La loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, a pour objectif d’accroitre la responsabilité des donneurs d’ordre et des maîtres d’ouvrage ayant recours, de manière générale, à des sous-traitants. Ayant pour objectif de lutter contre le travail illégal, elle impose, par ailleurs, de nouvelles conditions au détachement des salariés ainsi qu’en matière de transport routier.

Concernant son champ d’application, la loi concerne tous les secteurs d’activité professionnelle, quel que soit le type de contrat mis en place, en cas de recours à des entreprises extérieures. La seule exception à ces nouvelles obligations concerne les particuliers ayant recours à des prestataires de service pour leur usage personnel.

I) La responsabilité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage en matière de santé et sécurité au travail
Le texte impose une obligation de vigilance du donneur d’ordre ou maître d’ouvrage à deux niveaux :
- En matière d’hébergement ;
- En matière d’application de la législation du travail.

A) En matière d’hébergement
Dès lors que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est informé par écrit par un agent de contrôle (compétent en matière de travail illégal selon l’article L8271-2 du code du travail) du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante (directe ou indirecte) sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine au sens du code pénal, il a l’obligation de lui enjoindre aussitôt par écrit de faire cesser sans délai la situation.

A défaut de régularisation de la situation, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés dans des conditions conformes aux exigences réglementaires applicables en matière d’hygiène, santé et sécurité (R4228-26 et suivants du code du travail). Il devient donc débiteur de cette obligation.

B) En matière d’application de la législation du travail
Un mécanisme similaire est prévu.
Dès lors que le donneur d’ordre ou le maitre d’ouvrage est informé (par écrit) par un agent de contrôle d’une infraction aux dispositions légales et/ou conventionnelles applicables aux salariés d’un sous-traitant direct ou indirect, il est tenu de mettre en demeure, par écrit, le sous-traitant de faire cesser la situation sans délai.

Le texte précise les infractions visées, soit 9 thèmes :
- Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
- Discriminations et égalités professionnelles entre les hommes et les femmes ;
- Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité…
- Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
- Exercice du droit de grève ;
- Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, travail de nuit des jeunes travailleurs ;
- Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
- Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
- Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants.

Le sous-traitant informe, par écrit, le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre de la régularisation de la situation, ce dernier transmet une copie à l’agent de contrôle.

En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai qui sera fixé en Conseil d’Etat, le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle.

Le même dispositif est prévu en cas d’information écrite par un agent de contrôle du non-paiement en tout ou partie du salaire minimum légal ou conventionnel dû aux salariés du sous-traitant ou cocontractant (ou encore le cocontractant d’un sous-traitant). Il appartient alors au donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, d’enjoindre aussitôt par écrit au sous-traitant ou cocontractant de régulariser la situation.

En cas de réponse écrite ou d’absence de réponse par le sous-traitant, les dispositions vues précédemment s’appliquent.

C) Sanctions en cas de travail dissimulé ou illégal
Pour les infractions précédemment énoncées, les donneurs d’ordre ou maitres d’ouvrage peuvent voir leurs responsabilités pénales engagées, en tant que complices ou coauteurs.

Le texte instaure une peine complémentaire en cas de condamnation pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, marchandage et prêt illicite de main d’œuvre : la juridiction compétente pourra ordonner la diffusion du jugement en cas de condamnation, pour une durée maximale de 2 ans, sur un site internet du Ministère du travail dédié.

Ainsi, il existera une sorte de liste noire, publiée sur ledit site internet, sur laquelle pourront figurer les entreprises ayant été condamnées pour ces types d’infractions.
D’autres dispositions sont prévues sur le plan de la procédure pénale et la constitution de toutes associations ou syndicats professionnels en tant que partie civile.

II) Le détachement des salariés

En cas de détachement temporaire en France de salariés par un employeur établi à l’étranger, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage a l’obligation, préalablement au détachement, de vérifier auprès du prestataire de service, que celui-ci s’est bien acquitté de ses nouvelles obligations légales, à savoir :
- L’envoi de la déclaration administrative à l’inspecteur du travail du lieu où débute la prestation, préalablement au détachement (L1262-2-1 I du code du travail) ;
- La désignation d’un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec l’administration (L1262-2-1 II code du travail).

En application des nouveaux articles L1264-1 et suivants du code du travail, le non-respect, par l’employeur concerné ou le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre, de ces obligations est passible d’une amende administrative, dont le montant sera modulable par l’autorité administrative en fonction de la gravité du manquement, du comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges (dans la limite d’un plafond de 2000€ par salarié détaché et de 4000€ en cas de réitération dans l’année).

Par ailleurs, une copie de la déclaration administrative de l’employeur étranger devra être annexée au registre du personnel de l’entreprise d’accueil, et devra désormais figurer dans le bilan social des entreprises de 300 salariés et plus, le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis.

III) Dispositions diverses

A) Le repos des conducteurs routiers
La loi interdit la prise du repos hebdomadaire normal à bord du véhicule pour les conducteurs routiers. Ainsi, en application de l’article L 3313-3 du code des transports, l’employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme à ces dispositions. Par conséquent, si le repos journalier ou hebdomadaire de moins de 24 heures peut être pris dans la cabine du camion, la prise du repos hebdomadaire normal de 45 heures n’est pas elle autorisée à bord du camion.

Sera puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende, le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leurs temps de repos hebdomadaire normal. Le conducteur routier salarié ne peut donc pas être poursuivi pour ce délit.

Par ailleurs, est aussi sanctionné pénalement, le fait de rémunérer, à quel titre et sous quelle forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume de marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions aux règles relatives aux durées de repos et de conduite.

B) Concurrence déloyale dans les marchés publics
A noter, enfin l’article L241-1 du Code des assurances qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs est complété au deuxième alinéa. Il prévoit dorénavant l’obligation pour tout candidat à l’attribution d’un marché public de détenir une attestation d’assurance décennale.