Jeudi 30 janvier 2014, le ministère de l'Ecologie du développement durable et de l’énergie mettait en ligne les projets de textes - ordonnance et décret - visant à créer une autorisation unique pour les projets d'installations classées (ICPE) définies par le Code de l’environnement comme « les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

L’objectif de cette expérimentation : fusionner en une seule et même autorisation, délivrée par le préfet de département, les multiples décisions (autorisation ICPE, permis de construire, autorisation de défrichement, dérogation "espèces protégées", autorisation au titre du code de l'énergie etc…) aujourd’hui nécessaires à la mise en œuvre d’un même projet d’ICPE.

I- Objectifs de la réforme

Selon le ministère de l’écologie, « même si des actions sont déjà menées sous l’autorité des préfets pour assurer une cohérence dans l’instruction de ces diverses autorisations […], la multiplication des procédures distinctes pour un même projet constitue une source de complexité inutile, tant pour les porteurs de projets, que pour les services de l’Etat. Cette multiplicité nuit par ailleurs à la lisibilité de l’action publique et est également néfaste aux objectifs de protection de l’environnement dans la mesure où la cohérence des décisions n’est pas garantie : ainsi une autorisation de défrichement peut être octroyée pour une ICPE qui ne sera jamais autorisée, l’autorisation ICPE est délivrée indépendamment de l’éventuelle atteinte aux espèces protégées... ».

Dans le viseur de l’administration ? Les délais d’instruction trop longs ainsi que le nombre trop élevé d’interlocuteurs auxquels sont confrontés les porteurs de projet.

La réforme aspire, en fusionnant les diverses autorisations nécessaires à la mise en œuvre d’un projet d’ICPE, à rationaliser les procédures, tout en maintenant un niveau élevé de contrôle des exigences environnementales.
Si seul le projet d’ordonnance est aujourd’hui adopté, l’étude conjointe du projet de décret , dont il conviendra d’examiner le texte définitif dès son adoption, permet d’appréhender plus globalement la réforme.

II- Contenu de la réforme

II.1. Présentation de l’ordonnance et du projet de décret

Le champ d’application de ces deux textes vise deux types d’ICPE : dans leur titre premier respectif, les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent (éoliennes) et les installations de méthanisation et de production d’électricité à partir de biogaz, auxquelles sera appliquée la procédure dite de « grande autorisation unique », dans leur titre second les autres ICPE soumises à autorisation, auxquelles sera appliquée la procédure dite de « petite autorisation unique », en tant qu’elle ne vaudra pas permis de construire.

L’ordonnance habilite le gouvernement à mettre en œuvre une expérimentation quant à la création d’une autorisation unique pour les installations classées.

Son champ d’application est limité :

- Dans le temps : l’expérimentation aura une durée de trois ans ;
- Dans l’espace : territoire des régions de Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais et Picardie pour les ICPE visées au titre premier et territoire des régions de Champagne-Ardenne et Franche-Comté pour les autres ICPE.

L’expérimentation débutera en avril sur tous les territoires précités et en juin 2014 pour la région Bretagne.

L’ordonnance prévoit ainsi que l’autorisation délivrée au titre de la réglementation ICPE pour les éoliennes et les installations de méthanisation et de production d’électricité à partir de biogaz vaudra aussi : permis de construire, autorisation de défrichement, autorisation d’exploiter, et dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

Pour les autres ICPE soumises à autorisation, l’autorisation unique vaudra autorisation au titre de la réglementation ICPE, autorisation de défrichement et dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. En revanche, le permis de construire n’est pas intégré à cette « petite autorisation unique ». Sa délivrance relève en effet, par principe, de la compétence du maire et non du préfet, personnage central de la réforme.

II.2. Focus sur les points essentiels du projet de décret

Le contenu du dossier de demande d’autorisation unique s’apparentera à celui de la procédure d’autorisation ICPE telle qu’elle existe aujourd’hui sous réserve de quelques aménagements, tels que la suppression de la notice relative à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs jugée « redondante »car appliquée par l’intermédiaire des exigences du Code du travail.

