Une reconfiguration tant institutionnelle que substantielle du droit est apparue nécessaire en matière de réparation des dommages environnementaux. L'analyse des nouvelles propositions du rapport Jegouzo ont été envisagées dans une optique d'amélioration et d'aménagement des règles procédurales communes au droit de l'environnement.

1) La mise en œuvre nécessaire d'une reconfiguration institutionnelle

Les chiffres semblent confirmer le nombre limité d’actions dans le domaine de la réparation des atteintes à l’environnement, puisqu’en 2003, les atteintes à l’environnement ne représentaient que 2 % des procédures traitées par les parquets . (1)
L’Environnement exige la présence et l’action d’un « tuteur ». Les préjudices environnementaux ont une dimension évidemment collective. Or le droit processuel exige un intérêt personnel à agir. Comment alors, et à qui alors ouvrir les prétoires ? De nombreuses interrogations nous amènent à envisager les solutions proposées pour palier aux failles du système.

C’est ainsi que les travaux réalisés par le club des juristes ainsi que le rapport Jegouzo nous apportent un éclairage sur l’avenir.

La proposition 3 du rapport Jegouzo propose d’ouvrir l’action en réparation des dommages environnementaux. L’ouverture de l’action se ferait au profit de l'État, du ministère public, de la Haute autorité environnementale, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics, fondations et associations. La formule ainsi proposée semble couvrir l’ensemble des acteurs de la responsabilité environnementale.
La capacité d’agir en justice est ainsi ouverte à un groupe de personnes habilitées à engager l’action. Se pose alors la question de la pertinence de l’ouverture de l’action aux personnes physiques. Les avis font divergence en la matière. Précisions étant faite que la majorité de la doctrine ne se montre pas favorable à l’hypothèse d’un élargissement des titulaires de l’action. En effet « pour de nombreux auteurs, les dommages à l’environnement sans répercussions immédiates et directes sur les personnes ou sur les biens doivent être considérés comme des préjudices collectifs ».(2)
Les atteintes à l’environnement revêtent selon cette analyse une dimension éminemment collective. Le fait de qualifier de collectif le préjudice environnemental permettrait de dépasser l’obstacle du caractère personnel du dommage.

Cependant une minorité de la doctrine prend la contre position en prônant cette ouverture. En effet l’approche traditionnelle du préjudice personnel est un préjudice qui atteint de façon personnelle une personne déterminée. L’exigence de répercussions du dommage sur les intérêts des sujets de droits, personnes physiques, limite l’action des dits sujets en raison de l’absence de répercussions sur les personnes. Le droit de la responsabilité civile subordonne le préjudice à la répercussion du dommage sur les personnes, c'est-à-dire une répercussion du dommage sur les intérêts patrimoniaux et extra patrimoniaux. L’exigence d’un caractère personnel du dommage implique une subjectivisation du préjudice. Ce phénomène de subjectivisation constitue l’obstacle majeur de la prise en compte des dommages environnementaux.
L’approche de la responsabilité civile implique un intérêt personnel à agir, dotant l’action d’une teinte individualiste. Il semble par conséquent que l’ouverture de l’action aux personnes physiques soit naturelle, nonobstant le caractère collectif des atteintes à l’environnement, construit autour d’un critère quantitatif, à savoir le nombre de victimes. Il serait donc préconiser pour l’avenir de « dépersonnaliser » les préjudices afin de permettre leur considération. Refuser l’ouverture aux personnes civiles a un effet néfaste en ce qu’il permet de consacrer une immunité aux auteurs de dommages. Pour dépasser les contraintes liées au subjectivisme de l’action civile procédurale, il est nécessaire de consacrer le caractère objectif du préjudice environnemental en tant que tel.

