
Loi « Littoral » : rapport du Sénat pour plus de décentralisation
Par Natacha GUEGHEROUNI
Juriste stagiaire droit de l'environnement
FIDAL
Posté le: 02/06/2014 11:10
La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (loi « Littoral ») répond a deux objectifs : tout d’abord, un objectif environnemental de protection des espaces naturels en bord de mer, d’océan, étangs salés et plans d’eau naturel ou artificiel de plus de 1000 hectares. Ensuite, un objectif plus politique de répartition des compétences avec les collectivités territoriales, car cette loi a été adoptée dans la foulée des grandes lois de décentralisation du début des années 1980.
Cette loi d’urbanisme et d’aménagement a été pensée pour gérer les conflits d’usage qui surviennent dans les espaces littoraux, entre une forte pression pour le développement des usages résidentiels et touristiques d’une part, et un objectif de développement durable d’autre part.
La loi comprend différents dispositifs pour atteindre ces objectifs :
- Un urbanisme maîtrisé : les nouvelles constructions ne peuvent être autorisées qu’en continuité d’un espace urbanisé existant, ou en hameau nouveau intégré à l’environnement. Des coupures d’urbanisation doivent également être intégrées, et la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage est inconstructible.
- Un espace naturel mis en valeur : l’accent est mis sur la protection du patrimoine naturel et culturel du littoral.
- Les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) sont des outils de planification permettant une gestion intégrée de la ressource.
- Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres est un organisme créé dans le but d’acquérir des espaces réservés pour la préservation des ressources naturelles, dont la gestion est ensuite confiée aux communes.
Envisagée globalement, la loi Littoral a un bilan plutôt positif. Elle a freiné l’artificialisation des côtes et permis de sauvegarder certains espaces naturels, en mettant l’accent sur une gestion plus raisonnable des espaces littoraux. Mais les problèmes, concentrés sur quelques départements comme la Manche ou le Var, restent pour autant difficiles à résoudre et sont sources de tensions à l’échelle locale.
En effet, le rapport du Sénat pointe du doigt différents problèmes : tout d’abord, un manque d’équité du fait de l’autorisation de nouvelles constructions seulement dans la continuité de l’espace urbanisé existant, les grandes communes ont plus de facilité à continuer leur développement que les communes qui ont consenti davantage d’efforts pour préserver les espaces naturels.
Ensuite, une application parfois compliquée des dispositions de la loi, qui peuvent être en conflit avec d’autres dispositions législatives (par exemple, la délivrance d’autorisations pour les projets d’éoliennes avait posé problème au regard de la loi Littoral), et qui ne tiennent pas suffisamment compte des circonstances locales. En effet, les côtes méditerranéennes ne connaissent pas les mêmes problématiques que les côtes de la mer du Nord. Pourtant, les mêmes règles s’appliquent aux deux. Le manque de prise en compte des enjeux locaux des collectivités territoriales est le principal problème mis en avant par le Sénat, pour qui la solution réside dans une plus grande décentralisation dans l’application de la loi Littoral.
Pour pallier aux carences de la loi, c’est souvent le juge administratif qui a du trancher son interprétation, et le caractère variable des décisions des juges du fond, dans leur appréciation souveraine des faits, est vivement critiqué. De même, certaines associations utilisent la loi Littoral pour défendre des intérêts personnels sous couvert de protection de l’environnement.
Douze recommandations sont proposées, visant les objectifs suivants :
- Décentraliser l’application et l’interprétation de la loi Littoral ;
- Ajuster les règles d’urbanisme pour permettre un développement harmonieux et mieux prendre en compte les risques naturels ;
- Renforcer le volet économique de la loi pour mieux prendre en compte ses effets sur le prix de l’immobilier ;
- Réaliser un travail prospectif pour intégrer les nouveaux défis ;
- Améliorer le contrôle administratif : c’est-à-dire combler les vides juridiques par l’adoption de circulaires et mieux former les agents.