Le règlement européen n°517/2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés (GESF) et abrogeant le règlement CE n°842/2006, a été adopté le 16 avril 2014 par le Parlement et le Conseil de l’Union Européenne lors des différentes lectures. Lynda Birriou, étudiante de la promotion 2012-2013, avait fait un état des lieux de la réglementation en place instaurée par le règlement CE n°842/2006, dit « F Gaz », et par le Code de l’environnement aux articles R.543-75 à 123, dans deux articles consacrés à la réglementation applicables aux GESF (1) & (2). Elle y avait, en outre, mentionné l’arrivée du texte adopté le 16 avril dernier, sur lequel de nombreuses discussions ont été menées.
En effet, bien que le nouveau règlement européen relatif aux GESF reprenne de nombreux éléments de son prédécesseur de 2006, il fait apparaitre à sa lecture des tournures complexes qu’il convient de simplifier au mieux, afin que les professionnels en aient une compréhension juste et la plus homogène possible. A ce propos, une session des « Mardi de la DGPR » du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE) consacrée à la règlementation applicable et à venir des GESF a été organisée le 13 mai 2014 (3), lors de laquelle le gouvernement a émis la possibilité d’édicter des textes nationaux complémentaires au règlement n°517/2014.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le texte européen entend par « gaz à effet de serre fluorés, les hydrofluorocarbones [(HFC)], les hydrocarbures perfluorés [(PFC)], l’hexafluorure de soufre [(SF6)] et les autres GES contenant du fluor, énumérés à l’annexe I ». Le règlement couvre également les mélanges constitués de ces types de gaz. Ces différents gaz sont ceux qui émanent des fluides frigorigènes, utilisés dans de nombreux équipements comme des groupes froids, appareils de réfrigération, etc…
L’attention particulière portée à ces GESF s’explique par le fait que ceux-ci ont des potentiels de réchauffement planétaire (PRP) bien plus importants que le dioxyde de carbone, souvent utilisé comme référence. C’est pourquoi le rejet dans l’atmosphère est strictement interdit (article R.543-87 du Code de l’environnement) ce qui rend leur manipulation particulièrement délicate lors d’opérations de maintenance, d’entretien ou de réparation de fuite.
C’est donc dans une optique de précision de la réglementation de 2006, dans le but d’agir plus efficacement sur la maitrise des rejets des GESF, que le Parlement Européen a décidé d’adopter ce second règlement « F Gaz ».



A quel moment & quels professionnels seront impactés ?

Le règlement n°517/2014 n’étant applicable qu’au 1er janvier 2015, il s’agit là d’une analyse juridique anticipative du texte afin de prévenir les retombées potentielles sur les domaines industriels impactés.
Ces domaines sont constitués de tous les professionnels fabricant, détenant, stockant, utilisant, distribuant, installant, ou manipulant les GESF énumérés ci-dessus. Leurs obligations ne seront biensûr pas les mêmes, mais cela montre que le règlement couvre le champ d’application le plus large possible, allant de la certification des employés manipulant un GESF, au fabricant soumis à un étiquetage stricte du produit qu’il souhaite mettre sur le marché. Lynda Birriou soulignait justement que « cette réglementation concerne […] tous les acteurs du cycle de vie des fluides frigorigènes, les producteurs, les importateurs et les exportateurs de ces gaz, ainsi que les exploitants ou détenteurs d’équipements fixes [de protection incendie], de réfrigération, de climatisation, de pompes à chaleur, [et d’appareils de commutation électrique] » (2).


Quels changements fondamentaux par rapport au règlement n°842/2006 ?

