Si le droit de la construction est un domaine créant beaucoup de litiges et de ce fait de jurisprudence, il est rare qu’une juridiction soit amenée à se prononcer sur de la démolition. C’est pourtant ce qu’a du faire le Conseil d’État dans une décision du 14 Mai 2014 req n°359847.

En l’espèce, une société avait effectué auprès de l’administration une demande de permis de construire au titre de l’article L421-1 du code de l’urbanisme. Cette demande avait été tacitement acceptée et la SCI a donc commencé à effectuer les travaux. Cependant, les travaux avaient pour finalité l’extension et la surélévation d’une maison d’habitation et cela nécessitait la démolition d’une partie du toit de la structure tout comme certaines façades. Suite à cela, plusieurs personnes on demandé l’annulation de ce permis de construire, arguant que la maison était située dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et que cela induisait la nécessité de l’octroi d’un permis de démolir. Le permis de démolir est une autorisation administrative prévue dans le code de l’urbanisme aux articles R. 421-27 et R. 421-28.

En première instance, la demande des requérants a été rejetée par le Tribunal administratif de Poitiers. Les demandeurs ont donc fait appel de la décision. La cour administrative d’appel de Bordeaux leur a par la suite donné raison et le litige a été porté devant le Conseil d’État.
Le problème de droit était précisément de savoir dans un premier temps quelle était la qualification d’une opération de démolition, et ensuite de savoir si l’opération litigieuse nécessitait un permis de démolir.



I- Règlementation relative à la démolition


L’article R421-27 du code de l’urbanisme définit lui-même les cas nécessitant un permis de démolir : « Doivent être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction située dans une commune ou une partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instituer le permis de démolir ».

De plus, l’article R421-28 de ce même code oblige un propriétaire voulant démolir entièrement ou partiellement un ouvrage situé dans une zone protégée, ou bien un ouvrage inscrit au titre des monuments historiques ou adossée à un immeuble classé au titre des monuments historiques à suivre la procédure de demande de permis de démolir.
Le code de l’urbanisme prévoit des exceptions à cette procédure, notamment concernant les démolitions d’ouvrages intéressant la défense nationale, de lignes électriques et de canalisations, ou encore celle effectuées en vertu du code de la construction et de l'habitation sur un bâtiment menaçant ruine ou en application du code de la santé publique sur un immeuble insalubre.

Il existe cependant une procédure simplifiée quand la demande de permis de démolir intervient dans le cadre d’une construction et c’est sur ce fondement que va tenter de s’appuyer la société en l’espèce.

II- La nécessité de l’octroi d’un permis de démolir en l’espèce


La SCI dans la décision du Conseil d’État s’appuie sur la lettre de l’article L451-1 du code de l’urbanisme qui énonce que « Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition. »

Cependant le Conseil d’État ne va pas s’arrêter à cela. En effet comme vu dans la première partie, les démolition de constructions se trouvant dans une zone protégée, ou bien un ouvrage inscrit au titre des monuments historiques ou adossée à un immeuble classé au titre des monuments historiques doivent obligatoirement faire l’objet d’un permis de démolir.

Dans ce type de situation, le code de l’urbanisme offre au demandeur du permis de construire deux solutions, soit il accompagne sa demande de permis de construire d’une justification de dépôt de permis de démolir, soit sa demande devra porter à la fois sur le permis de construire et sur le permis de démolir.

Or en l’espèce ce n’était pas le cas, la demande de permis de construire ne mentionnait aucunement un permis de démolir. De ce fait et au vu de l’ampleur des démolitions induites par le projet, le Conseil d’État a annulé le permis de construire. Il est intéressant de noter que ce permis avait de plus été tacitement accordé, l’administration n’avait donc pas respecté son délai d’instruction et cette faille liée à un nombre important de dossiers laisse soucieux des atteintes au droit de l’urbanisme qui peuvent avoir lieu.


ref:

- code de l'urbanisme

- légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000028934618&fastReqId=1555159686&fastPos=1

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