Berlin envisage d'autoriser, sous conditions, la fracturation hydraulique. De fait, l'Allemagne ouvrirait ainsi la voie à l'exploitation du gaz de schiste présent dans son sous-sol, selon des informations publiées par le 'Financial Times' du 5 juin 2014. Le pays pourrait ainsi lever l'an prochain son moratoire, mis en place en 2013 sous la pression de l'opinion publique allemande. Le quotidien financier britannique cite un courrier adressé par le ministre de l'Economie, Sigmar Gabriel, à une commission du Bundestag. Selon cette lettre, les autorisations de forage seraient soumises au préalable à l'approbation des autorités régionales de contrôle de l'eau, ainsi qu'à une évaluation environnementale. Il y est indiqué que ses services et ceux du ministère de l’Environnement travaillent à l’élaboration d’un cadre juridique à l’exploitation du gaz de schiste. Une nouvelle loi encadrant les enquêtes environnementales avant forage sera présentée par le gouvernement avant les vacances d'été, précise Monsieur Gabriel.


Tout le monde y a vu un aval déguisé à la fracturation hydraulique. En fait, dans son courrier, le ministre parle d’imposer à chaque projet potentiel «un examen de compatibilité environnementale» et l’accord des autorités en charge de l’eau.

Remplacer le gaz russe

L’industrie allemande réclame la possibilité d’exploiter cette richesse, y voyant un moyen de réduire la facture énergétique allemande. A cela s’ajoute aujourd’hui une dimension géostratégique, avec la crise ukrainienne, et les risques d’approvisionnement en gaz russe.

Les brasseurs allemands demandent aux autorités de lancer une étude sur les produits chimiques ajoutés à l'eau et au sable pour fracturer la roche et évacuer le gaz car l'eau pure est un ingrédient majeur de la bière aux côtés du houblon.

Le gaz de schiste est à nouveau sujet de débat en Allemagne où il suscite l'opposition des fabricants de bière.


L'Allemagne disposerait de 2 300 milliards de m3 dans les Etats du Nord, un potentiel certes inférieur à celui de la Pologne ou de la France, en Europe, mais tout de même digne d'intérêt, à l'heure où l'Allemagne, qui a tourné le dos au nucléaire, paie très cher son électricité éolienne et solaire et doit paradoxalement brûler de plus en plus de charbon très polluant ; à l'heure aussi d'une crise de l'Europe avec la Russie, où l'Allemagne réalise qu'elle est devenue un peu trop dépendante du gaz russe, un tiers de son approvisionnement aujourd'hui.

Les industriels sont en majorité favorables à l'exploitation du gaz de schiste, ils espèrent que lancer cette nouvelle source d'énergie domestique ferait encore baisser le prix, la chimie allemande est particulièrement enthousiaste, le gaz étant à la fois leur matière première et une source d'énergie.

En revanche, l'idée d'exploiter les gaz de schiste n'est pas du goût de l'industrie allemande de la bière, particulièrement importante dans ce pays. Car il faudrait fracturer la roche profondément sous les nappes phréatiques, et l'eau pure, c'est un ingrédient majeur de la bière aux côtés du houblon et de l'orge. C'est pourquoi les brasseurs allemands demandent aux autorités de lancer une étude sur les adjuvants, les produits chimiques ajoutés à l'eau et au sable pour fracturer la roche et évacuer le gaz.

La nouvelle législation est en préparation en Allemagne, sur l'exploitation des gaz de schiste devrait être prête d'ici la fin de l'année. Elle prévoit, entre autres, d'interdire la fracturation hydraulique dans les zones où la qualité de l'eau est protégée. Pas sûr que cela suffise à calmer l'angoisse des brasseurs, au pays des 5 000 bières.

L’exploitation du gaz de schiste rencontre de nouveaux opposants : les brasseurs allemands. Dans une lettre envoyée à six ministres du gouvernement d‘Angela Merkel, la fédération "Brauer-Bund", qui regroupe la majorité des professionnels de la bière, demande que le projet de loi présenté en février et destiné à réguler l’usage de la fracturation hydraulique soit repoussé. Les brasseurs estiment que cette méthode d’extraction – susceptible de polluer les nappes phréatiques – pourrait menacer leurs ressources en eau et, en bout de chaîne, la qualité de la boisson.

Le texte prévoit d’autoriser "sous conditions" le seul procédé utilisé à ce jour dans l’extraction du gaz de schiste : la fracturation hydraulique. La méthode consiste à injecter sous très forte pression de l’eau, du sable et des produits chimiques dans les sous-sols afin de briser la roche et libérer le gaz.

LE "DÉCRET SUR LA PURETÉ DE LA BIÈRE" MENACÉ

Pour les défenseurs du gaz de schiste, les craintes des brasseurs sont infondées : les géants du pétrole et du gaz assurent que les forages n’atteignent pas la profondeur des nappes. Mais une étude menée par l’université américaine de Duke en juillet 2012 montre qu’entre les réserves d’eau et celles de gaz de schiste des conduites souterraines existent. Le risque de pollution n’est donc pas écarté.


Dans le doute, le projet de loi élaboré par le gouvernement allemand prévoit d'interdire la fracturation hydraulique dans les zones riches en eau potable. Une précaution qui ne suffit pas à rassurer l’industrie de la bière. "Plus de la moitié des brasseurs utilisent des puits situés en dehors des zones qui seraient protégées par la loi", indique un porte-parole de la fédération Brauer-Bund.


Or, dans le premier pays producteur de bière en Europe, la pureté de la bière est une affaire d'Etat. Depuis cinq cents ans, sa fabrication est régie par "le décret sur la pureté de la bière". Respectée par la majorité des brasseurs, cette règle impose que seuls du houblon, du malt, de la levure et de l’eau pure entrent dans la composition du breuvage. Une pollution des nappes phréatiques pourrait briser cette loi séculaire.

Outre-Rhin, les brasseurs ne sont pas les seuls à s’opposer à la fracturation hydraulique. Jusqu’à présent, l’utilisation de cette technique, interdite en France depuis la loi du 13 juillet 2011, était soumise à l’approbation des Etats-régions. Or, dans ceux qui disposent des sous-sols riches en gaz de schiste, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Basse-Saxe, la population y est profondément hostile et les autorisations n’ont jamais été accordées.

Pour autant, le gouvernement allemand n’entend pas renoncer à une réserve de gaz qui, selon l’institut fédéral de géologie et des ressources naturelles, pourrait atteindre 2 300 milliards de mètres cube, soit trente fois la consommation du pays pour la seule année 2011. Face à ces perspectives, des compagnies comme Exxon Mobil ou l’allemand BASF pressent le gouvernement d’agir. Le patronat allemand voit, lui, dans le refus de la fracturation hydraulique un frein économique.

Malgré tout, le projet de loi sur la fracturation hydraulique ne devrait pas être présenté avant les élections législatives de septembre. Le Bundesrat, le conseil fédéral allemand, a déjà indiqué qu’il n'approuverait la fracturation hydraulique que si "une modification durable de la qualité de l'eau pouvait être exclue de façon non équivoque".


Source : AFP