La controverse sur le Bisphénol A (BPA), au même titre que le médiator ou encore l’amiante, est emblématique des problématiques qui se posent actuellement, concernant les dangers pour la santé de certaines molécules.

Le Bisphénol A est définit par le dictionnaire Larousse comme une dénomination courante de deux diphénols obtenus par condensation du phénol avec l'acétone, utilisés dans la fabrication des résines phénoliques et époxydiques (1).
Le BPA (Bisphénol A) est donc un composé chimique utilisé pour la fabrication de plastiques rigides de type polycarbonates et de résines époxy. Il est présent dans de nombreux récipients au contact des produits alimentaires tels que la vaisselle, les tupperware (polycarbonates), les bouteilles recyclables, le film plastique, le vernis et les films de protection des canettes (résine époxy).
La principale source d’exposition au bisphénol A serait alimentaire par le passage dans l’aliment ou la boisson à partir des polymères en plastiques et résines époxy, utilisés pour les emballer. Ce passage de l’emballage à l’aliment est accentué par le chauffage du plastique. L’exemple le plus probant est celui du tupperware aux micro-ondes, celui-ci ayant chauffé, il transmet le bisphénol A dans les aliments.

Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien avec une activité œstrogénique. Il est considéré comme une molécule cancérigène, mutagène et reprotoxique, c’est-à-dire entraînant une diminution de la production de sperme, augmentant le volume de la prostate et altérant le développement de la morphologie vaginale et du cycle œstrogénique. D’autres études ont suggéré qu’il pourrait être à l’origine du diabète de type 2, ainsi que des anomalies enzymatiques du foie. L'Autorité européenne pour la sécurité des aliments (Efsa) estime que l'exposition au bisphénol A devrait être divisée par 10 par rapport aux recommandations actuelles.

Le BPA a longtemps été évalué sans danger pour des doses dérisoires présentes dans les produits mais suite aux différentes études alarmistes sur le sujet, le Parlement français a définitivement voté, jeudi 13 décembre 2012, une proposition de loi interdisant le bisphénol A dans les contenants alimentaires. Interdit depuis le 1er janvier 2013 pour les contenants alimentaires de denrées destinées aux enfants de moins de 3 ans, le bisphénol A le sera pour tous les contenants alimentaires à partir du 1er janvier 2015 (I). Se pose dès lors la question de sa substitution (II).


I. L’élimination du bisphénol A du marché lié à son caractère endocrinien

La loi (n°2012-1442) du 24 décembre 2012 suspend depuis le 1er janvier 2013, la commercialisation de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A pour son caractère endocrinien.

La perturbation endocrinienne se caractérise non pas par un effet toxique direct mais par une modification du système de régulation hormonale susceptible de provoquer un effet toxique. Les perturbateurs endocriniens se définissent par conséquent en fonction de mécanismes d’action et non de leurs propriétés chimiques intrinsèques. Un perturbateur endocrinien est une molécule qui mime, bloque ou bouleverse l’action d’une hormone, ce qui perturbe le fonctionnement normal d’un organisme. C'est ce qui a, en outre, motivé l'adoption par le Parlement européen, le 14 mars 2013, d'une résolution « sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens ».

Lors de la réunion du Conseil national de la transition écologique, le 29 Avril 2014 dernier, Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, a présenté la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens (2). La stratégie présentée, lors de cette journée, tourne autour de trois mesures de travail.
Dans un premier temps, les entreprises de distribution et grande distribution ainsi que les banques sont invitées à éliminer dès cette année le bisphénol A des tickets de caisse et des tickets de retrait d'argent. Parallèlement, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) devront renforcer la protection de la santé des enfants par des contrôles plus réguliers sur la composition des jouets, afin que ceux contenant des phtalates et du bisphénol A soient progressivement retirés du marché. Enfin l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est, quant à elle, invitée à poursuivre ses travaux de recherche afin de savoir si de nouvelles substances aujourd'hui suspectées d'être des perturbateurs endocriniens, devront être interdits. Il s'agit notamment du méthylparabène, de l’acide orthoborique, du BHA, du DINCH et du DEHTP, tous présents dans des produits de consommation courante comme les cosmétiques, les produits d’hygiène, les jouets, les adhésifs et les médicaments (3).

II. La substitution progressive du bisphénol A

Le bisphénol A présente une alternative très intéressante par sa transparence proche de celle du verre, sa résistance aux chocs, notamment pour des objets à usage fréquent ou de protection et présente la caractéristique d’être relativement léger.
Les nouveaux emballages, résultant de nouveaux procédés vont coûter plus chers, sont compliqués et sont incertains (4). Ainsi, le BPA, par son utilisation dans le polycarbonate représente un enjeu majeur de l’économie européenne. Sa remise en cause pour toxicité menace les entreprises, et entraînerait également un processus coûteux de reconversion des industries concernées, afin de le bannir de notre environnement.
Si l’on interdit le bisphénol A, par quoi le remplacer ?

Dans certains cas, il existe des modèles en verre et en polypropylène qui permettront une substitution parfaite mais pour d’autres produits où le verre n’est pas envisageable, il faut trouver une substitution n’ayant pas d’effets sur la santé. Ceux-ci nécessitent la mise en place de nouvelles molécules, de nouveaux composés. Reste à prouver la sécurité sanitaire de ces substituts. Il n’existe pas aujourd’hui un produit universel pouvant se substituer à l’ensemble des usages du bisphénol A, mais il existe des alternatives pour plusieurs usages.

La France a initié une démarche au niveau européen pour demander la suppression du bisphénol, processus qui devrait déboucher à la fin 2015. Pour préparer l’entrée en vigueur des interdictions, Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a souhaité lancer un label volontaire « sans bisphénols », qui pourra prochainement être délivré aux entreprises ayant déjà substitué cette substance. Ce label garantirait ainsi la fabrication et la qualité du produit destiné à la vente.

A l’heure actuelle, la France aurait la législation la plus contraignant d'Europe exigeant le retrait du commerce les emballages et récipients alimentaires contenant du bisphénol A.

Le 8 juillet 2014 à Romainville (93), le think tank Adebiotech a organisé un colloque sur les perturbateurs endocriniens. Cette manifestation est l’occasion de partager sur les besoins de service en biotechnologies, de débattre sur les connaissances, et de faire le point sur la réglementation en vigueur et en devenir en la matière.


SOURCES :

(1) : Dictionnaire Larousse
(2) : Réunion du Conseil national de la transition écologique et présentation de la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens
(3) : www.environnement-magazine.fr
(4) : http://www.service-public.fr/actualites/003099.html