I. Contexte


Ces dernières décennies, une augmentation de certaines maladies et troubles hormonaux a été constatée chez l'être humain. Puberté précoce, baisse de la qualité du sperme, affaiblissement du système immunitaire ou encore multiplication des malformations génitales, ainsi que nombre de pathologies diverses pour lesquels les chercheurs interrogent une relation possible avec des effets perturbateurs endocriniens.

Les perturbateurs endocriniens ont pris la dimension d'enjeu de santé publique lorsqu'au début des années 90 plusieurs études ont permis d'établir que la concentration spermatique avait décliné au cours des 50 dernières années.

Par ailleurs, un impact sur l'environnement, et en particulier sur la faune a été observé : féminisation de populations de poissons, développement d'organes génitaux mâles chez des femelles de gastéropodes marins, diminution du nombre d'espèces de batraciens, etc.

Qu'est ce qu'un perturbateur endocrinien ? La définition la plus communément admise est celle proposée en 2002 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)  : « Un perturbateur endocrinien potentiel est une substance ou un mélange exogène, possédant des propriétés susceptibles d'induire une perturbation endocrinienne dans un organisme intact, chez ses descendants ou au sein de (sous) populations [...] ».

A quoi peut être due l'exposition aux perturbateurs endocriniens ? L'exposition à ces substances peut être due à un contact direct avec des produits ou objets les contenant, par absorption orale, cutanée ou par inhalation. En effet, certains perturbateurs endocriniens sont présents dans de nombreux produits et articles d'usage quotidiens, d'origine naturelle ou industrielle, comme les biberons ou encore certains médicaments. L'exposition peut aussi être causée par un contact indirect, via l'environnement (eau, air, sol) lorsque celui ci est lui même contaminé par des perturbateurs endocriniens, en particulier par des rejets dus aux activités humaines.

De quelle manière peuvent agir les perturbateurs endocriniens ? Ces substances peuvent agir isolément ou en combinaison avec d'autres substances et présentent des mécanismes de toxicité particuliers.

Les perturbateurs endocriniens peuvent être de nature extrêmement variée. Ils peuvent être d'origine naturelle ((hormones et phytoestrogènes) ou être une conséquence des activités humaines, substances chimiques industrielles telles que des plastifiants (exemple : le bisphénol A), produits phytosanitaires, hydrocarbures aromatiques, mais aussi médicaments ; ont été diagnostiqués comme perturbateurs endocriniens de nombreux produits médicamenteux dont notamment des anticancéreux ou des œstrogènes naturels et synthétiques (pilule contraceptive).


En perturbant le système endocrinien, ces substances peuvent altérer chez l'individu touché différents processus tels que la production, l'utilisation et le stockage de l'énergie et plus largement la régulation du métabolisme et le développement. Certaines de ces substances peuvent par ailleurs avoir d'autres effets toxiques, notamment sur la reproduction, et nuire à la fertilité ou perturber le développement du fœtus.

Concernant les effets, de nombreux effets attribués aux perturbateurs endocriniens ont été observés au cours d'études expérimentales chez l'animal. Toutefois, elles soulèvent la question de l'extrapolation des effets à l'homme, notamment pour des expositions à des faibles concentrations. En effet, il a été démontré que certains effets perturbateurs endocriniens n'apparaissent qu'à de très faibles niveaux de concentrations.
De plus, la sensibilité aux perturbateurs endocriniens peut varier selon les périodes de la vie. C'est notamment le cas de la période du développement foeto-embryonnaire, des nourrissons et des jeunes enfants qui présentent une sensibilité accrue à ces substances. C'est pourquoi l'analyse des effets des perturbateurs endocriniens doit faire l'objet d'une attention toute particulière.


II. L'intervention des pouvoirs publics


Cette prise de conscience a amené les pouvoirs publics ainsi que l'ensemble du secteur de la santé et de l'environnement, à l'échelle nationale et communautaire, à inscrire cette problématique parmi les priorités dans ce domaine santé/environnement. C'est ainsi qu'ont été mis en œuvre l'interdiction du bisphénol A dans les biberons dans certains pays ainsi que différents projets de loi visant à limiter l'utilisation de certaines substances à potentiel effet perturbateur endocrinien.

En France, la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) a été adoptée, mardi 29 avril 2014, par le Conseil national de la transition écologique.
Cette stratégie vise à adopter une démarche française motrice dans la préparation d'une stratégie de la Commission européenne sur les perturbateurs endocriniens.

Ses principaux objectifs visent en premier lieu la réduction de l'exposition de la population et de l'environnement aux perturbateurs endocriniens et en second lieu la croissance de la recherche industrielle en la matière par le biais de démarches de substitutions des substances dangereuses par des alternatives viables un moteur de l'innovation.

La SNPE est fondée sur quatre axes :

- Recherche, valorisation et surveillance ;

- Expertise sur les substances ;

- Réglementation et substitution des perturbateur endocriniens ;

- Information des professionnels et du grand public

Dans cet optique, la France demande en priorité l'adoption d'une définition harmonisée d'un « perturbateur endocrinien ». En effet, il est important de remarquer qu'en matière de produits chimiques, l'essentiel de la réglementation est communautaire, c'est pourquoi un cadre bien défini par l'Union européenne est essentiel.

Le 14 mars 2013, un Rapport d'initiative du Parlement européen avait constaté notamment un défaut d'harmonisation de la réglementation européenne en matière de perturbateurs endocriniens et invité la Commission européenne a présenter, dans les meilleurs délais, des propositions de critères généraux fondés sur la définition de perturbateurs endocriniens.

Enfin, le 17 juin 2014, la Commission européenne, suite aux pressions exercées par plusieurs États membres dont la France, a publié une feuille de route ouvrant des pistes pour définir les perturbateurs endocriniens, dans le cadre des règlements biocides et pesticides. La Commission présente quatre options de choix de critères. Ces quatre propositions sont critiquées par certains qui déplorent que l'abandon de l'approche basée sur le danger au profit de l'évaluation du risque des perturbateurs endocriniens constituerait un retour en arrière par rapport aux règlements biocides et pesticides.

Il est important de souligner l'urgence de dimension économique de l'adoption d'une mesure relative aux perturbateurs endocriniens, caractère d'urgence mis en lumière par une étude publiée par l'Alliance pour la santé et l'environnement (Heal), une ONG européenne, qui a estimé que les pathologies liées à l'exposition aux perturbateurs endocriniens coûtent aux Etats membres 31 milliards d'euros par an.