Face à cette question de l’individualité de l’action des personnes physiques, se pose la question des préjudices de masse. Dans le cadre d’une réforme des aspects procéduraux de la responsabilité environnementale, il serait opportun de dépasser le traitement individuel des préjudices afin de les appréhender sous l’angle du collectif. Il s’agirait ainsi de regrouper les victimes de préjudices environnementaux afin d’unifier leur action. Sur ce point, le projet de loi «Consommation» apporte de nombreuses réponses, notamment la possibilité pour les consommateurs lésés de se regrouper pour réaliser une action en justice.
Si l’inscription de l’action de groupe dans la législation française est une revendication historique des écologistes, nous pensons qu’il est regrettable de limiter cette avancée aux questions de consommation et de ne pas l’étendre aux domaines environnementaux et sanitaires.
L'exposé des motifs du projet de loi relatif à la consommation définit l’action de groupe de la manière suivante. « Elle permet de regrouper dans une seule procédure les demandes de réparation émanant d’un grand nombre de consommateurs, qui se trouvent dans des situations de fait et de droit identiques ou très largement similaires, victimes des pratiques illicites ou abusives d’un même professionnel ». Le principe est celui d’une seule action en justice contre une personne morale devant permettre de demander l'indemnisation des préjudices subis par plusieurs personnes.
L’adoption d’une action de groupe est controversée en raison de la balance entre les inconvénients et les avantages que celle-ci représente. En effet, le principe d’une « class action » à la française se heurte aux sacro saint principes de la procédure civile : « Nul ne plaide par procureur », la contradiction, la relativité de la chose jugée, la liberté d’agir en justice. De plus, des conflits d’intérêt au sein même du groupe peuvent survenir.
Toutefois ces inconvénients sont à nuancer face aux avantages indiscutables que la class action offre. Cette dernière présente un intérêt qui dépasse le spectre des atteintes individuelles à l’environnement car elle présente un privilège pour les victimes de dommages de masse et la société dans son ensemble. L’adoption d’une telle action permettrait une plus large réparation du préjudice subis par la collectivité. Elle présente irréductiblement un outil « d’optimisation globale du système judiciaire ». (3) Pour l'heure, une association peut déjà demander réparation d'un préjudice né de l'atteinte à son objet social "collectif". Mais elle ne peut demander réparation d'un préjudice individuel subi par l'un de ses membres en particulier.
L’analyse de l’action de groupe nous amène à la comparer avec la procédure de l’action en représentation conjointe. Cette procédure diffère de l'action de groupe en ce qu'il est nécessaire pour l'association de recueillir les mandats de personnes physiques avant d'engager l'action. Seules celles qui auront donné un tel mandat préalablement à l'introduction de l'instance pourront ultérieurement obtenir une réparation. L'action de groupe est donc beaucoup plus simple et permet une possibilité bien plus grande d'indemnisation d'un nombre important de personnes.
L’ouverture de l’action ne devrait pas se cantonner aux personnes physiques mais voir son spectre s’élargir d’avantage. En effet, l’action civile en réparation du dommage environnemental relève d’un intérêt public. L’État tout d’abord à travers le préfet joue un rôle primordial dans l’action en responsabilité. Le préfet ensuite est, quant à lui, tenu de concilier l’intérêt environnemental avec d’autres intérêts.
De plus, le rôle du parquet se limite à la conduite de l’action pénale tendant à la condamnation des auteurs d’une infraction aux dispositions relatives à l’environnement. Il serait envisageable selon le rapport du Club des juristes d’étendre le rôle du parquet à la conduite de l’action civile environnementale tendant à la condamnation des dommages et intérêts.
Concernant les associations, l’action de celles-ci ainsi que celles des collectivités ait établi en droit positif. Les habilitations législatives sont insuffisantes dans le domaine environnemental. Les conditions de l’action en responsabilité environnementale affaiblissent la portée de l’action. Les habilitations ne sont en effet délivrées qu’aux associations agrées, à certaines associations déclarées depuis 5 ans. De plus le mécanisme se voit alourdit en matière pénale car la recevabilité de l’action est subordonnée à une infraction pénale. Les solutions à envisager seraient donc de reconnaître un intérêt général à agir aux associations, c'est-à-dire dépourvu de conditions. Cela permettrait de « déspécialiser » les habilitations législatives et d’assouplir le droit positif afin d’appréhender les atteintes à l’environnement.
L’action des associations est aujourd’hui plus qu’essentielle parce que les atteintes à l’environnement visent très fréquemment des hypothèses de dommages sans victime identifiable. Est ainsi constatée une pluralité de personnes habilitées à agir face à une unité de l’action civile environnementale. Il ne faut donc pas désigner un titulaire unique de l’action en responsabilité environnementale mais au contraire organiser la complémentarité entre les différents représentants possibles. On pourrait par exemple imaginer en France de confier un rôle fédérateur dans la conduite des actions civiles environnementales à L’ADEME.

