La gestion des cours d'eau est depuis plusieurs siècles en France l'objet d'un rapport complexe entre action étatique (anciennement royale), réglementations locales et propriété privée. Plusieurs objectifs historiques sont en cause dont le partage de la ressource en eau et des ressources halieutiques (soit les ressources vivantes aquatiques), la réduction du risque d’inondation ou de sécheresse, l'exploitation de l'énergie hydraulique ou encore, le transport fluvial et sur les rivières. L’eau est aussi une source de richesse, un bien vital. Le recours aux ressources en eau constitue une activité économique fructueuse qui implique la nécessité d’un encadrement juridique permettant sa préservation, et l’accès équitable à la ressource.

Il convient d’exposer comment le droit français aborde ces différents enjeux.
L’eau est-elle appropriable ? (I)
Quel est le régime applicable à l'eau de source et à l'exploitation de l'eau minérale? (II)


I) L’eau est-elle appropriable ?


Le statut juridique de l’eau (A) met en avant le caractère vital et nécessaire de l’eau, duquel découle un rapport spécifique entre la ressource en eau et la notion de propriété (B).


A) Le statut juridique de l’eau


Au sens juridique, l’eau est qualifiée de « patrimoine commun de la nation » et de « ressource naturelle ».
Conformément à l’article L210-1 du Code de l’environnement (ci-après C.env.), « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. »

Dans un premier temps, la qualification de « patrimoine commun de la nation » signifie qu'il existe une responsabilité collective sur cette ressource commune qui nous a été léguée par les générations précédentes et que nous devons transmettre intacte aux générations suivantes. Cette qualification ne remet pas en cause les règles du droit civil notamment celles concernant l'appropriation de l'eau sous ses différentes formes. L'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique a le droit d'accéder à l'eau potable pour son alimentation, hygiène et dans des conditions économiquement acceptables, (ce qui n’implique pas la gratuité de l'usage de l'eau). Les coûts liés à l'utilisation de l'eau sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales, économiques et des conditions géographiques et climatiques.

Dans un second temps, l’eau est qualifiée comme étant une ressource naturelle dont il faut assurer la « protection », la « mise en valeur » et le « développement » afin, notamment, de garantir le caractère renouvelable de cette ressource. Mais, le caractère renouvelable d'une ressource n'implique pas nécessairement qu'elle soit renouvelable effectivement. Une surexploitation peut conduire à sa disparition.

D'où la nécessité d'une gestion durable qui a pour finalité dans le cadre de ces ressources de permettre et autoriser ce renouvellement en limitant l'exploitation, en l'encadrant.


B) Le rapport entre l’eau et la notion de propriété


En droit français, la propriété fait référence à un droit « réel », c'est-à-dire qui porte sur une chose et non un service, une créance, et qui confère toutes les prérogatives sur un bien soit, l’usus (le droit d’user du bien),le fructus (le droit de tirer les fruits du bien, par exemple, de le louer et de percevoir les loyers, et l’abusus (le droit d’abuser du bien, de le détruire).

Il convient de différencier deux notions de propriété : le res communis et le res nullius. D’abord, le « res communis » est identique à « res publicum », et fait référence à la chose (res) commune, qui appartient à tout le monde et que l’on ne peut pas s’approprier. Ces choses sont considérés comme indisponibles dans la mesure où personne ne peut nous priver de leur usage (ex : l’atmosphère, les océans, les cours d’eau domaniaux comme nous le verrons par la suite). Ensuite, la chose dite « res nullius » désigne la chose dans maître, temporairement non appropriée mais parfaitement appropriable. Par exemple, selon l’article 641 du Code civil alinéa premier, « tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. ». La distinction entre « bien commun » ou « bien appropriable » varie selon le régime juridique applicable à l’eau. En France, l’eau ne fait pas l’objet d’une nationalisation, mais un régime juridique différent est applicable selon que les eaux soient dites « domaniales » ou « non domaniales ».

