Alors que l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides est légalement posée par l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, l’arrêté du 23 décembre 2013 prévoit pour sa part dans son article 18 des dérogations «en cas d'urgence dûment justifiée, à caractère imprévisible ou exceptionnel, notamment climatique, ou lorsqu'un organisme nuisible ne peut être maîtrisé par d'autres moyens que l'épandage par voie aérienne».

Or, la question des dérogations et des éventuelles autorisations suscite de fortes oppositions, notamment de la part des associations de protection de l’environnement. En Guadeloupe, la question est d’autant plus sensible, en raison du fléau qui menace les exploitations de bananes, la cercosporiose noire. Alors que les producteurs estiment que l’épandage aérien de tels produits est la seule solution pour vaincre cette maladie, les associations craignent qu’en accordant trop de dérogations le principe de l’interdiction ne soit affaibli.

C’est dans ce contexte que trois associations de protection de l’environnement guadeloupéennes, souhaitant une interdiction pure et simple de l’épandage non assortie de principes dérogatoires, tel que l’avait envisagé le gouvernement lors de la Conférence environnementale de septembre 2012, ont saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de l’arrêté du 23 décembre 2013. Parallèlement, elles ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre son exécution.

Lesrequérantes ayant réussi à démontrer une situation d’urgence et l’existence d’un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de la décision attaquée, le Conseil d’État a fait droit à leur demande par une ordonnance rendue le 6 mai 2014 (CE, ord. 6 mai 2014, n° 376812), lors d’une procédure de référé-suspension (procédure d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative dans laquelle un juge unique statue de manière provisoire dans l’attente du jugement du recours au fond).

En effet, tel que le souligne la Haute juridiction, les deux conditions cumulatives permettant de prononcer la suspension sont bien remplies. D’une part, l’urgence est bien caractérisée dès lors que l’arrêté est susceptible de servir à bref délai de base légale à des décisions préfectorales autorisant localement des opérations d’épandage. D’autre part, il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce texte dans la mesure où il prévoit des cas de dérogation au principe d’interdiction de l’épandage aérien plus larges que ceux autorisés à l’article L. 521-8 du code rural.

La suspension de l’exécution de l’arrêté du 23 décembre 2013 prononcée, les préfets ne peuvent donc plus accorder de dérogations à l'interdiction d'épandage jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce sur le fond et décide ou non d'annuler l'arrêté contesté.