Les modifications du cadre institutionnel contribue à la création, dans le Code civil, d'une autorité administrative indépendante ayant pour mission : évaluation, régulation, vigilance quant à la prévention et la réparation des dommages causés à l'environnement. Cette proposition est celle préconisé par le rapport Jegouzo (n°4). La protection de l’environnement est déjà disséminée au sein de nombreuses structures. C’est pourquoi l’une des armes à cet éparpillement n’est pas la création d’un nouvel organisme mais la création d’une réelle autorité indépendante sous la forme d’une autorité administrative indépendante.
La prévention et la réparation reposant sur une démarche globale encouragée par les textes, l'évaluation scientifique en amont et aval et l'information et la participation du public constituent un tout indétachable des logiques de responsabilité et d'indemnisation. Ce lien structurel a conduit le groupe de travail à proposer la création de cette autorité originale, qui aurait une mission générale de « gardienne de l'environnement » renfermant plusieurs missions spécifiques que détaille le rapport (p. 25 et 26). Dans le cadre d'une rationalisation d'ensemble, il s'agirait moins du rassemblement, en une seule institution, d'autorités existantes (heureux moyen de lutter contre la maladie, bien connue en France, de la « superposition d'instances »).(4)

D’autres propositions sont envisagées par le rapport dont la spécialisation du juge de la réparation du dommage environnemental (n°6). Cette spécialité du juge présente pour autant les revers d’une même médaille. Spécialiser le juge permettrait que le contentieux soit examiné par un collège d’experts impliquant une importante technicité et connaissance en la matière. La question de la réparation du préjudice environnemental serait donc abordée par des magistrats formés pour appréhender ce type de contentieux. Cette fonction de la spécialisation est ainsi envisagée positivement. Mais de façon négative, cette spécialisation n’est pas sans conséquence sur les risques de cloisonnement du contentieux. Cette distension a un impact d’une part sur la célérité de la justice et d’autre part sur son coût. Seule une balance des avantages et des inconvénients, appartenant à tout à chacun, permettrait de se positionner sur la question.
C'est ainsi que sont préconisées pertinemment certaines réformes visant à accroître les performances des juges. La spécialisation pourrait être une première voie. En raison du principe d'intégration même, une telle orientation révélerait certes ses limites, mais elle renforcerait en l'espèce la qualité des décisions rendues, les domaines visés impliquant souvent plusieurs codes et supposant des connaissances juridiques, techniques et scientifiques. S'attachant avant tout à la spécialisation des juridictions judiciaires, le groupe de travail opte pour un regroupement des contentieux des préjudices environnementaux individuels avec ceux relevant du préjudice écologique « pur ».
Favoriser la spécialisation des fonctions en matière environnementale permettrait à des magistrats particuliers de disposer des moyens, de l'expérience et de l'expertise nécessaires, le nombre d'affaires à traiter stimulant la spécialisation. Organiquement, le rapport est plus ambitieux encore, puisqu'il suggère la création d'une réserve de compétence au profit des tribunaux de grande instance du siège de leur cour d'appel pour les actions en réparation de tous les préjudices environnementaux avec, en appel, la spécialisation de quelques cours (5 ou 6) géographiquement réparties et couvrant l'ensemble du territoire. (5)

La proposition n°7 du rapport Jegouzo continue dans la spécialisation en optant pour la création des conditions d’une expertise spécialisée et indépendante en matière environnementale. Traditionnellement, l’expertise est indispensable à trois stades : l’identification du dommage, de la nature et de l’étendue du dommage, la détermination de sa cause, la définition des modalités de réparation.
Pour créer les conditions d'une expertise spécialisée et indépendante, le groupe de travail propose que les ministères de la Justice et de l'Écologie dressent une liste d'experts compétents (ouverte aux organismes de recherche publics). Ces derniers devront adhérer à une charte de déontologie couplée à un agrément délivré par la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement. La particularité de l’expertise environnementale résulte de la mobilisation de connaissances transversales. Elle prend tout son sens dès lors que le champ des questions environnementales est extrêmement complexe et varié et qu’il nécessite d’être divisé pour être mieux appréhendé. L’évolution souhaitée est le développement d’un réseau d’experts avec une spécialisation d’experts par type de questions environnementales.
Les modifications institutionnelles à envisager s’accompagnent de changements substantiels.

