La problématique « déchets » dans le secteur du bâtiment (partie 1)
Par Anne GIRAUD-LASSERRE
Juriste immobilier NEXITY
Eleve avocate - EFB
Posté le: 06/08/2014 11:26
Pour l’année 2008, les déchets issus des chantiers de bâtiment et travaux publics représentaient en France approximativement 254 millions de tonnes, produites au gré des constructions, déconstructions et réhabilitations d’ouvrages (1).
Cette même année, le secteur du bâtiment en lui-même représentait près de 40 millions de tonnes de déchets.
La prévention, la valorisation et l’élimination des déchets de chantier sont, par conséquent, de plus en plus encadrées, et de nombreux guides des bonnes pratiques sont mis à disposition des entreprises.
I – HISTORIQUE
L'élimination des déchets en France est réglementée explicitement depuis une loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération de matériaux.
Cette réglementation a été modifiée par la loi du 13 juillet 1992 (dite « loi Royal ») instaurant un renforcement du contrôle des décharges et la limitation des déchets acceptés dans celles-ci.
Vint ensuite, en 1994, l'obligation de valoriser les emballages, puis en 1997 l’obligation de classification des déchets, modifiée en avril 2002.
A l’échelle de l’Union européenne, la nouvelle directive cadre "déchets" du 19 novembre 2008 est venue renforcer les objectifs de valorisation des déchets afin de réduire deux méthodes de traitement : l’enfouissement et l’incinération.
Cette directive fixe un objectif de réemploi/recyclage pour les flux de déchets dits « inertes » issus de la construction : atteindre un taux de 70 % d’ici 2020.
Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, trois engagements concernaient directement les déchets du bâtiment :
► engagement n° 256 : rendre obligatoires les audits préalables aux chantiers de démolition de bâtiments. Cet engagement visait à favoriser l’anticipation dans la production de déchets, par une caractérisation des matériaux présents et une explicitation des modes possibles de tri, recyclage et gestion.
Cet engagement est explicitement repris dans les lois Grenelle Environnement 1 et 2 (respectivement articles 46 et 190).
► engagement n° 257 : mise en place d’un "instrument économique affecté" pour encourager la prévention de la production de déchets du BTP et leur recyclage.
Cet engagement, sur le contenu duquel travaillait un groupe animé par les pouvoirs publics avec la participation de professionnels du secteur, s’est traduit par plusieurs propositions (aides aux maîtres d’ouvrages, à l’investissement d’infrastructures de valorisation, etc.) dont quelques-unes ont été introduites dans la loi de finances 2009 (augmentation de la taxe sur l’extraction de granulats par exemple).
► engagement n° 258 : rendre obligatoires et concertés les plans de gestion des déchets du BTP.
La loi Grenelle 2 a rendu les plans de prévention et de gestion des déchets du BTP obligatoires et en a confié l'élaboration aux Conseils généraux. L'article L. 541-14-1 du Code de l'environnement (2) exige que chaque département soit " couvert par un plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiment et des travaux publics". Il précise, en outre, que "la région d’Île-de-France est couverte par un plan régional".
II – CLASSIFICATION DES DÉCHETS
Dans le but de valoriser au maximum les déchets de chantier, et afin de limiter leur impact, tant économique qu’environnemental, il est impératif de trier les différents types de déchets et de prévoir, en conséquence, l'organisation globale du chantier.
Avant toutefois de pouvoir trier les déchets, il convient d’être en mesure de les identifier.
Qu’est-ce précisément qu’un déchet ?
Le Code de l’environnement les définit à l’article L. 541-1-1 comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ».
L’article R. 541-8 (3) du même code fait mention, pour sa part, des catégories de déchets existantes :
► « Déchet dangereux : tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés de dangers énumérées à l'annexe I au présent article. Ils sont signalés par un astérisque dans la liste des déchets de l'annexe II au présent article.
► Déchet non dangereux : tout déchet qui ne présente aucune des propriétés qui rendent un déchet dangereux.
► Déchet inerte : tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n'est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d'une manière susceptible d'entraîner des atteintes à l'environnement ou à la santé humaine (pierres naturelles, terre et matériaux de terrassement, céramique, matériaux de démolition inertes (bétons, tuiles, briques, parpaing…), verre ordinaire, etc.
► Déchet ménager : tout déchet, dangereux ou non dangereux, dont le producteur est un ménage.
► Déchet d'activités économiques : tout déchet, dangereux ou non dangereux, dont le producteur initial n'est pas un ménage.
► Biodéchet : tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires ».
Notons que les déchets dangereux doivent être emballés et étiquetés de façon particulière, accompagnés du bordereau de suivi des déchets dangereux, puis confiés à des éliminateurs agréés.
NB : la Fédération française du bâtiment (FFB) a mis en place, aux fins d’aider les producteurs de déchets du secteur à mieux trier, un site particulier (4) dédié à cette problématique.
Des pictogrammes, destinés à être apposés sur les bennes situées sur les chantiers qui recueillent les déchets, sont ainsi mis à la libre disposition des entreprises. Ces pictogrammes indiquent par des couleurs vives, donc repérables au premier coup d’œil, la catégorie dont relève le déchet : vert pour les déchets inertes, orange pour les déchets non dangereux non inertes, rouge pour les déchets dangereux et bleu pour les déchets de filière spécifique (lampes, déchets électriques et électroniques etc…).
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Références :
(1) http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr
(2) Depuis l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets.
(3) L’annexe II de l’article R. 541-8 du Code de l'environnement donne une liste non exhaustive d’éléments pouvant entrant dans la catégorie des déchets et justifiant un traitement, dès lors qu’ils répondent à la définition du déchet telle qu’énoncée à l’article L. 514-1-1.
(4) Site de la fédération française du bâtiment consacré aux déchets : www.dechets-chantier.ffbatiment.fr