* Seules les eaux domaniales appartiennent à l’État. La loi du 16 décembre 1964 abandonne le critère de navigabilité, afin d’affecter les eaux au le régime du domaine public, pour privilégier le classement, par la loi. Désormais, le régime applicable aux cours d’eau domaniaux vise à « assurer les besoins en eau de l’agriculture, de l’industrie et de l’alimentation des populations ».

* Concernant les eaux non domaniales, il convient de distinguer les eaux courantes et non courantes. Rappelons que selon la jurisprudence, un cours d’eau est caractérisé par un lit naturel, avec un débit suffisant et permanent.

D’une part, les eaux courantes échappent à l’appropriation, ce sont des « res communis ». Seul le lit des cours d’eau non domaniaux est la propriété des riverains (article 98 du Code rural). Selon l’article 644 du Code civil, les riverains des cours d’eau courante peuvent « s’en servir à son passage pour l'irrigation de ses propriétés », il en est de même pour les propriétaires de terrains traversés par les cours d’eau l’eau courante, et cela « à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire ». Alors, l’usage du cours l’eau n’est pas interdit à condition qu’il n’ait aucune incidence sur son débit.

D’autre part, le régime des eaux non courantes se rapproche beaucoup du régime classique de propriété privée.

Conformément à l’article 558 du Code Civil, les propriétaires d’eaux stagnantes telles que des lacs ou des étangs conservent la propriété du terrain couvert par l’eau « à hauteur de la décharge de l’étang ». La zone couverte par les eaux stagnantes ne peut pas faire l’objet d’une extension en cas de crue occasionnelle, et elle constitue une présomption qui peut être combattue par un titre (Chambre des requêtes de la Cour de cassation, 24 décembre 1924). Ces eaux sont incorporées au fond, elles constituent des biens immeubles avec les poissons qui s’y trouvent et sont classées en tant qu’immeuble par destination.

La situation est différente pour les eaux de source ainsi que pour l’exploitation des ressources en eau minérale dont il convient désormais de relater le régime de police applicable.


II) Les régimes spécifiques : l’eau de source et l’exploitation de l’eau minérale


Afin de règlementer les usages des ressources en eau utilisées à des fins agricoles, industrielles ou encore à des fins commerciales eut égard aux vertus de certaines sources d’eau, un régime spécifique est applicable aux eaux de sources (A’) ainsi qu’à l’exploitation des ressources en eau minérale (B’).


A’) L’eau de source : la propriété du dessus et du dessous ?


Il ne faut pas confondre les cours d’eau mentionnés précédemment (I. B.), avec l’eau de source. Cette dernière doit répondre à plusieurs critères, notamment, elle est d’origine sous-terraine ; doit répondre aux exigences du décret n°89-3 du 3 janvier 1989 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturelles ; et l’eau de source doit également être autorisée par arrêté du Préfet de département dans lequel elle est exploitée. L’eau de source est vendue en France sous l’appellation « eau de source », après déclaration auprès du Ministre chargé de la santé.

A-t-on un droit illimité sur l’eau dont la source est formée sous son terrain ?

Conformément à l’article 552 du Code civil selon le quel « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. ».

Cependant, il convient de nuancer ces propos. La libre disposition (propriété) de l’eau captée sur un terrain varie en fonction de si les eaux de source sortent en eau « courante » ou « non courante ».

* Si les eaux souterraines captées sur un terrain sont des eaux de source et sortent en eau courante (ruisseau) dans les limites du terrain, alors, la propriété du dessus n’emporte pas la propriété du dessous comme indiqué à l’article 552 du Code civil. Alors, c’est l’article 643 du code Civil qui est applicable selon lequel : « si, dès la sortie du fonds d’où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d’eau offrant le caractère d’eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leur cours naturel au préjudice des usagers inférieurs ».
Ainsi, les cours d’eau courante sont des choses communes, non appropriables. Leur usage de fera l’objet d’un régime de police plus strict, notamment, leur captage peut être interdit si la source entre dans le cadre d’un périmètre de protection en vue d’alimenter une collectivité publique, ou dans le périmètre d’une zone spéciale d’aménagement des eaux. Tout prélèvement à des fins domestiques doit être autorisé ou déclaré.

