Le gaz de schiste, interdit d’exploitation en France en raison de l’interdiction de la technique d’extraction par fracturation hydraulique, est en revanche très développé et en constante augmentation aux Etats Unis.
La compagnie pétrolière Aruba Petroleum fait notamment partie des nombreux exploitants de ce gaz non conventionnel. Plusieurs documentaires et enquêtes (1) ont pointé du doigt les effets secondaires et néfastes – que l’on peut qualifier de dommages collatéraux – de certaines installations de puits de forage dans le pays, en particulier en matière de rejets de polluants dans les eaux, qu’il s’agisse de rivières ou de nappes d’eau potable que les riverains utilisent pour leur propre consommation ainsi que pour leurs bêtes dans le cadre d’élevages.
Comme l’opinion public pouvait s’y attendre, plusieurs familles et/ou cultivateurs et éleveurs ont tenté de faire constater leur condition et d’y trouver une juste compensation en intentant diverses actions en justice. Mais la plupart de ces affaires ont soit été écartées par les juges, soit été réglées par des accords amiables, comme cela a été le cas pour les autres compagnies pétrolières attaquées en l’espèce par la famille Parr.

Dans cette affaire, Bob et Lisa Parr vivaient au Texas, dans un ranch avec leur fille, un élevage de veaux, et leurs animaux de compagnie, à proximité du champ du Barnett Shale, un des plus productifs du pays. Mais peu après le début des forages, les membres de la famille Parr ont vu leur santé se dégrader : respiration difficile, maux de tête, nausée, saignements du nez, éruptions cutanées. De plus, leurs animaux de compagnie sont morts et leurs veaux naissaient avec des malformations congénitales. Face à ces soucis, la famille Parr a quitté sa demeure pendant plusieurs mois et a, par conséquent, décidé de mener une action en justice pour obtenir réparation de leurs préjudices.
La décision rendue par la juridiction américaine est fondamentale à deux niveaux. Le premier est constitué par le fait qu’il s’agit du premier verdict d’un jury sur la question des préjudices potentiellement liés à la fracturation hydraulique.
Le second s’attache à la formulation attribuée par ce même jury pour qualifier les agissements de l’entreprise exploitante. En effet, les membres du jury ont affirmé qu’Aruba Petroleum avait « intentionnellement créé une nuisance privée » par ses activités de forage et de production du gaz. A travers cette qualification, le jury s’est permis d’attribuer aux requérants 2 millions de dollars de compensation pour les souffrances physiques passées, 250 000 dollars pour celles à venir, 400 000 dollars au titre des « souffrances psychologiques » - préjudice moral -, et 275 000 dollars pour compenser la dévaluation de leur propriété.

Les sommes attribuées sont très conséquentes pour un premier jugement rendu sur le sujet, et qui constituerait certainement un précédent en la matière, même si la compagnie a évoqué son désir de faire appel de cette décision, soutenant qu’elle avait réalisé ses forages dans le respect des normes de qualité de l’air et de sureté des installations.
Mais vient alors à l’esprit une question fondamentale : si Aruba Petroleum dit vrai, les normes environnementales et de sureté aux Etats Unis ne sont-elles pas étonnamment lacunaires en particulier au regard de la santé publique et de l’environnement (faune et flore) ? Cette question est davantage soutenue par le constat que « l’impact sanitaire de l’exploitation de cet hydrocarbure non conventionnel n’a toujours pas été précisément évalué et quantifié » (2).

Cette affaire reste donc à suivre puisqu’il est question de sa continuité en appel, mais aussi pour les conséquences qu’elle pourrait entrainer quant à la reconnaissance des dommages collatéraux provoqués par cette exploitation utilisant la fracturation hydraulique, au détriment des industriels et de la relance économique promue jusqu’à lors à n’importe quel prix.


(1) Reportage Gasland.
(2) Procès sur le gaz de schiste : une famille texane obtient 3 millions de dollars d’indemnités, Audrey Garric, Le Monde, 30 avril 2014.