I – PRÉSENTATION DES RÉSEAUX DE CHALEUR

Les réseaux de chaleur permettent d’utiliser des énergies nouvelles renouvelables (1) ou de récupération (2) afin d’approvisionner en eau chaude et chauffage des bâtiments. Le développement de ces réseaux de chaleur pourrait être l’un des vecteurs permettant à la France d’atteindre les objectifs souhaités pour 2020 en matière d’énergie et de lutte contre le changement climatique.

Le plan climat-énergie européen adopté en 2008 visait en effet un objectif dit des « 3x20 » à savoir diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, réduire de 20 % la consommation d'énergie, atteindre 20 % d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique d'ici 2020.

Le gouvernement vise par conséquent la multiplication par trois du nombre de réseaux existants d’ici 2020 (3).

Ces réseaux sont mis en place à l’échelle des collectivités territoriales, lesquelles peuvent décider d’engager une procédure de classement du réseau ayant pour effet de rendre obligatoire le raccordement des installations de bâtiments neufs, ou faisant l’objet de travaux de rénovation importants, excédant un niveau de puissance de 30 kilowatts et situés dans des secteurs préalablement définis dits « périmètres de développement prioritaires ».

II – PROCÉDURE DE CLASSEMENT DES RÉSEAUX DE CHALEUR

A) MODALITÉS

Les articles L. 712-1 à L. 712-3 du Code de l’énergie encadrent la procédure de classement des réseaux de chaleur (et de froid).
La décision de classement auparavant dévolue au préfet relève, depuis la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, de la compétence des collectivités (ou groupements de collectivités) pour lesquelles le classement constitue un « outil de planification énergétique » selon les termes du ministère de l’Ecologie.

La procédure de classement a plusieurs avantages :

- Elle constitue tout d’abord un vecteur de coordination pour la mise en œuvre de la planification énergétique,

- Elle permet ensuite, en tant qu’elle rend obligatoire le raccordement au réseau de toute nouvelle construction située dans le « périmètre de développement prioritaire » d’amortir sur le long terme le coût élevé des installations à énergie renouvelable, ou de récupération,

- La chaleur ou le froid produits sont, en outre, soumis à une réduction de TVA de 5,5% puisqu’issus de sources d’énergie renouvelable ou de récupération.

Elle se divise en plusieurs étapes, dont la première nécessite la concertation du public afin d’informer les habitants de la commune sur le territoire de laquelle le réseau pourrait être implanté. Il revient au propriétaire (ou au futur exploitant du réseau) de constituer le dossier de demande de classement, contenant les engagements dont il sera débiteur auprès de la collectivité.

Pour assurer la meilleure diffusion possible du classement du réseau, la décision de classement doit être publiée au recueil des actes administratifs des collectivités territoriales concernées (et mentionnée dans deux journaux régionaux ou locaux. En outre, le classement doit apparaître en annexe du plan local d’urbanisme du territoire concerné (4).

Selon les textes applicables à la procédure de classement des réseaux de chaleur et de froid (5), le classement ne peut être obtenu qu’à trois conditions :

- Le réseau est alimenté au moins à 50% par des énergies renouvelables ou de récupération :

- Un comptage des quantités d’énergie livrées par point de livraison est mis en œuvre, afin de permettre une facturation au plus proche des consommations réelles et l’identification des besoins éventuels d’amélioration des performances du réseau de distribution ;

- L’équilibre financier de l’opération, apprécié au vu des besoins à satisfaire, de la pérennité de la ressource utilisée, et des conditions tarifaires prévisibles pendant la période d’amortissement des installations, est assuré.


B) CONSÉQUENCES

Seule la procédure de classement permet de rendre le raccordement au réseau obligatoire. Le classement est essentiel pour éviter que, sur le fondement du droit de la consommation, l’utilisateur final du bâtiment ne se retourne contre le promoteur ayant imposé, au travers des actes de vente des logements, un raccordement au réseau de chaleur ou de froid, sans que celui-ci ne soit classé.

La cour administrative d’appel de Paris a ainsi considéré dans un arrêt du 17 mars 2009 (6) que les dispositions d’une concession ayant pour effet « d’imposer de manière générale aux promoteurs et constructeurs qui souhaitent réaliser un immeuble à l’intérieur du périmètre de la concession, de se raccorder au réseau de chaleur et de froid […] et d'obliger toutes personnes qui décideraient d'acquérir lesdits immeubles, à souscrire, pour une durée indéterminée, un abonnement auprès de la société concessionnaire du service » portent atteinte au principe général de la liberté contractuelle, une telle obligation étant réservée et limitée « aux seuls réseaux de chaleur et de froid ayant fait l’objet d’un classement ».

Les dérogations à l’obligation de raccordement aux réseaux de chaleur classés visent à permettre au maitre d’ouvrage de choisir une solution plus performante que ces derniers.

Les motifs de dérogation sont cependant limités à quelques hypothèses, notamment celles où les besoins de la zone à desservir ne peuvent être assurés par l’intermédiaire d’un réseau de chaleur, ou encore lorsque les tarifs de raccordement fixés dans la décision de classement prise par la collectivité, ne peuvent finalement être mis en œuvre par l’exploitant du réseau, pour des motifs de viabilité économique.

Notons, pour conclure, que le refus de raccordement à un réseau dûment classé expose son auteur à une amende d’un montant de 300 00 euros (7).

* Références :

(1) A savoir les énergies éoliennes, solaires, géothermique, aérothermique, hygrothermiques, marines et hydrauliques ainsi que les énergies issues de la biomasse, des gaz de décharge ou de stations d’épuration d’eaux usées.

(2) A savoir la fraction non biodégradable des déchets ménagers ou assimilés, des déchets des collectivités, des déchets industriels, des résidus de papeterie et de raffinerie, les gaz de récupération (mines, cokerie, haut-fourneau, acierie, et gaz fatals) et la récupération de chaleur sur eaux usées ou de chaleur fatale à l’exclusion de la chaleur produite par une installation de cogénération pour la part issue d’énergie fossile.

(3) Ministère de l’Ecologie, Guide pratique de la procédure de classement des réseaux de chaleur et de froid, janvier 2013.

(4) Article R. 123-13 du Code de l’urbanisme.

(5) Articles L. 712-1 à L. 712-5 du Code de l’énergie, articles 5 et 7 de la loi du 15 juillet 1980, décret n°2012-394 du 23 mars 2012 et arrêté du 22 décembre 2012 relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid.

(6) CAA Paris 17 mars 2009 n°07PA01173.

(7) Article L. 712-5 du Code de l’énergie.