Rouler dans un véhicule électrique dit « écologique » ne signifie pas absence d’impact sur l’environnement.

C’est tout l’objet des trois avis rendus le 26 juin 2014 (1) par le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP), en tant qu’instance indépendante chargée de sanctionner les manquements aux règles déontologiques constatés après diffusion des publicités, a sanctionné trois publicités portant sur des véhicules présentés comme écologiques et propres.

Les plaintes déposées de manière distincte par l’association Observatoire du Nucléaire et la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT) visaient les sociétés de location de véhicules électriques Autolib’, Bluely et la société Renault pour son système de location de son modèle de véhicule électrique Zoé.

Concernant les sociétés Autolib’ et Bluely, étaient en cause les allégations « Ecologique », « propre » et « Ecologique et économique » avancées dans les publicités litigieuses. L’association Observatoire du nucléaire soutient qu’il est faux de prétendre qu’une automobile, qu’elle soit électrique ou non, est « écologique ». Pour soutenir ses propos, l’association démontre qu’en effet, tout véhicule a un impact sur l’environnement, qu’il s’agisse des matières premières et de l’énergie nécessaires à la construction, mais aussi des équipements utilisés, des déchets générés en fin de vie ou encore de l’énergie utilisée pour la motorisation. Bien que les sociétés se fournissent en électricité renouvelable, l’association relève que l’électricité ainsi produite est « injectée » dans le réseau électrique ordinaire, de sorte que le rechargement des batteries des véhicules électriques s’effectue indifféremment par de l’énergie renouvelable ou de l’énergie nucléaire.

Ainsi, bien qu’elle soit moins polluante, l’électricité renouvelable n’est pas pour autant « écologique ». Par ailleurs, le fait que le véhicule soit électrique ne résout pas pour autant le problème des autres pollutions, comme les pièces d’usure.

Pour son analyse, le JDP reprend le point 6/3 de la Recommandation Développement durable de juin 2009 de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui dispose que « dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable…), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que « contribue à » ».

Le JDP constate alors que les publicités litigieuses font état du caractère « écologique » des véhicules électriques loués, sans le moindre élément de relativisation ou de comparaison, elles méconnaissent donc le point 6/3 de la Recommandation précitée.
Le JDP tranche en faveur de l’association estimant que « l’utilisation de ce service induit nécessairement certains effets négatifs sur l’environnement, notamment les pièces d’usure des véhicules utilisés et l’électricité nécessaire à leur rechargement, dont il n’est pas établi qu’elle serait intégralement issue de sources renouvelables ».

S’agissant de la publicité de la société Renault en faveur du système de location de son modèle de véhicule électrique Zoé, le JDP a été saisi d’une plainte, cette fois, de la FNAUT. Etait en cause l’accroche publicitaire « Pour lutter contre la pollution, roulez en voiture » accompagnée d’une offre de location du véhicule et du texte « Renault Zoé. 100% électrique, 0% d’émissions** » avec un renvoi à la mention « ** De CO2 à l’usage (hors pièces d’usure) ».

La FNAUT considère que le slogan de la publicité contrevient à plusieurs dispositions de la Recommandation précitée relatives à la véracité des actions, à la proportionnalité et à la clarté des messages, à l’utilisation du vocabulaire, à la complexité du dispositif et à la responsabilité sociale. De manière générale, selon l’association plaignante, la publicité en cause comporte une promesse de développement durable sans porter sur les trois piliers du développement durable (environnemental, social/sociétal et économique).

Le JDP ne considère pas que la publicité litigieuse comporte une promesse globale en termes de développement durable, ni qu’elle contrevient aux dispositions de la Recommandation relatives à la véracité des actions et la proportionnalité des messages. Ainsi, il constate qu’un consommateur moyen et raisonnablement attentif à cette publicité, ne saurait être induit en erreur ni sur la nature de la pollution atmosphérique, ni sur le sens principal du message qui tend seulement à promouvoir l’utilisation d’un véhicule électrique.

Par ailleurs, le JDP souligne que la publicité n’induit « nullement l’idée que les véhicules électriques n’auraient aucun impact négatif sur l’environnement dès lors, d’une part qu’il s’agit de « lutter » contre la pollution, et non de la « supprimer », et d’autre part, qu’il est précisé que l’absence d’émissions de CO2 se réfère à l’utilisation du véhicule, hors pièces d’usure, et non, à l’ensemble de son cycle de vie ou à la production de l’électricité nécessaire à son rechargement ».

En revanche, le JDP met en cause la clarté et le vocabulaire du message. En effet, le Jury relève que le slogan n’est nullement relativisé en ce sens que « la supériorité alléguée des véhicules électriques sur les véhicules à moteur thermique en termes d’incidence environnementale est formulée dans des termes très généraux et ne s’accompagne d’aucune précision, notamment, quant à la base de comparaison utilisée ».

Enfin, le JDP considère que la publicité, en incitant les consommateurs à rouler en voiture électrique pour moins polluer alors qu’il existe de nombreux autres moyens de transports reconnus comme étant moins nocifs pour l’environnement (comme les transports en commun ou le vélo), véhicule un message contraire aux principes communément admis du développement durable.
Par conséquent, ladite publicité méconnait les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

Ce n’est pourtant pas la première fois que le JDP sanctionne ce type de publicité. En effet, en septembre dernier (2) plusieurs campagnes de publicité de constructeurs automobiles, laissant à penser que les véhicules électriques n’avaient pas d’incidences sur l’environnement, avaient été censurées au motif, notamment, qu’elles étaient de nature à induire en erreur le public quant aux propriétés du produit vendu. Plus récemment encore, le JDP s’était déjà prononcé en faveur de l’association Observatoire du nucléaire en avril dernier concernant la mention « écologique » inscrit systématiquement sur les voitures électriques en libre-service à Bordeaux (3). Mais, n’observant aucun changement du groupe Bolloré, à qui appartient la société de location, l’association a annoncé déposer plainte pour publicité mensongère au début du mois de juillet (4).




(1) Décisions JDP n° 320/14 ; 324/14 et 235/14 du 26 juin 2014
(2) Décisions JDP n° 262-13 ; 263/13 ; 265/13 et 266-13 du 18 septembre 2013
(3) Décisions JDP n°304/14 du 2 avril 2014
(4) Annonce visible sur le site internet de l’Observatoire du Nucléaire : http://observ.nucleaire.free.fr