Les glissades et autres chutes de plain-pied sont des risques professionnels comme le risque chimique ou le stress au travail. Ils doivent notamment faire l’objet d’une prévention adaptée afin de réduire les risques de perte d’équilibre et les accidents. Identifier les facteurs qui se combinent pour provoquer l’accident permet d’aménager l’environnement et l’organisation du travail pour sécuriser le salarié.

I- Le panorama chiffré des chutes de plain-pied et des chutes de hauteur

Selon les statistiques de l’INRS, plus de 200 000 heurts, glissades, coincements ou autres perturbations du mouvement occasionnent chaque année des accidents du travail avec arrêt. Les cas d’accidents survenus de plain-pied et les accidents avec dénivellation ont représenté en 2008 :
- 227 598 accidents, soit 32% des accidents avec arrêt
- 14 131 accidents entrainant une incapacité permanente, soit 32% des accidents avec arrêts avec incapacité permanente
- 13 333 867 journées perdues par incapacité temporaire, soit 36% des journées perdues à l’occasion des accidents avec arrêt
- 27 accidents mortels, soit 5% des accidents du travail avec arrêt mortels


En ce qui concerne les chutes de hauteur, elles représentent la deuxième cause d’accidents mortels après les accidents de circulations. En effet, ce risque de chute est représenté par un taux de gravité élevé. Il est essentiellement présent lors de travaux en hauteur ou de travaux à proximité d’un dénivellement. Les accidents résultants de chutes de hauteur ont été responsables de 58 décès en France en 2010. Ils représentent sur la même année 16,6% du nombre total de journées de travail perdues par incapacités temporaire, alors qu’ils ne représentent que 11,4% du nombre total des accidents du travail.

La démarche de prévention des risques de chute de hauteur doit s’articuler autour des principes généraux de prévention que l’employeur doit mettre en place pour répondre à son obligation de résultat.

Ainsi, pour assurer la sécurité et protéger les personnes qui effectuent des interventions en hauteur, le chef d’établissement doit mettre en œuvre une démarche de prévention. Plusieurs points devront être impérativement suivis tels que la conception des lieu de travail sécurisé, l’utilisation des installations existantes si elles sont adaptés, mettre à disposition des équipements de travail appropriés, modifier le lieu de travail de façon pérenne pour travailler en toute sécurité, former et informer le personnel sur les consignes de sécurité et l’utilisation des équipements et bien sûr s’assurer de l’adéquation des moyens et de leur conformité aux règles techniques applicables.

II- Le cadre jurisprudentiel

Dans un arrêt récent du 3 juin 2014, la Cour de Cassation rappelle que l'employeur manque à son obligation de sécurité lorsqu'il met à disposition d'un salarié un équipement temporaire, en l'espèce un escabeau, s'il ne peut prouver que les conditions de son utilisation, la fréquence et la durée des tâches à accomplir ne présentent pas un danger particulier pour le salarié.

En effet, un chauffeur-livreur, employé par une société de transport, a été victime d'un accident du travail lors du déchargement d'un camion. Il avait perdu l'équilibre et reçu sur lui des bacs de courrier, alors qu'il descendait du hayon élévateur de son camion par temps de pluie au moyen d'un escabeau mis à sa disposition par son employeur pour pallier la panne de la télécommande prévue pour actionner la montée et la descente du hayon. Il décide ainsi de poursuivre en justice l'un des gérants de la société de transport pour blessures involontaires et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs.
Le gérant est toutefois relaxé par le Tribunal, jugement confirmé par la Cour d'Appel qui estime que l'escabeau utilisé ne présente aucun danger intrinsèque. Le salarié décide alors de former un pourvoi devant la Cour de cassation, qui casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel.

Elle considère en effet que le fait de ne pas avoir recherché les modalités d'utilisation de l'escabeau, pour adapter les mesures de prévention constitue une faute de la part de l'employeur.