Afin d’accélérer le traitement des demandes, un élément nouveau est introduit par la réforme, concernant la recevabilité du dossier : le préfet pourra refuser l'autorisation dès la phase de recevabilité, s'il apparaît que le dossier est manifestement insuffisant ou contraire à la réglementation. Ce refus devra être motivé et fera l’objet d’une procédure contradictoire . Par ailleurs, le préfet sera tenu d’informer le demandeur de la recevabilité de son dossier dans les quatre mois suivant le dépôt de sa demande d’autorisation unique, sauf suspension du délai liée à une demande de compléments d’information.

Avec ces innovations, le gouvernement indique viser une durée maximale d’instruction des dossiers comprise entre dix et douze mois, laquelle peut, selon le gouvernement, actuellement atteindre jusqu’à sept années pour les projets éoliens.

Dans cette optique d’accélération du traitement des dossiers, de nouvelles obligations sont instaurées au stade de l’instruction des dossiers : les consultations nécessaires à l’aboutissement du projet ne pourront être engagées tant que le dossier n’aura pas été déclaré « complet et régulier ». Conformément au souhait du ministère, les consultations de diverses commissions (CODERST, CDNPS) deviennent, pour leur part, facultatives, et seront donc soumises à la libre appréciation du préfet.

Il convient en outre de relever que le préfet ne disposera plus désormais que de quinze jours, dans la phase d'enquête publique, pour requérir du président du tribunal administratif la désignation d’un commissaire-enquêteur (ou d’une commission d’enquête), puis de quinze jours pour décider de l'ouverture de l'enquête publique à compter de la désignation de ce dernier.

L’enquête publique permettra au public de disposer d’une vue d’ensemble sur le projet puisque tous ses aspects (permis de construire dans le cadre de la « grande autorisation unique », défrichement, énergie, espèces protégées etc…) y seront traités.

Le projet de décret précise également les voies et délais de recours applicables. Un « double délai », assez original est ainsi instauré. Tout d’abord, un délai de recours applicable à la décision d’autorisation elle-même, à savoir deux mois à compter de la notification de l'arrêté à l'exploitant (ou de sa publication pour les tiers), en parallèle un délai de six mois, à compter de la mise en service de l'installation, applicable aux recours à l’encontre des prescriptions imposées à l’autorisation.

La volonté du ministère de l’Ecologie est ainsi de « permettre d’une part, d’assurer une plus grande sécurité juridique aux autorisations délivrées aux porteurs de projet, tout en permettant aux tiers intéressés de faire valoir que les prescriptions imposées sont insuffisantes ».

Comme l'autorisation ICPE actuellement en vigueur, l'autorisation unique sera frappée de caducité si l'installation n'a pas été mise en service dans un délai de trois ans à compter de sa délivrance. Dans la mesure où, pour les projets éoliens, les délais de raccordements électriques peuvent être supérieurs à trois ans, le décret permet à l'exploitant de demander la prolongation de son permis de construire et de son autorisation ICPE (pour une durée maximale de dix ans incluant le délai originel de trois ans) lorsque ces autorisations n'ont pas pu être mises en œuvre « pour des raisons indépendantes de sa volonté » uniquement.

Enfin, concernant les ICPE soumises à la procédure de « petite autorisation unique », cette dernière ne valant pas permis de construire, des mesures d’articulation sont prévues par le décret, afin d’assurer une cohérence de l’action étatique.

Parmi ces mesures, l’on peut notamment citer :

- L’obligation de déposer simultanément les demandes de permis de construire et d’autorisation unique;
- La possibilité d’obtenir délivrance du permis de construire avant la décision sur l’autorisation unique dès lors que son exécution est différée jusqu’à la fin de l’enquête publique sur l’autorisation unique ;
- Le délai d’instruction du permis de construire (trois mois normalement) sera prolongé jusqu’à cinq mois de façon à ce que le maire ne soit pas obligé de prendre une décision sur un projet non stabilisé ;
- La consultation de l’ABF réalisée dans le cadre du permis de construire vaudra également pour l’autorisation unique et sera transmise au préfet ;
- Par dérogation à la réglementation actuelle, le permis de construire pourra être délivré avant l’autorisation de défrichement, puisque cette dernière est intégrée à la « petite autorisation unique ».

L’adoption de l’ordonnance permet d’ores et déjà d’entrevoir les grandes lignes de la réforme. L’adoption de ce qui n’est aujourd’hui encore qu’un projet de décret permettra de connaître les mesures définitives de la réforme et d’en mesurer pleinement les impacts sur les projets d’ICPE.