L'Anses a publié le 15 mai dernier un état des lieux des connaissances sur les enjeux sanitaires et environnementaux des nanomatériaux manufacturés.

Les nanomatériaux manufacturés entrent dans la composition d’une grande variété de produits de la vie courante d’ores et déjà présents sur le marché (crèmes solaires, textiles, aliments, peintures, etc) et concernent un grand nombre de secteurs industriels tels que, notamment, le bâtiment, l’automobile, l’emballage, la chimie, l’environnement, l’agro-alimentaire, l’énergie, les produits cosmétiques et les produits de santé.
La présence de nanomatériaux dans ces produits soulève des questions, mais également des controverses portant sur l’état des connaissances disponibles, les effets éventuels de ces matériaux sur la santé et l’environnement, l’exposition de la population générale et professionnelle et, in fine, sur les risques associés à ces substances.

I) L’évaluation des risques liés aux nanomatériaux

La méthodologie d’évaluation des risques liés aux nanomatériaux bénéficie d’avancées, concernant notamment :
- Des caractérisations physico-chimiques plus complètes pour les nanomatériaux manufacturés testés
- Des publications plus nombreuses en écotoxicologie
- Une meilleure documentation des conditions d’exposition dans les publications scientifiques
L’obligation prescrite par la loi de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire a été mise en place en France depuis le 1er janvier 2013
L’obligation prescrite par la loi de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire a été mise en place en France depuis le 1er janvier 2013. La mise en œuvre de cette obligation de déclaration a permis, dans un premier temps, de contribuer à fournir une vision de la production et de l’importation des nanomatériaux sur le territoire français, dans l’objectif d’obtenir une meilleure connaissance de l’exposition potentielle des publics et de l’environnement à ces substances.
Des publications concernant les moyens de prévention associés à l’exposition professionnelle aux nanomatériaux ainsi que des guides de bonnes pratiques au travail ont été diffusés, dès 2008.

II) La nécessité d’un « Nano-REACH » pour l’ANSES

Malgré les progrès scientifiques et méthodologiques, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation recommande de durcir la réglementation en vigueur. En effet, le rapport conclut aux "effets toxiques de certains nanomatériaux sur des organismes vivants et sur l’environnement". Or l’Europe avait pourtant estimé que la réglementation en vigueur comme REACH et CLP permettait d’encadrer les nanomatériaux.

L’ANSES va alors plus loin en recommandant :

- La mise à disposition des informations recueillies dans le cadre de la déclaration obligatoire qui ne relèvent pas du secret industriel et commercial ou du secret défense, conformément à l’article L. 521-7 du Code de l’environnement ;
- De caractériser l’apport des données issues de la déclaration obligatoire en matière de connaissance des expositions et de traçabilité des nanomatériaux et, le cas échéant, de faire évoluer les textes réglementaires afin d’améliorer l’efficacité du dispositif ;
- Concernant la mise en place de procédures de déclarations similaires dans différents pays, d’harmoniser les outils et la méthode de recueil des informations, afin de pouvoir recueillir des informations dans une éventuelle base commune accessible à tous ;
- D’abaisser les seuils de déclenchement pour l’enregistrement des nanomatériaux dans le règlement REACH. En effet, en l’état, le règlement REACH n’est que très partiellement applicable aux nanomatériaux, notamment en raison des seuils de déclenchement élevés en quantité produite prévus par la procédure. Ceci n’exclut pas qu’une autre forme de réglementation puisse être mise en œuvre pour tenir compte de la spécificité des nanomatériaux ;
- Que des fiches de données de sécurité spécifiques aux nanomatériaux soient élaborées et accompagnent les substances concernées tout au long du cycle de vie des produits ;
- La mise en place d’une réflexion sur la pertinence d’un étiquetage des produits contenant des nanomatériaux (forme, information associée, etc.) ;

L’abaissement des seuils de déclenchement pour l’enregistrement des nanomatériaux dans le règlement REACH apparaît comme une recommandation pouvant être lourde de conséquence pour les industriels.
"Sur les 279 substances identifiées par le système français comme des nanomatériaux, le déploiement de REACH est en cours et s’achèvera en 2018 comme pour toutes les autres substances, précise Sonia Benacquista, en charge de la gestion des produits à l’Union des Industries Chimiques (UIC). Or selon notre projection, plus de 90% d’entre eux seront enregistrés dans REACH ! Attention, prévient-elle, si on va trop loin dans la réglementation, cela pourrait nuire aux capacités de compétitivité et d’innovation européenne. C’est pour cela qu’il y a ce seuil d’une tonne par an dans REACH ».
Reste à savoir si les recommandations de l’ANSES, très investie dans l’étude de la toxicité des nanomatériaux, seront entendues.

Sources :

Évaluation des risques liés aux nanomatériaux, Enjeux et mise à jour des connaissances, Avis de Anses, saisine n° 2012-SA-0273, 15 avr. 2014