Ainsi, ce n'est pas parce que l'escabeau mis à disposition "comportant trois marches et haut de soixante-dix centimètres, et exempt de défectuosité susceptible d'avoir affecté son équilibre, ne présentait en lui-même aucun risque dans son utilisation", que l’employeur n'est pas responsable de l'accident qu'il a causé. Il était en effet nécessaire de rechercher si l'escabeau "ne présentait pas, pour ce salarié, un danger particulier de déséquilibre par temps de pluie, qu'il convenait de prévenir, compte tenu de la différence de niveau entre le hayon et l'escabeau, ainsi que de la fréquence et de la durée des tâches à accomplir".

En d'autres termes, même si l'escabeau n’est pas intrinsèquement dangereux pour le salarié, l’employeur doit mettre en place des mesures pour rechercher et prévenir les risques liés à ses conditions d'utilisation, risques qui peuvent notamment être dus aux conditions météorologiques.


Il est à noter que les dispositions légales ou réglementaires du Code du travail prises pour la sécurité des travailleurs s'appliquent, non seulement aux locaux où s'exerce habituellement l'activité professionnelle de l'employeur, mais aussi à tous les chantiers extérieurs sur lesquels les préposés de l'employeur interviennent sur instructions de celui-ci. Cela a été rappelé dans un arrêt de la Cour de Cassation, en chambre criminelle le 11 octobre 1994.


L’employeur est responsable de plein droit de ses salariés, car ils sont liés entre eux par le contrat de travail. En effet en dehors de toute violation d'une règle légale ou réglementaire portant prescription en matière d'hygiène et de sécurité, un chef d'entreprise peut être poursuivi du chef d'homicide ou d'atteinte involontaire à l'intégrité physique, s'il a manqué à son obligation générale de sécurité.

Dans une autre décision en date du 6 mai 2014, la Cour de cassation est venue préciser qu'en cas de manquement à l'obligation de sécurité des travailleurs, la responsabilité pénale des entreprises n'est pas automatique. Elle ne peut en effet être reconnue que si le manquement a été commis par une personne physique identifiable agissant comme organe ou représentant de la personne morale.
La Cour de cassation a confirmé le 31 août 2011, la condamnation d’un dirigeant de société pour homicide involontaire, à la suite de la chute mortelle d’un salarié depuis un pylône électrique d’une hauteur de 12 mètres. La Cour de cassation a considéré que le dirigeant, en optant pour l’utilisation d'une échelle avec équipement de protection individuelle (EPI) comprenant un harnais et une ligne de vie, alors qu'une installation collective de type nacelle était possible et que la tâche à accomplir présentait des risques de chute pouvant être mortels, avait commis une faute caractérisée ayant causé indirectement le dommage.



En ce qui concerne le droit de la victime/salariée, il dispose en amont d’un potentiel accident du droit de retrait. Ce dernier ne s'exercera que lorsque le risque est cumulativement « grave » et « imminent ». Toutefois, dès lors que le salarié aurait un motif raisonnable de penser que le danger va se concrétiser de façon imminente, il sera fondé à se retirer de la situation dangereuse au titre de ses prérogatives générales. Par ailleurs, l'initiative des salariés dans le domaine du droit de retrait subsiste mais semble s'estomper au profit d'une intervention de l'inspecteur du travail. Ce dernier peut soustraire un salarié d'une situation de travail dangereuse en cas de risque de chutes de hauteur ou d'ensevelissement.

De plus, tout accident de plain-pied, même bénin, doit être consigné systématiquement et de manière détaillée dans le registre d’accidents à des fins de prévention. L’employeur est responsable de ce registre. L’obligation de sécurité résultat de l’employeur est très contraignante. Cette obligation est prévue par l’article L 4121-1 du code du travail, qui dispose que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »


Le chef d’établissement doit ainsi assurer l’effectivité de cette obligation de résultat et ce avec une prévention encore plus accrue que cela concerne des risques de chutes de plain-pied ou des risques d’incendie ou d’explosion.