Le mercredi 7 mai 2014, à la demande de la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, il a été procédé au démontage de la bâche publicitaire Apple de 110 m2 qui ornait la façade de la place des Vosges, à Paris. De nombreux monuments historiques en travaux restent toutefois recouverts par des affichages publicitaires dans les villes françaises, à Paris sur le Palais de justice quai des Orfèvres (775 m2 de bâche publicitaire Apple), place Vendôme, place de l’Opéra, etc., à Lyon, place Bellecour ou encore à Cannes face au palais des Festivals. On retrouve également ces publicités dans de nombreuses villes européennes.

Cette méthode permet de récolter les fonds, parfois très conséquents, nécessaires à la restauration des monuments. Mais ceci, déplorent les détracteurs, au détriment des paysages.

Affubler des monuments historiques - parfois emblématiques - d’immenses enseignes publicitaires, est-ce légal ?

La réponse est oui. Depuis un décret de 2007 (1), l’article R. 621-86 du Code du patrimoine l’affirme : « l’autorisation d’affichage […] peut être délivrée à l’occasion de travaux extérieurs sur des immeubles classés ou inscrits nécessitant la pose d’échafaudage. »

C’est donc dans le respect de la réglementation que sont exposées ces enseignes publicitaires sur des monuments historiques en travaux.
Il semblerait toutefois que les restrictions mentionnées à l’article R. 621-90 du même code, imposant que l’affichage n’excède pas 50 % de la surface totale de la bâche, qu’il soit enlevé à la fin de l’utilisation effective des échafaudages mais aussi que les travaux soient situés en extérieur ou que les sommes retirées soient intégralement dédiées à la rénovation du bâtiment ne soient pas toujours respectées. Sur la place des Vosges par exemple selon l’association Résistance à l’agression publicitaire, les travaux étaient en intérieur et la publicité est restée en place une fois les travaux achevés.

Les grandes enseignes publicitaires auraient-elles donc le champ libre pour s’installer où bon leur semble ?

L’autorisation d’affichages publicitaires accordée par le code du patrimoine constitue une exception aux dispositions du code de l’environnement qui dans son article L. 581-8 précise qu’à l’intérieur des agglomérations, la publicité est interdite : 1° Dans les zones de protection délimitées autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés ; 5° : A moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire ou mentionnés au II de l’art. L. 581-4. Il ne peut être dérogé à cette interdiction que dans le cadre d’un règlement local de publicité.

Sachant ce qu’il en est des monuments classés, quid de la réglementation générale en matière d’affichage publicitaire ?

La réglementation des affichages publicitaires a été réformée et renforcée en profondeur à la suite du Grenelle de l’environnement par la loi Grenelle II (2) de 2010 portant engagement national pour l’environnement, et notamment pour la protection des paysages.

En application de cette loi a été édicté le décret (3) du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes, mettant en œuvre la réforme de la réglementation applicable à la publicité extérieure. Le texte a fait l’objet de vives critiques par de nombreuses associations de protection de l’environnement et des paysages. Ces dernières dénonçaient notamment la primauté des intérêts économiques au détriment des apports écologiques du décret, qui n’apportait finalement que très peu de changements et qui rendait dérisoire la menace planant sur les professionnels de la publicité. Les associations avaient même dénoncé un « assassinat du Grenelle de l’environnement ».

C’est dans ce contexte que l’association de protection de l’environnement « Paysages de France », puis les associations « France Nature Environnement » et « Agir pour les paysages » ont demandé la suspension du texte devant le juge des référés du Conseil d’Etat au motif notamment que le texte supprimait toutes les règles de surface et de hauteur applicables aux grandes enseignes scellées au sol ou installées directement sur le sol, ce qui était de nature créer un doute sérieux quant à sa légalité et qui qualifiait la condition d’urgence. Les associations avaient été entendues par la Haute juridiction administrative qui suspendait une partie du décret par une ordonnance du 8 juin 2012 (4). Un décret rectificatif était prononcé le 1er aout 2012 (5), rétablissant la limitation de format des enseignes en modifiant les articles R. 581-64 et suivants du Code de l’environnement.
Article R. 581-65 : I. - La surface unitaire maximale des enseignes mentionnées à l'article R. 581-64 est de 6 mètres carrés. Elle est portée à 12 mètres carrés dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants.

Il faut toutefois attendre avril 2014 pour qu’une décision judiciaire soit prise à l’encontre de panneaux publicitaires illégaux. Le tribunal d’instance de Mâcon a en effet condamné une société d’affichage publicitaire à payer à l’association France Nature Environnement (FNE) et sa fédération départementale 14 500 € de dommages et intérêts chacune, montant justifié, selon le tribunal, par le fait que la société « ne pouvait ignorer le caractère illicite » de ses panneaux. Le 17 avril 2014, c’est une société de motos qui a dû verser 1200 € à FNE pour avoir installé des panneaux publicitaires illégaux en Saône-et-Loire. Une première victoire pour les associations de protection de l’environnement et du paysage, à relativiser toutefois, ces dernières soulevant qu’en Saône-et-Loire, de très nombreux affichages publicitaires et enseignes illégaux continuent à être relevés. La plupart d’entre eux ont toutefois été démontés ou sont en cours de démontage suite à l’intervention du préfet, qui est désormais compétent en la matière.

La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’Etat en matière de d’affichage publicitaire a été également été prévue par la loi Grenelle II et précisée par le décret du 30 janvier 2012. C’est désormais au préfet que revient la compétence de principe, laissant au maire la possibilité d’agir dans le seul cas où existe une réglementation locale.


(1) D. n° 2007-645 du 30 avril 2007
(2)  L. n°2010-788, 12 juil. 2010 portant engagement national pour l’environnement
(3) D. n° 2012-118, 30 janv. 2012, JO 31 janv. 2012
(4) Ord. CE n° 359570, 8 juin 2012
(5) D. n° 2012-448, 1er aout 2012