2) Une modification impérieuse du droit substantiel

Le rapport Jegouzo ne se limite pas à l’établissement de règles institutionnelles notamment par l’étude de thématiques en matière de prescription et de lien de causalité.
En ce sens, dans sa proposition n° 5, il prévoit des règles de prescription spécifiques. Pour rappel, d’un côté, l’article 2224 du Code civil, issu de la Loi du 17 juin 2008 pose comme délai de prescription celui du droit commun, cinq ans, avec pour point de départ, le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action. De l’autre, l’article L152-1 du code de l’environnement impose un délai de prescription de trente ans, précisions étant faite que ce délai ne concerne que les installations classées. Le point de départ du délai est fixé à compter de la date du fait générateur du dommage. Ainsi le groupe de travail propose la création et l’insertion d’un nouvel article 2226-1 au sein du Code civil. Le point de départ est indépendant de la date d’occurrence du fait générateur contrairement à la LRE et à l’article L. 152-1 du Code de l’environnement adopté lors du vote de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. Le fait générateur ne pouvant pas toujours être identifié immédiatement, le délai de prescription serait fixé à dix ans, associé à un point de départ à la date de manifestation du dommage causé à l'environnement. Ainsi compte tenu de la multiplicité des demandeurs potentiels, de la complexité des processus environnementaux en cause et de la nature non personnelle du préjudice écologique, il en résulterait, en pratique, une imprescriptibilité de l’action en réparation du dommage environnemental, alors que la fixation d’un délai plus court laisse prédire le contraire. La question de la prescription ou du moins de l’imprescriptibilité concerne le temps imparti aux titulaires de l’action pour agir. Mais la prescription n’est pas seule à envisager.
En effet il convient de s’interroger sur le point de savoir quelles sont les conditions requises pour désigner le responsable du dommage ? Pour qu’un responsable soit désigner il est nécessaire que certaines conditions soient réunies dont l’existence d’un fait générateur et d’un lien de causalité entre ce fait générateur et le dommage causé/subi. En vertu des principes du droit civil, la charge de la preuve incombe au demandeur. En effet selon l’article 1315 du Code Civil « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ».
Or en matière environnementale la charge de la preuve est un élément difficile à rapporter en raison de l’incertitude scientifique fréquente du lien de causalité. La difficulté de la preuve est liée à la démonstration du caractère certain et direct du lien de causalité. En effet le dommage causé à l'environnement est un dommage diffus qui ne peut pas toujours être rapporté avec certitude à un ou plusieurs faits générateurs lointains dans le temps et dans l'espace. Un même effet peut être dû à une multitude de causes. C’est pourquoi les pollutions posent des problèmes spécifiques pour plusieurs raisons. La distance qui peut séparer la source de nuisances du lieu, le dommage intervenu peut créer un doute sur les effets que peuvent produire une émission de fumées dans l'air. La possibilité, que les véritables effets néfastes d'une pollution ne se produiront qu'à plus au moins longue échéance, est un autre facteur qui rend la réparation difficile. (6)
Les dommages pouvant provenir de plusieurs sources, leur imputabilité peut se révéler hasardeuse. Il se peut qu’il soit impossible d'imputer les dommages à une cause précise et donc de présenter utilement une demande en réparation. Les difficultés probables s'expliquent, en partie à tout le moins, par le fait que les conséquences d'une activité néfaste pour l'environnement peuvent apparaître bien longtemps après que l'activité ait été exercée et bien loin du lieu d'exercice de cette activité ainsi que par le fait que ces effets ne se révèlent parfois que conjugués à d'autres facteurs ou peuvent provenir de diverses sources. En raison de ces incertitudes il convient de s’interroger sur les bénéficiaires de ce doute.
La preuve du lien de causalité est sujette en la matière à de nombreux obstacles en raison de son coût et de sa technicité. C’est pourquoi afin de faciliter la recherche et la démonstration du lien de causalité, il est fait appel aux systèmes de présomptions qui permettent d’alléger la charge de la preuve.
Les présomptions se définissent ainsi comme des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu. Parmi les outils procéduraux permettant d’alléger la charge de la preuve notons les présomptions légales et les présomptions du fait de l’homme. La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits (article 1350 du Code Civil). L'article 1352 fixe les effets des présomptions légales en matière de preuve :
