Le polluant émergent ou «micropolluant» est un sujet qui a pris de l’ampleur depuis les dix dernières années. Malgré la qualité des systèmes d’assainissement, certaines substances parviennent dans les eaux avec les eaux usées urbaines et artisanales ou à partir de sources diffuses (telle l’agriculture).

Le polluant émergent est définit par réseau Européen NORMAN (Network of reference laboratories for monitoring the emerging environmental pollutants) (un des projets du 6e Programme Cadre de Recherche et de Développement) (1) comme une substance que l'on trouve dans l'environnement au fur et à mesure de l'amélioration de la surveillance et des techniques analytiques. Les polluants émergents que l'on trouve actuellement sont : les stéroïdes, les médicaments (antibiotiques, hormones), les produits de dégradation de détergents non ioniques, les désinfectants, les phtalates, les retardateurs de flamme, les antioxydants, etc. Ils se caractérisent par leurs effets à long terme sur la santé, comme l'apparition de cancers, en raison de leur accumulation et de leur persistance, même à très faibles doses. Ils sont généralement dépourvus de statut réglementaire.

Il existe quelques cas emblématiques de la reconnaissance des effets négatifs de ceux-ci. Tel est le cas du Diclofenac, qui aurait entrainé le déclin de la population de vautours en Asie, de l’invermectine ayant des effets sur les invertébrés ou encore l’ethinylestradiol avec ses effets ostrogéniques sur les espèces aquatiques. De plus, une fois présents dans l'environnement, ces polluants subissent différentes transformations. Les polluants parents vont disparaître au profit de photoproduits ou métabolites. Leurs comportements environnementaux et leurs profils écotoxicologiques sont alors très différents de ceux des molécules parents. Il est de ce fait difficile de connaître la persistance ou la dégradation des polluants émergents dans l'environnement du fait de leur décomposition ou de leur bio-transformation.

La qualité des eaux constitue un enjeu majeur en France. Les polluants dits « émergents » présentent des risques potentiels ou avérés à court et long termes pour les écosystèmes. Ce ne sont pas, à ce qu’on pourrait penser, des molécules nouvelles mais uniquement des molécules « nouvellement recherchées ». En effet ce n’est que récemment qu’on a eu connaissance de l’impact de ceux-ci sur notre santé et sur l’environnement. Bien que des techniques d’analyses fiables soient disponibles, elles présentent des limites dans le cas de faibles concentrations de ces polluants et de mélanges dans des matrices complexes. D’autre part, ces techniques ne prennent pas en compte les interactions possibles entre substances et elles ne sont pas parfaitement au point pour des mesures en continu.

I. Un enjeu réglementaire et environnemental

Au niveau réglementaire, une quarantaine de substances d'origine industrielle, domestique, agricole ont été définies comme prioritaires ou dangereuses prioritaires dans le cadre de la directive européenne sur l'eau (DCE). Les résidus médicamenteux pourraient être ajoutés à la liste en cours de modification.

Au niveau national, des substances pertinentes à surveiller ont été identifiées. Leur liste fait également l'objet d'une mise à jour cyclique.
Dans les programmes de surveillance actuels, les nanomatériaux sont laissés pour compte. Toutefois, des études sont en cours pour mesurer la présence des nanoparticules dans les milieux aquatiques. Plus on identifie de manière précoce un risque, plus on a de chance de tendre vers une maîtrise de ce risque.

L'entrée en vigueur de la directive cadre sur l'eau en 2000 a accru l'intérêt porté à cette problématique. Le contexte réglementaire est favorable au développement des connaissances en la matière.

La Directive cadre sur l'eau, le Plan national santé environnement II, le Grenelle de l'environnement (Loi du 3 août 2009 : Article 30: « surveillance renforcée pour mieux évaluer les impacts des pollutions historiques, mais aussi des pollutions émergentes »),la Directive Eau Potable de 1998 (limites et références de qualité), la Directive Environnement de 1976 (substances dangereuses - listes I & II) attachent une importance particulière au bon état des eaux et à la restauration des milieux aquatiques.

L’Union européenne a cependant besoin de plus de données pour la mise en œuvre de nouvelles directives pour prévenir et gérer la pollution des milieux aquatiques. Les nouvelles recherches initiées devraient permettre d’acquérir des connaissances sur le comportement et la dangerosité des substances présentes dans les milieux, mais aussi sur leur contrôle et les méthodes de réduction de cette pollution. En effet, nous n’avons, pour l’instant, que peu d’information sur certaines substances ou tout simplement aucun moyen de contrer les substances identifiées et connues qui sont de ce fait dites « émergentes ».

Pour l’heure, la directive cadre sur l'eau (DCE) impose, en effet, aux Etats membres le bon état des masses d'eau à l’horizon 2015 et la non-dégradation de l'existant. Elle impose par la même la réduction progressive des rejets de substances prioritaires, c'est-à-dire celles présentant un risque significatif pour l'environnement aquatique et la suppression des substances "dangereuses prioritaires", c'est-à-dire celles qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), le tout d’ici 2021. L’annexe VIII de la Directive Cadre mentionne, par ailleurs, les substances pharmaceutiques dans sa liste indicative de polluants et la Commission réfléchit à l’intégration du suivi de ces nouvelles substances dans la DCE.