Le premier changement à observer dans le règlement du 16 avril 2014, et qui concerne l’ensemble des professionnels visés par ce texte, consiste dans l’appréhension des quantités des gaz à effet de serre fluorés. En effet, jusqu’à lors, ces GESF étaient renseignés en kilogrammes. A partir du 1er janvier 2015, ils seront appréhendés, tant sur leur étiquette que lors de leur manipulation, en tonnes équivalent CO2. De plus, leur potentiel de réchauffement planétaire devra clairement être indiqué (article 12-3 c)). Pour faciliter la transition à réaliser par les professionnels, le MEDDE a élaboré un tableau d’équivalence pour certains gaz dans son support de présentation du Mardi de la DGPR du 13 mai 2014 (3). Quant aux mélanges, une méthode de calcul est décrite en annexe IV du règlement.
Face à cette modification, il convient pour les professionnels de rester vigilant. En effet, bien qu’il n’y ait pas de changement des périodicités de contrôles d’étanchéité par rapport au règlement n°842/2006, le passage à l’unité « tonne équivalent CO2 » peut parfois modifier les seuils de poids jusqu’à lors applicables aux GESF.
Pour ce qui est de l’indication de la quantité et du PRP, elle se porte principalement sur l’étiquette du produit. Les exigences qui y sont relatives s’appliquent alors naturellement aux fournisseurs/producteurs, mais il convient de se demander si les simples détenteurs de GESF ne devront pas étiquetés les produits qu’ils détiennent, et s’ils ne devront pas indirectement respecter cette exigence en ne se fournissant qu’en éléments correctement étiquetés, remplissant exhaustivement les conditions énoncées à l’article 12. En effet, la formulation adoptée dans la lettre de cet article place l’ « étiquette » ou « les produits et équipements » en sujets afin d’en étendre le champ d’application, sans mentionner un ou plusieurs destinataire(s) en particulier.

Par ailleurs, l’interdiction de tout rejet à l’atmosphère (article R.543-87 du Code de l’environnement) n’admet plus les cas dans lesquels il s’agit d’ « assurer la sécurité des personnes » mais ceux dans lesquels le dégazage est « techniquement nécessaire pour l’usage prévu » (article 3-1). Le professionnel devra donc démontrer qu’aucune autre technique n’est envisageable pour l’usage en cause pour légitimer son rejet à l’atmosphère. L’exigence du Code de l’environnement demeurera, a priori, plus stricte que celle du règlement n°517/2014, sous réserve des règlementations qui seront éditées en complément de cette exigence.
La réparation de fuite est, elle aussi, traitée de façon relativement souple : l’exploitant doit y mettre un terme « dans les meilleurs délais », ce qui peut laisser espérer que la preuve de la mise en place d’un plan d’action suffise à répondre à l’exigence.
A contrario, le système de détection de fuite doit désormais être « vérifié » et non plus « étalonné », ce qui laisse entendre une rigueur plus vive dans son contrôle. Il est même précisé par le MEDDE que ce système doit permettre d’ « alerter » de façon effective l’exploitant.


Aptitude du personnel & habilitation de l’entreprise – problématiques de certifications :

Avant tout, il est important de noter que les certificats déjà délivrés au titre du règlement européen n°842/2006 restent valables dans leurs conditions initiales (article 10-7).
Désormais, les exploitants « veillent » à ce que la personne physique intervenant soit certifiée pour les activités de réparation d’une fuite (article 3-3). Le texte ne fournit pas de précision sur la façon d’y veiller mais cette exigence implique bien une obligation de s’assurer que son prestataire (personne intervenante), au-delà de la simple habilitation de l’entreprise, détient une aptitude pour la manœuvre en question.