* Si les eaux souterraines captées sur un terrain sont des eaux de source et ne sortent pas en eau courante (ruisseau) dans les limites du terrain, l’article 552 du Code civil s’applique et le propriétaire du terrain peut se prévaloir d'un droit de propriété sur ces eaux.

L’exploitation des sources d’eau minérales fait elle aussi l’objet d’un régime spécifique.


B’) Quelles sont les conditions d’exploitation des ressources en eau minérales?


Le droit applicable à l’eau minérale est principalement mentionné dans le Code de la santé publique. Selon les articles L735 et suivants du code de la santé publique (ci-après CSP): « Les sources d'eaux minérales peuvent être déclarées d'intérêt public, après enquête, par décret pris en Conseil d'Etat. » Alors, l’exploitant doit obtenir une autorisation d’exploiter la source d’eau minérale (article R1322-5 du CSP), pour cela, il dépose un dossier comportant, entre autres, plusieurs études sur la qualité de l’eau, ainsi qu’une description sur les modalités de surveillance.

La décision statuant sur la demande d'autorisation d'exploiter une source d'eau minérale naturelle est prise par arrêté préfectoral avant la mise en œuvre du projet (Article R1322-8 du CSP).

En ce sens, l’exploitation des ressources d’eau est encadrée par des prescriptions règlementaires.

Par ailleurs, les sociétés d'exploitation sont redevables des impôts locaux des communes dans lesquelles elles sont implantées. Les communes perçoivent trois taxes différentes.

* La première taxe perçue par les communes est la contribution économique territoriale (aussi dite « CET », ancienne taxe professionnelle). Elle est composée d’une cotisation foncière des entreprises (CFE), assise sur les valeurs locatives foncières, dont le taux est déterminé par les communes ou les EPCI, et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), prélevée selon un barème progressif et due uniquement à partir de 500 000 euros de chiffre d’affaires.
Cette contribution est votée par les communes suivants certains plafonds. La CET est plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée. Pour le calcul de la CFE, les bases foncières des établissements industriels sont réduites de 30 %.

* La deuxième taxe est « la surtaxe sur les eaux minérales naturelles » définie aux articles 1582 et 1698 A du Code général des impôts. Cette surtaxe est fixée par hectolitre, et peut être ajustée par rapport à la recette perçue de l’exercice précédent. L’objectif est, notamment, que les communes exécutent certains travaux d’assainissement pour l’exploitation des ressources d’eau minérale.

* Enfin, la troisième taxe est une redevance conventionnelle découlant d'une relation contractuelle avec ces derniers. Elle concerne l'exploitation par la société des eaux minérales des sources situées sur le territoire communal et propriété de la Commune. Par exemple, au titre d'un bail.

Dès lors, nous comprenons que l’eau est par nature un bien vital, mais aussi, que l’eau participe à l’économie locale et à l’emploi.


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SOURCES :

LEGISLATION :

Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

Décret n°89-3 du 3 janvier 1989 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturelles.

ARTICLES :

« Le droit et la gestion de l’eau en France : organisation administrative et conciliation des usages », Yves JEGOUZO, > www.legiscompare.fr/site-web/IMG/pdf/11-Jegouzo.pdf<.

« Le propriétaire d’un terrain est-il propriétaire de l’eau située sous ce terrain? », septembre 2012, >http://www.sidesa.fr/fr/faq/eau-potable/ouvrages/137-ouvrages-prives/1857-le-proprietaire-dun-terrain-est-il-proprietaire-de-leau-souterraine<.

« L'exploitation des sources procure des revenus importants aux communes sur lesquelles elles sont situées », >http://www.eaumineralenaturelle.fr/economie/economie-locale.html#/model7/eco_locale<.

« Eaux de source », Direction des affaires juridiques,
>www.economie.gouv.fr/files/directions_services/daj/.../sup2-13.pdf<

SITES INTERNET :

http://legifrance.gouv.fr/