L'identification des micropolluants et leur traçage peut permettre de mieux les éliminer en amont au niveau industriel, ou de les faire disparaitre grâce à l'utilisation de produits alternatifs moins polluants ou biodégradables.
Un appel à projets s’inscrivant dans la politique de Recherche-Développement-Innovation a été mise en œuvre par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), les six Agences de l’eau et le Ministère du développement durable, pour la période 2013-2018. Il s’inscrit également dans le cadre du plan national d’actions 2010-2013 lancé par le ministère pour mieux connaître et lutter contre la contamination des milieux aquatiques par les micropolluants.

II. Privilégier les méthodes préventives

Les polluants émergents sont de nature chimique ou biologique. Ils peuvent être d'origine industrielle, agricole, domestique ou naturelle. Deux grandes voies d'entrées dans l'environnement ont été identifiées par la recherche : les sources ponctuelles (rejets de stations d'épuration, d'assainissement non collectif, d'hôpitaux, d'industries) ou diffuses (épandage de fumier, de lisier, de boues…).

Comme le souligne le ministère de l'Ecologie, « la stratégie de réduction des substances dans l’eau vise une approche globale, en agissant sur l’ensemble du cycle de vie des micropolluants, et en privilégiant les logiques préventives aux logiques curatives, notamment au niveau de la mise sur le marché ». La réglementation des micropolluants passe donc aussi par des directives sectorielles comme la directive IPPC, remplacée par la directive IED, ou la directive cadre pour une utilisation durable des pesticides (2009/128).

Sont aussi concernés les textes relatifs à la classification et à la mise sur le marché des substances tel que le règlement 1107/2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ou la directive 98/8 relative à la mise sur le marché des produits biocides, règlement REACH ou encore le règlement CLP.
Adopté par l’Union européenne fin 2006, le règlement « REACH » établit un cadre unique pour l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques. Ce système vise à assurer une plus grande sécurité dans le domaine de la fabrication et de l'utilisation des substances chimiques.
Des mesures prises à la source, qui régissent donc la mise en circulation, l’utilisation et l’élimination des substances en cause, permettent de réduire les apports de micropolluants.

Pour lutter efficacement contre les micropolluants, la meilleure solution reste donc de réduire les rejets à la source. C’est la moins coûteuse, et la plus simple à mettre en œuvre.

En attendant la mise en place d’une meilleure alternative, il est aussi possible de créer des collectes spécifiques, ou des stations d’épuration locales. Il sera ainsi plus facile de traiter sur place les effluents d’une usine agroalimentaire plutôt que de les mélanger à ceux de la collectivité.
Il existe trois procédés de traitement actuellement pour éliminer les micropolluants qui sont la rétention par filtration sur membrane permet de capter les résidus médicamenteux, l’ozonation, un traitement chimique par oxydation qui désactive les pesticides et les organismes pathogènes et enfin l’adsorption sur charbon actif, qui permet de fixer certains antibiotiques et produits utilisés par l’imagerie médicale.
D’autres procédés naturelles sont envisageables tel que la Géofiltration - procédé qui combine le pompage d’eau souterraine chargée en éléments indésirables, la réalimentation artificielle de la nappe et le pouvoir filtrant des sols – afin d’imiter la nature et de limiter l’impact des effluents sur la ressource. C’est ainsi qu’a été créée la zone Libellule en août 2009 en Languedoc-Roussillon qui est un espace tampon humide et végétalisé qui permet de développer la biodiversité et de réduire les micropolluants en abritant des plantes qui vont filtrer et épurer les eaux à la sortie de la station d’épuration.

Bien que ces méthodes se développent au fur et à mesure des des avancées technologiques, les polluants émergents continuent, quant à eux de se répandre au fil de l'eau.

La Ministre de l'écologie, face à cette problématique, a présenté une communication sur la réforme de la politique de l'eau, le 23 juillet 2014 en Conseil des ministres, relative aux mesures destinées à renforcer l’efficacité de la politique de l’eau.

Ségolène Royal expliquait en Conseil des ministres que "l'objectif que la France s'est fixé de bon état écologique pour deux tiers de ses eaux de surface en 2015 ne sera pas atteint, et qu'il faut donc réagir".
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Sources :

-(1) : Glossaire sur l’eau, service public, Eau France
-Polluants émergents : un risque pour les eaux souterraines, Baran, Togola, Amalric
- SUBSTANCES EMERGENTES, POLLUANTS EMERGENTS DANS LES DECHETS : ANALYSE ET PROSPECTIVE; Marcoux, Mathias, Olivier; Ecogeos
- Plans nationaux d’actions : Micropolluants 2010-2013 ; Assainissement 2012-2018 ; Résidus de médicaments dans les eaux 2011, ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.
- ECHIBIOTEB = Méthodologies innovantes pour l’analyse chimique et biologique des substances des eaux traitées et boues (ANR ECOTECH 2010), coordonné par Irstea et mené en collaboration avec université de Bordeaux 1, Suez-Environnement, INERIS, université Paris-Sud, Envolure.
-http://www.mat-environnement.com/