• la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.
• nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires.
Les présomptions du fait de l’homme quant à elles sont envisagées par l’article 1353 du Code Civil, en vertu duquel : « Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ». Le système des présomptions permettrait ainsi de déduire la preuve causal du dommage, encore faut il qu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes quand à l’origine du préjudice.
D’autres sources sont à envisager en la matière notamment l’article 10 de la Convention de Lugano. La convention de Lugano représente un succès régional sans précédant dans la codification de la procédure civile internationale. (7) Cette convention adoptée dans le cadre du conseil de l’Europe le 21 juin 1993 constitue le premier instrument juridique international posant le principe de la responsabilité civile pour les dommages causés à l’environnement. Celui-ci permet de faciliter la preuve du lien causal en prévoyant que le juge, lorsqu'il apprécie la preuve du lien de causalité entre le dommage et une activité dangereuse doit tenir « dûment compte du risques accrus de provoquer le dommage inhérent à l'activité dangereuse.» Toutefois le succès de la convention est à relativiser en raison du défaut de force obligatoire qu’elle présente.
La détermination du lien de causalité est un élément à prendre en compte une fois le dommage installé afin de déterminer le/ les responsable(s) et de réparer le préjudice environnementale.
Il convient toutefois en amont de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher la poursuite d’atteintes en cours et de prévenir celles qui n’ont pas commencé à se réaliser. Il s’agirait ainsi d’anticiper le dommage. Pour ce faire l’action en cessation d’illicite consiste à anticiper l’aggravation à venir de dommages en cours d’exécution et dont la source persiste. L’action en cessation d’illicite est renforcée par le rapport du groupe de travail présidé par Yves Jegouzo. Ce dernier souhaite la consécration d'un régime de « cessation de l'illicite » qui, « s'attaquant au fait générateur et dépassant d'ailleurs largement les préoccupations environnementales, prévient la réalisation de dommages et accentue ainsi la fonction préventive de la responsabilité civile ». (8) Par l’adoption de cette proposition la prévention de la responsabilité civile serait consacrée.
En effet comme le souligne Monsieur P.Brun « il serait vain de prétendre traiter les effets présents du fait dommageable sans se préoccuper de tarir la source même du dommage ». (9)
Les titulaires de l’action en cessation d’illicite ne sont recevables qu’en présence d’un intérêt personnel à agir. Cependant l’intérêt personnel à agir prône la défense d’intérêt personnel au sens de leur individualité. Afin de parer à cette difficulté le professeur L.Neyret propose dans sa thèse sur « Les atteintes au vivant et responsabilité civile » d’instaurer une action collective permettant « à toute personne intéressée par la lésion d’un intérêt collectif (…) d’être recevable à agir trouverait dans l’action en cessation un domaine privilégié ».
Cette consolidation se fait indépendamment du caractère imminent du dommage prescrit par l’article 809 du code de Procédure Civile. « Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »(10)

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Notes

(1) Circulaire du Garde des sceaux sur les « Orientations de politique pénale en matière d’environnement » du 23 mai 2005 (NOR JUSD 0530088C), p. 4.
(2) L.NEYRET, « Atteintes au vivant et responsabilité civile », LGDJ, 2006, p 372
(3) M.LIPSKIER, « Les entreprises peuvent-elles profiter de l’introduction des class actions en droit français? », JCPE 2005, 675, spé 754, p752 et s.
(4) La Semaine Juridique Edition Générale n° 40, 30 Septembre 2013, 1006 Promouvoir et améliorer la réparation du préjudice écologique. - À propos du rapport du 17 septembre 2013
(5) La Semaine Juridique Edition Générale n° 40, 30 Septembre 2013, précité
(6) KISS, A et BEURRIER, Droit international de l’environnement, 3e éd ;Pedone, Paris, 2004,p429
(7) Réflexion du bureau permanent sur une convention générale sur l’exécution des jugements, document préliminaire n°17, mai 1992
(8) La Semaine Juridique Edition Générale n° 40, 30 Septembre 2013, 1006, L.Fonbaustier
(9) P. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2005, n°733
(10) L.NEYRET, Les atteintes au vivant et responsabilité civile, préc. Cité p 609 n°963