Le Conseil d’Etat a été amené, le 26 Février 2014, à se prononcer sur l’invocabilité des dispositions de la Charte de l’Environnement à l’encontre d’un décret en date du 3 juin 2011 (n°2011-629) relatif à la protection des populations contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis. En effet, deux associations ont tenté de faire annuler pour excès de pouvoir le décret en vertu des articles 1 et 5 de la Charte de l’Environnement.

Rappelons qu’aujourd’hui la Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle puisqu’elle s’inscrit dans le bloc de constitutionnalité. L’article 1 est relatif au droit à vivre dans un environnement sain et l’article 5 énonce le principe de précaution.

Les associations contestaient le décret d’application des articles L1334-12-1 à L1334-16 du code de la santé publique au motif que celui-ci n’imposait pas de mesures de retrait de fibres d’amiantes quand celles-ci étaient inférieur à un seuil de 5 fibres par litre.

I- L'invocabilité de la Charte de l'Environnement

Le Conseil d’Etat va réaffirmer dans sa décision la faculté d’invoquer ces dispositions en l’espèce, puisque nous sommes bien dans le cadre du droit à un environnement sain et respectueux pour la santé. De plus, la haute juridiction va soutenir la compétence des autorités administrative pour en apprécier l’application, il énonce qu’ « il appartient aux autorités administratives de veiller au respect du principe énoncé par l’article 1er de la Charte de l’environnement lorsqu’elles sont appelées à préciser les modalités de mise en œuvre d’une loi définissant le cadre de la protection de la population contre les risques que l’environnement peut faire courir à la santé et il incombe au juge administratif de vérifier, au vu de l’argumentation dont il est saisi, si les mesures prises pour l’application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas elles-mêmes méconnu ce principe »

II- La question liée au seuil d'amiante pour son retrait

Concernant le problème de fond lié au seuil, le Conseil d’Etat va cependant rejeter les demandes faites par les associations. En effet, le retrait d’amiante dans des cas où l’on n’atteint pas le niveau de cinq fibres par litre d’air aurait considérablement multiplié le nombre de chantiers de désamiantage. Le Conseil d’Etat se fonde sur les connaissances des risques à la date où ce décret a été pris, et il est certain que le fait d’opérer des travaux de retrait d’amiante concernant des fibres qui n’étaient à la base pas volatiles, aurait d’avantage exposé des personnes ainsi que l’environnement aux pollutions et risques sanitaires.

III- Le rejet du principe de précaution en l'espèce

Les associations ont critiquées l’exclusion des fibres courtes d’amiantes dans ces valeurs seuils. En effet au moment où le décret a été adopté, les connaissances et moyens techniques ne permettaient pas de définir ces valeurs ni de prendre en compte leur dangerosité au titre de la santé des populations et de l’environnement.
C’est à ce titre que les demanderesses on fait prévaloir l’article 5 de la Charte de l’environnement qui instaure le principe de précaution.
Ce moyen va également être rejeté par le Conseil d’Etat. En matière de principe de précaution, la haute juridiction va seulement considérer l’erreur manifeste d’appréciation. En l’espèce, le décret a été pris en considération des connaissances du moment et dans l’attente « de nouveaux moyens complémentaires ainsi que du développement de nouveaux moyens techniques. »
Si de plus en plus de réglementations se développent aujourd’hui en matière d’amiante pour protéger la santé et l’environnement, des divergences perdurent donc quant au niveau de sécurité et de précaution à prendre en la matière.