L’objectif de la dépollution, lorsqu'elle s'inscrit dans un projet immobilier, est la remise en état du site pour un usage prédéterminé autorisant l’implantation « sans danger » d’un programme de construction à usage d’habitation, de bureaux, de commerces...

Afin de garantir dans le temps un usage du site conforme à l’état du sol, des restrictions d’usage sont de plus en plus souvent attachées au foncier, à raison de la présence résiduelle de substances polluantes, dans le but de conserver la mémoire du site et d’informer les futurs acquéreurs et/ou locataires, de l’usage autorisé sur le terrain.

Le Guide ministériel relatif à la mise en œuvre des restrictions d’usage applicables aux sites et sols pollués (1) reconnaît cinq outils, constitutifs de restrictions d’usage :

- la servitude d’utilité publique (SUP),
- le porter à connaissance (PAC),
- le projet d’intérêt général (PIG),
- la restriction d’usage conventionnel au profit de l’Etat (RUCPE),
- la restriction d’usage entre parties (RUP).

Ce guide établit en un faisceau d’indices permettant de choisir l’outil le plus approprié, sur le fondement de quatre critères :

- Le DÉLAI : des délais courts encouragent à recourir à la servitude d’utilité publique sans enquête publique ou à la restriction d’usage conventionnel au profit de l’Etat ;
- Le NOMBRE DE PROPRIÉTAIRES CONCERNÉS s’il est élevé, la restriction d’usage entre parties sera complexe à mettre en œuvre. Il vaudra mieux dès lors se tourner vers la SUP avec enquête publique ou le projet d’intérêt général.
- L’OPPOSITION OU NON DES PROPRIÉTAIRES : l’opposition des propriétaires ne permet pas la mise en œuvre de solutions conventionnelles. Il faut alors recourir à la SUP ou au PIG.
- La DÉFAILLANCE DE L'EXPLOITANT : dans ce cas, il convient de privilégier la servitude d’utilité publique sans enquête publique, le projet d’intérêt général ou la restriction d’usage entre parties.

Seront étudiées dans cet article les deux restrictions d’usage les plus fréquemment employées : tout d'abord, la servitude d’utilité publique (avec ou sans enquête publique), puis la restriction d’usage entre parties.

I – LA SERVITUDE D’UTILITÉ PUBLIQUE

a) Définition

La servitude d’utilité publique constitue une limitation administrative du droit de propriété et d’usage du sol, en raison de la présence de substances polluantes au sein de celui-ci.

b) Procédure de mise en place

La SUP est mise en place sur demande du maire de la commune concernée, de l’exploitant, du propriétaire du terrain (depuis 2013 seulement) ou à l’initiative du préfet.

L’inspection des installations classées doit être saisie afin de formuler son avis sur le projet de SUP, et ce avant que le préfet ne détermine la consistance de cette dernière.

La SUP peut être mise en place avec enquête publique ou avec une simple consultation écrite, en lieu et place de l’enquête publique, lorsque le nombre de propriétaires concernés est réduit ou les surfaces limitées.

NB : dans l’hypothèse de terrains aménagés puis revendus à des promoteurs, la réalisation d’une enquête publique, plus lourde et longue, ne peut être évitée et se complique considérablement à mesure que la commercialisation du programme débute, et que le nombre de propriétaires de lots situés sur le terrain pollué s’accroît.

Le préfet détermine le contenu de la SUP et l’institue par arrêté préfectoral, après examen du rapport de l’inspection des installations classées, lequel est soumis au Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Ce dernier peut recevoir la personne à l’origine de la demande d’institution d’une SUP pour entendre ses remarques sur le rapport de l’inspection des installations classées (2).

c) Avantages de la SUP

Cette dernière constitue un outil positif au regard de la sécurité juridique. Elle doit en effet être publiée à la conservation des hypothèques mais surtout annexée au plan local d’urbanisme, dans un délai de 3 mois suivant l’arrêté préfectoral l’instituant, afin de permettre la diffusion de l’information au plus grand nombre et une véritable transparence envers le public quant au niveau de pollution.

Elle est en outre pérenne, et permet de contourner l’opposition éventuelle de certains propriétaires, dès lors que les résultats de l’enquête publique (menée par un commissaire enquêteur, sous le contrôle de l’inspection des installations classées et du préfet) sont positifs.

d) Inconvénients

Sur un plan opérationnel, lorsqu’elle nécessite une enquête publique, au regard du nombre de propriétaires concernés et de la surface de foncier impliquée, l’institution de la SUP peut être longue (environ un an en pratique).

Sur un plan financier, l'Indemnisation des propriétaires est à la charge de l’exploitant ICPE, lorsque l’institution des servitudes leur cause un préjudice direct, matériel et certain.


II – LA RESTRICTION D'USAGE ENTRE PARTIES

a) Définition et procédure de mise en œuvre

La restriction d’usage entre parties est en réalité une « simple » convention de droit privé. Elle s’établit entre deux personnes privées, par exemple le propriétaire du terrain et l’exploitant ICPE lorsqu’il cesse son activité, ou encore entre le propriétaire et son acquéreur, futur propriétaire du site.

Son objectif est le même que celui de la SUP : limiter le droit de propriété et d’usage du sol, en raison de la présence de substances polluantes au sein de celui-ci.

b) Avantages et inconvénients

La restriction d'usage entre parties est plus rapide à mettre en place que la SUP, lorsque cette dernière nécessite une enquête publique.

En revanche, elle assure une moins grande diffusion de l’information puisqu’elle ne doit pas être annexée aux documents d’urbanisme mais seulement publiée à la conservation des hypothèques.

Enfin, elle ne peut surmonter l’opposition des propriétaires puisqu’elle se fonde justement sur la volonté contractuelle des parties à l’acte.



En conclusion, précisons que si la restriction d’usage entre parties est plus aisée à mettre en œuvre, en ce qu’elle repose sur la volonté de personnes privées, la servitude d’utilité publique reste l’outil recommandé par le guide ministériel précité, à raison notamment de la sécurité juridique qu’elle procure.

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Références :

(1) Publié en janvier 2011 par le ministère de l’Ecologie.
(2) Pour les modalités précises d’institution des SUP, voir au sein du Code de l’environnement les articles L. 515-9 et R. 515-31-1 et suivants.