européenne), c'est-à-dire :
- la sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif douanier. Un régime suspensif douanier est constitué par exemple par le transit ou le stockage à condition d’avoir bénéficié d’une autorisation des services des douanes ).
- la détention de produits soumis a TGAP en dehors d'un régime de suspension de droits pour lesquels la TGAP n'a pas été déclarée et recouvrée conformément a la législation nationale applicable. Soit, la détention de produits soumis, en principe, à la TGAP, mais qui n’a toujours pas fait l’objet d’un recouvrement, la situation doit alors être régularisée.
- l'importation, y compris irrégulière de produits soumis a TGAP, sauf si les produits assujettis sont placés immédiatement en suite d'importation sous un régime suspensif de droits de douanes. En cas d’importation, le paiement de la TGAP est exigé hors mis les cas où les biens sont en transit ou en stockage).

- l'introduction en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

- la première livraison sur le territoire national après fabrication nationale ;
Dans le cas d’une acquisition intracommunautaire ou d'une mise à la consommation, la taxation dépend des conditions de vente.

- la première livraison a lieu sur le territoire national
Si une entreprise située en France achète des produits soumis a TGAP à une entreprise située dans un pays tiers ou un autre Etat membre de l'Union européenne et que la livraison a lieu en France, la première livraison intervient sur le marche intérieur, l'entreprise tierce ou communautaire est redevable de la TGAP.

- la première livraison a lieu hors du territoire national
Si une entreprise située en France achète des produits soumis a TGAP a une entreprise située dans un pays tiers ou un autre Etat membre de l'Union européenne et que la livraison a lieu dans ce pays tiers ou cet autre Etat membre, la première livraison n'intervient pas sur le marche intérieur, l'entreprise tierce ou communautaire n'est pas redevable de la TGAP.
Si l'entreprise située en France rapporte ce produit puis le vend a un acheteur situe en France, la première livraison intervient alors sur le marche intérieur et le redevable de la TGAP est le vendeur.

- cas des produits entreposés suite à fabrication ou acquisition intracommunautaire
Les produits entreposés par l’entreprise qui les a fabriqués ou acquis dans un autre Etat membre, ne sont pas taxables tant que cette entreprise en demeure propriétaire. Cette règle s’applique lorsque le produit est stocké dans l’entreprise mais aussi lorsqu’il est stocké chez un tiers.
Le produit sera taxable lors de sa première livraison sur le marché intérieur ou lors de sa première utilisation.


b) Définition de la première utilisation


La première utilisation est caractérisée dans les cas où il n’y a pas d'opération de livraison sur le territoire national. Alors, l'operateur, dans le cadre de son activité économique :
- consomme des lubrifiants qu'il a lui-même fabriqués (hors du régime des utilités des usines exercées) ;
- utilise des lubrifiants ayant été acquis dans un autre Etat membre. En d’autres termes, cette deuxième situation concerne une « acquisition intracommunautaire », soit, un achat de lubrifiant effectué par une entreprise assujettie à la TGAP établie en France auprès d'une autre entreprise établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne.

En l’espèce, le constructeur automobile utilise les lubrifiants par le biais des différents concessionnaires, chefs d’ateliers, réparateurs etc.

A titre de précision, les lubrifiants contenus dans des transformateurs électriques, boites de vitesse et autres matériels ne sont pas soumis à la TGAP lors que la mise a la consommation ou lors de la livraison de ces engins.

Le deuxième cas selon lequel les préparations lubrifiantes, ou encore, les huiles font l’objet d’une taxation dépend de l’utilisation qui est faite de ces substances.


B’) L’utilisation d'huiles et préparations lubrifiantes produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit


Le champ d’application des autres types de préparations lubrifiantes dépend d’abord de l’utilisation qui en est faite, et dans le cas où cette dernière engendre un rejet en milieu naturel (1), les utilisateurs de ces substances devront s’acquitter de la taxe (2).


1) Les huiles et préparations lubrifiantes dont le rejet dans le milieu naturel est interdit


Il s'agit des huiles et préparations lubrifiantes, autres que celles visées dans le décret du 17 juin 1999, produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit. Ce sont des produits qui, par l’usage qui en est fait, sont producteurs d'un gisement d'huiles usagées.
A titre d'exemple, certaines huiles utilisées comme composantes dans la fabrication de pneumatiques peuvent être intégralement consommées dans le processus de production et ne sont donc pas soumises a la TGAP au titre des dispositions de l'article 266 sexies I 4 b).

La TGAP porte notamment sur les lubrifiants finis qui engendrent des huiles usagées en fin de vie.
Un lubrifiant fini est constitué d'un mélange d'huiles de base et d'une quantité variable d'additifs (jusqu'à 25 % en masse) selon le type d'application et la sévérité du service. Les lubrifiants pour moteurs d'automobiles sont très additivés (20 à 25 %) alors que certains lubrifiants industriels ne le sont qu'à hauteur d'1 ou 2 %.


2) Les redevables : les utilisateurs de ces huiles ou préparations lubrifiantes


Toute personne qui utilise, pour les besoins de son activité économique des huiles et des préparations lubrifiantes produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit (article 266 sexies I 4 b).

Autrement dit, les différents réparateurs dans les garages automobiles sont concernés lors des réparations et entretien des moteurs.

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SOURCES

*LEGISLATION

Article L151-1 du Code de l’environnement

Articles 266 sexies à 266 terdecies, 268 ter et 285 sexies du code des douanes.

Décret n°99-508 du 17 juin 1999 pris pour l'application des articles 266 sexies à 266 duodecies du code des douanes instituant une taxe générale sur les activités polluantes.

Circulaire du 10 avril 2014, Taxe générale sur les activités polluantes, NOR : FCPD1408597C

*DOSSIERS

“La TGAP sur les lubrifiants”, Règlementation, ADEME, >http://www.ademe.fr/entreprises/Dechets/huiles/reg/reg2_03.htm<

*SITES INTERNETS

http://legifrance.gouv.fr/