La gestion des espaces urbains et péri-urbains est une préoccupation environnementale sans cesse marquée par des techniques toujours plus à la pointe de la technologie et qui tendent vers une gestion durable toujours plus harmonisée. Ainsi, le désherbage thermique, la gestion différenciée, le plan zéro phyto sont autant de méthodes mises au service d’une gestion raisonnée et durable des espaces verts. L’éco-pâturage est une technique ancestrale qui avait été abandonnée au profit d’engins mécaniques plus performants et plus rentables. Cet éco-pâturage est une solution alternative de gestion écologique des milieux par des herbivores. En pratique cela consiste à louer des moutons, ou autres animaux herbivores, pour tondre les pelouses et autres espaces verts. Avec une conscience collective environnementale qui se développe constamment et des préoccupations environnementales qui s’ancrent toujours plus dans notre quotidien, ce moyen d’entretien des espaces urbains réapparait progressivement dans les mœurs.

En milieu urbain et périurbain, le gazon était le maître des lieux. Cet entretien intensif par des engrais chimiques a appauvri les espaces en diversités végétales et animales au détriment de la biodiversité nécessaire pour un juste équilibre et un cadre de vie « acceptable ». L’éco-pâturage permet quand à lui une redynamisation de la biodiversité des nos espaces. Les insectes, les végétaux, et les invertébrés recolonisent ainsi le biotope jusque là délaissé.

Le déclencheur de cette nouvelle pratique a été l’élaboration de l’Agenda 21, qui a permis que les collectivités territoriales initient des plans d’action sur le développement durable. Mais il y a également eu le Grenelle de l’Environnement qui fixe des engagements pour les collectivités avec comme objectif une réduction de pesticides d’ici 2018.
Selon une enquête de 2013 de l’association « Entretien Nature et Territoire », cette pratique exponentielle concerne plus d’une centaine de villes. Un bureau d’étude accompagne généralement les collectivités en amont du projet d’éco-pâturage. En 2000, seulement 20 villes étaient concernées et en 2013 on est passé à 150 villes. Globalement, c’est au terme de 5 ans d’éco-pâturage que les résultats sont visibles et notoires.

Le contrat peut se conclure de différentes manières. La ville de Grenoble par exemple a passé un contrat de location de trois ans avec l’association Narurama. Les animaux sont laissés sans surveillance mais contrôlés tous les deux jours. Un bilan sera établi en automne et est attendu avec impatience pour rendre compte des résultats. À Besançon une convention et un cahier des charges ont été signés avec un éleveur. La convention prévoit la possibilité de verser des indemnités pour le débroussaillage manuel par le berger ou bien des actions pédagogiques. Le cahier des charges définit un chargement moyen de deux chèvres par hectare et par an. Une des autres options qui est prise c’est le partenariat, avec une ferme qui loue les animaux.

Cette pratique présente certains avantages. Elle permet de réduire l'utilisation des tondeuses mécaniques à la fois consommatrices d'énergie et polluantes, et de limiter l'usage de produits phytosanitaires. L’éco-pâturage est un véritable outil au service de l’écologie et de la biodiversité.

Cependant, dans de nombreuses nouveautés, des inconvénients sont également à déplorer. On assiste à une véritable chosification de l’animal. Considéré comme une tondeuse à gazon économique, le mouton est livré à lui même sans aucune personne compétente pour s’occuper de lui. En effet, certaines sociétés ont profité de la tendance et loue ces ruminants sans accompagnement ni suivi, ce qui se fait au détriment des animaux qui ne sont pas soignés.
Les services vétérinaires ont aussi soulevé le problème sanitaire que pose l’éco-pâturage. En effet, en cas de maladie contagieuse du troupeau, les animaux doivent être recensés pour pouvoir être soignés dans de bonnes conditions. Mais généralement ces ruminants sont impossibles à localiser et cette absence de traçabilité nuit à leur santé et à celle du troupeau tout entier.


Ainsi se posent plusieurs interrogations autour de cette notion d’éco-pâturage.

Peut-on s’imposer éleveur avec un simple contrat de location ?
Le droit encadre-t-il juridiquement les propriétaires de moutons à travers le contrat de location? Et qu’en est-il de la protection des victimes ?

A l’heure actuelle le droit est très flou par rapport à cette pratique renaissante.

Ainsi selon l’article D212-19 VII du code rural et de la pêche maritime « tout détenteur d'un bovin ne peut faire circuler celui-ci qu'identifié et accompagné de son passeport conforme aux caractéristiques prévues au I de l'article D. 212-21. Le détenteur doit être en mesure de présenter le passeport immédiatement ». La réglementation impose donc à tout détenteur de bovin de se déclarer à l’établissement de l’élevage dont il dépend et de notifier les déplacements des animaux. Cependant, les personnes qui louent ces moutons ne se déclarent que peu et se retrouvent donc souvent hors la loi. Se pose donc là un problème de taille. En effet, aucune compétence n’est requise pour exploiter l’activité de « loueur de moutons » mais cette nouvelle activité révèle des failles qui ne sont pas encore prises en compte par un encadrement juridique adéquat.

L’article L113-2 du code rural et de la pêche maritime énonce que « l'espace pastoral est constitué par les pâturages d'utilisation extensive et saisonnière. Dans les régions où la création ou le maintien d'activités agricoles à prédominance pastorale est, en raison de la vocation générale du territoire, de nature à contribuer à la protection du milieu naturel, des sols et des paysages ainsi qu'à la sauvegarde de la vie sociale, des dispositions adaptées aux conditions particulières de ces régions sont prises pour assurer ce maintien.
Ces dispositions comportent les mesures prévues aux articles L. 113-3, L. 113-4, L. 135-1 à L. 135-11 et L. 481-1 et L. 481-2, qui sont applicables :
1° Dans les communes classées en zone de montagne ;
2° Dans les communes comprises dans les zones délimitées par l'autorité administrative après avis de la chambre d'agriculture. »

Le droit encadre strictement des situations particulières mais il n’encadre pas des situations qui se généralisent dans les villes.


L’article L2411-10 du code des collectivités territoriales dispose que « les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, à l'exclusion de tout revenu en espèces.
Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural […] ».

Ce qu’il faut retenir de cette notion d’éco-pâturage, c’est que le droit doit traiter le problème à la source avant que des dérives et des abus ne soient irréversibles.