Les différentes exigences relatives à la certification se situant à des positions diffuses et connaissant des cas d’exonérations (article 3-3 & 4, article 8, et article 10-11), il semble judicieux d’en faire un résumé.
Pour la quasi-totalité des équipements contenant des GESF, l’exploitant est soumis à l’obligation de « veiller » à la certification de l’entreprise et de la personne physique pour les activités d’installation, d’entretien, de maintenance, de réparation, de mise hors service et de récupération.
Mais quelques soucis de lectures du texte se présentent. Une confusion entre les articles 3-3 et 10-11 est observable : l’article 3-3 renvoie à l’article 4-2 qui permet d’exempter l’exploitant de l’obligation de vérification de la certification de l’entreprise prestataire, mais pas des personnes physiques intervenant pour les activités d’installation, d’entretien, de maintenance, de réparation et de mise hors service sur les appareils de commutation électrique et les équipements hermétiquement scellés, sauf si ces derniers remplissent l’une des conditions énumérées à l’article 4-1. A noter que cette exemption de vérification de la certification de l’entreprise prestataire est aussi valable pour les cycles organiques de Rankine et les unités de réfrigérations des camions.
Mais l’article 10-11 énonce au contraire que « toute entreprise » doit « s’assurer » de la certification de l’entreprise prestataire réalisant les activités d’installation, d’entretien, de maintenance, de réparation, de mise hors service et de récupération sur les équipements que la première détient. Dans ce cas, l’exemption de vérification de la certification de l’entreprise prestataire pour les exploitants d’appareils de commutation électrique et d’unités de réfrigération de camions tombe, sauf dans le cas où l’entreprise exploitante réalise les activités visées avec son propre personnel, sans prestataire.
Enfin, pour les appareils de commutations électriques et les unités de réfrigération des camions, la vérification de l’aptitude des personnes physiques pour la réalisation d’activités de récupération de GESF est obligatoire en vertu de l’article 8.
Bien que le texte de 2014 fasse référence aux règlements relatifs aux modalités de formation permettant d’obtenir une certification conforme, il insiste en son article 10 sur la marche à suivre et les exigences à respecter, ce qui traduit une volonté d’uniformiser le régime des pays de l’Union Européenne.
A cet égard, l’article 10-10 permet à une entreprise de reconnaitre une certification délivrée dans un autre Etat Membre.


Les interdictions d’utilisation de GESF :

Plusieurs interdictions d’utilisation de GESF sont mises en place pour l’avenir dans ce règlement, et certaines déjà en vigueur y sont reprises. Les interdictions d’utilisation vont de paire avec les interdictions de mises sur le marché dont le calendrier est dressé à l’article 11 et l’annexe III du règlement.
On observe une interdiction stricte d’utilisation du SF6 pour le moulage sous pression du magnésium et pour les activités de gonflage des pneumatiques.
Deux interdictions d’utilisation fondamentales sont à venir :
- Au 1er janvier 2020, tout GESF vierge à PRP supérieur ou égal à 2500 sera interdit pour l’entretien ou la maintenance d’un équipement ayant une charge supérieure ou égale à 40 tonnes équivalent CO2.
- Au 1er janvier 2030 : tout GESF à PRP supérieur ou égal à 2500 sera interdit pour l’entretien ou la maintenance d’un équipement dont la charge est supérieure ou égale à 40 tonnes équivalent CO2. Cette seconde catégorie fait référence aux GESF « recyclés ou régénérés » de l’article 13. Ces derniers disposent donc une autorisation de dix ans de plus que les autres GESF.
Ces exigences témoignent de la volonté de restriction, autant que possible, de l’utilisation des GESF, bien qu’il existe de rares exceptions pour certains équipements (appareils militaires par exemple).


Cas particulier de la mise sur le marché :

Le règlement introduit un système de réduction de la mise sur le marché des GESF par attribution de quotas. Les annexes V et VI déterminent la méthode de calcul et les quantités de quotas de mise sur le marché pour les producteurs, fournisseurs, distributeurs, etc. Comme indiqué dans le support du Mardi de la DGPR du 13 mai dernier, il convient de préciser qu’il s’agit des mises sur le marchés des GESF « en vrac » et de ceux importés dans des équipements préchargés.
L’objectif fixé est d’atteindre d’ici 2030 une réduction de 79% de la quantité de GESF mise sur le marché en 2012.
Les deux méthodes d’allocation et les conditions d’attribution de quotas de mise sur le marché (le « grandfathering » et la « réserve nouveaux entrants ») sont clairement détaillées dans le support du MEDDE (3). Par ailleurs, il existe une liste d’exemptions au système de quotas pour certaines activités relatives aux GESF (notamment en cas d’importation pour destruction).

