Dans le cadre d’une transaction immobilière, une vente de terrain avait eu lieu entre deux sociétés, le vendeur déclarant, selon les termes de l’arrêt, « que l’immeuble vendu n’avait jamais supporté une exploitation soumise à déclaration ou autorisation » et « qu’à sa connaissance, le terrain ne contenait dans son sous-sol aucune pollution « .

Le cœur de l’arrêt réside justement dans ces trois mots : « à sa connaissance ».

Suite à la cession par l’acquéreur, à un tiers, d’une partie de la parcelle acquise, une pollution du sol fut révélée. Le sous-acquéreur et l’acquéreur, n’ayant pu obtenir la prise en charge par le vendeur des frais de dépollution, l’assignèrent afin d’obtenir une indemnisation.
La cour d’appel d’Amiens fit droit à leur demande, conduisant le vendeur à se pourvoir en cassation.

Se posait donc la question de savoir si l’obligation d’information résultant de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement devait être considérée violée par un vendeur n’informant pas l’acquéreur de son terrain d’une pollution antérieure dont il ne semblait pas avoir connaissance ?

La cour de cassation confirme l’interprétation de la Cour d’appel et, répond par l’affirmative à cette question. Elle rejette ainsi le pourvoi du vendeur au motif « qu’il importait peu que les dirigeants de la société Prodeco aient eu connaissance [de la pollution du terrain] dès lors que l’article L. 514-20 du code de l’environnement crée une obligation d’information » à leur charge.

I – Une interprétation stricte de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement

Rappelons pour mémoire que l’article L. 514-20 du Code de l’environnement dispose :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.

Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité.

A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».

L’interprétation stricte, littérale, de cet article par la troisième chambre civile de la Cour de cassation confirme que l’obligation d’information découlant de l’article précité constitue une obligation de résultat, et non pas de moyen. Elle invite - pour ne pas dire exige - des vendeurs de terrain une recherche active des éventuelles pollutions antérieures liées à l’exploitation d’une installation classée soumise à autorisation ou enregistrement.

Ainsi, prouver la bonne foi du défaut d’information ne permet pas au vendeur d’être exonéré de sa responsabilité mais s’apparente, bien au contraire, à une négligence ouvrant la voie à l’engagement de sa responsabilité. En effet, l’article L. 514-20 distingue deux situations :

- les termes « pour autant qu’il les connaisse », qui allègent l’obligation d’information du vendeur, apparaissent uniquement dans la seconde partie de l’alinéa premier de l’article L. 514-20 et concernent uniquement les « dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation » ;

- à l’inverse, l’obligation d’information par écrit liée à l’existence passée de l’exploitation d’une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement est, elle, objective et non pas subordonnée à la « connaissance » préalable du vendeur.

La position de la Cour de cassation semble sévère mais s’inscrit néanmoins parfaitement dans l’esprit actuel des exigences que souhaite imposer le législateur, en matière environnementale.

L’on notera ainsi, pour exemple, que suite à l’adoption de la loi ALUR (1), l’intégration aux déclarations d’intention d’aliéner, de l’information due au titre de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement, est devenue obligatoire afin de permettre aux personnes publiques de préempter en connaissance de cause un terrain pollué soumis, par nature, à des incertitudes tant financières que sanitaires.

II – Une interprétation lourde de conséquences pour les vendeurs de foncier et leurs conseils

Le dernier alinéa de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement indique que « si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix :

- de demander la résolution de la vente,
- de se faire restituer une partie du prix ;
- de demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».

En l'espèce, la Cour de cassation a sanctionné le vendeur en le condamnant au versement d’une somme, destinée à couvrir les frais des mesures de réhabilitation du site, laquelle excédait le prix de vente du terrain.

Ce dernier arguait pourtant d’une « disproportion entre le coût de la remise en état et le prix de vente de la parcelle », conformément aux termes de l’article précité. Cet argument semblait légitime et aurait, à tout le moins, pu permettre une nouvelle évaluation du montant du préjudice, qui lui aurait été plus favorable.

S’il est débouté sur ce point, c’est uniquement, semble-t-il, car le rejet de la demande d’indemnisation pour disproportion du montant invoqué n’avait pas été sollicité en appel. Attention donc de bien veiller, devant les juridictions d’appel, à soulever ces moyens dont l’oubli peut coûter cher en cassation.
En outre, et quoique la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir de conseil n’ait pas été engagée en l’espèce, il reviendra à ce professionnel du droit d’être vigilant.

Dans la pratique, le notaire s’adresse aux services de l’Etat afin d’obtenir des informations sur le site objet de la vente. Le défaut de réponse de l’administration ne doit toutefois pas être considéré comme un blanc-seing de nature à permettre la sécurisation de la vente dans la mesure où l’exploitation peut avoir été inconnue de l’administration, car clandestine par exemple.

La jurisprudence de la Cour de cassation implique que le notaire encourage les vendeurs à être proactifs, par exemple en confiant à un bureau d’études techniques habilité un diagnostic approfondi de la qualité du sol de leur terrain. Mentionner à l’acte de vente le conseil donné, et le refus éventuel du vendeur de procéder aux études indiquées, permettra au notaire d’établir l’accomplissement de son devoir de conseil.

Cette précaution a certes un coût mais le meilleur conseil à offrir à un client n’est-il pas celui de « regard[er] comme quelque chose d'onéreux non ce qu'il vous en coûte pour vous défendre mais ce qu'il vous en coûtera pour ne vous être pas défendu » (2) ?

En établissant de manière « préventive » ce diagnostic, le vendeur sera en mesure de démontrer avoir rempli au mieux son obligation d’information.

Cette précaution lui évitera peut-être des déconvenues dans un contexte juridique plus volontiers protecteur des acquéreurs. La Cour de cassation, sensible au formalisme de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement, a en effet déjà indiqué que l’obligation d’information par écrit s’imposait au vendeur, alors même qu’il était établi que l’ACHETEUR connaissait l’existence passée de l’ICPE et invoquait donc, de mauvaise foi, son ignorance (3).


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Références :

(1) Article 149 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR, modifiant l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme.

(2) Citation de Démosthène, homme d’Etat et orateur grec. Extrait des Philippiques de Démosthène et Catilinaires de Cicéron, traduction de M. l’Abbé d’Olivet de l’Académie française, édition 1803, p. 116.

(3) Civ 3è, 12 janvier 2005, Commune de Dardilly, n° 03-18055.


Sources :

http://www.blog.huglo-lepage.com