Dans une optique de restriction de plus en plus stricte, certaines interdictions de mises sur le marché sont prévues sur le long terme à l’article 11 et à l’annexe III du règlement. Ces textes fixent un calendrier en fonction du type de GESF et/ou de leur PRP.
Cependant, il est important de noter qu’il n’existe pas d’interdiction de mise sur le marché pour les GESF permettant un « gain d’efficacité énergétique ». Cet élément inscrit à l’article 11-2 témoigne de l’esprit du texte. Et les deux exonérations temporaires (quatre ans) aux interdictions de mise sur le marché mises en place par l’article 11-3 sont importantes à mettre en avant, bien que leurs conditions d’acceptation soient relativement complexes :
- La première s’applique aux équipements spécifiques pour lesquels « il n’existe pas de solution de substitution » ;
- Et la seconde s’applique « lorsque le recours aux solutions de substitution techniquement possibles et sûres entrainerait des coûts disproportionnés ».
Enfin, l’article 11-4 pose une restriction de mise sur le marché indirecte à travers des conditions de vente à respecter. En effet, les entreprises ne peuvent vendre leur GESF qu’à des acheteurs certifiés ou dont le personnel est certifié pour les activités d’installation, d’entretien, de maintenance, et de réparation conformément à l’article 10. Et le MEDDE précise que « la vente des équipements non hermétiques préchargés ne sera autorisée que lorsqu’il sera établi que l’installation sera effectuée par une entreprise certifiée » (3). Au-delà du simple produit, l’interdiction de mise sur le marché s’attache donc également aux équipements qui en contiennent.
Cet article témoigne en outre de l’importance accordée à la certification des entreprises et du personnel manipulant les GESF abordée un peu plus tôt dans cet article.


Cas particulier des appareils de commutation électrique :

La majorité des appareils de commutation électrique ont pour caractéristique de contenir du SF6. Or, à ma connaissance, ce GESF n’a pour le moment pas de gaz de substitution. C’est pour cette raison que son cas présente des particularités dans la réglementation.
Tout d’abord, comme cela est inscrit à l’article 4-1 du règlement, les appareils de commutation électrique bénéficient d’une exemption de contrôle d’étanchéité s’ils remplissent une des trois conditions suivantes :
- Avoir un taux de fuite testé inférieur à 0,1% et avoir un étiquetage en conséquence,
- Etre muni d’un dispositif de contrôle de la pression ou densité,
- Ou contenir moins de 6kg de GESF.
Ensuite, les appareils de commutation électrique sont également exonérés de l’obligation de détenir un système de détection des fuites jusqu’en 2017. En effet, l’article 5-2 précise que ces équipements ne seront soumis à cette obligation qu’à partir du 1er janvier 2017, et uniquement pour les équipements contenant une charge supérieure ou égale à 500 tonnes équivalent CO2. De plus, la périodicité des contrôles à effectuer au titre de l’article 5 est allongée de douze mois à six ans pour ce type d’appareils (article 5-4).
Cependant, il convient de rester vigilant à la durée d’existence de ces exonérations qui sont limitées dans le temps.
Enfin, le personnel manipulant du SF6 et intervenant, par conséquent, sur les appareils de commutation électrique, est soumis à un régime de certification particulier, comme il l’a été démontré ci-dessus.




(1) Lynda BIRRIOU, La règlementation relative à l’exploitation d’appareillages de connexion à haute tension contenant du SF6, 12 août 2013, http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=1141 ;
(2) Lynda BIRRIOU, Les détenteurs d’équipement contenant des fluides frigorigènes face à la règlementation, 16 août 2013, http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=1156 ;
(3) Support de la présentation du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie disponible sur internet : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Mardi_DGPR_13_mai_2014_SITE_MEDDE.pdf ;