I Un double instrument de protection au Pérou

Le Pérou est un pays multiculturel avec une diversité biologique forte. Sur les 28 millions de
citoyens du Pérou, un tiers est d’origine indigène. Le Pérou est un pays mégadivers, qui concentre 84% des écosystèmes du monde. De par cette grande biodiversité, le pays compte plus de 20 000 différentes espèces de plantes. Du fait de son héritage culturel et de sa grande biodiversité, deux mécanismes hébergés par l'Institut national pour la défense de la concurrence et de la protection de la propriété intellectuelle (INDECOPI) ont été mis en place.

En 2004 fut créée la Commission Nationale contre la biopiraterie par la loi n°28016,
dans le but de développer des actions pour identifier, prévenir et éviter les cas de biopiraterie sur les ressources biologiques ou génétiques et protéger les connaissances traditionnelles des populations indigènes du Pérou. La Commission est multisectorielle avec 13 institutions qui la composent. La majorité d’entre elles étant des institutions gouvernementales, mais sont également représentées la communauté scientifique, la société civile, les entreprises privées ainsi que des communautés autochtones. Cette commission étudie et identifie tous les brevets ayant été accordés relatifs à la biodiversité péruvienne, mais aussi les registres des savoirs traditionnels. Ce qui lui permet de contrôler l’accès aux ressources et de maintenir un registre de toute demande de brevet portant sur les ressources ou connaissances péruviennes. Le Pérou comptant environ 20000 espèces, la Commission a décidé de prioriser 35 ressources génétiques pour leur caractère endémique et associé aux connaissances traditionnelles, et également pour leur forte utilisation dans les industries actuelles. Durant ces cinq dernières années de fonctionnement, a répertorié 18 cas de Biopiraterie, associés à 16 espèces d’origine péruvienne.

A cet effet, le Pérou offre, la possibilité à ses communautés autochtones d’inscrire leurs savoirs ancestraux dans l’un des trois registres des savoirs traditionnels : confidentiel (seulement la communauté peut y accéder), ouvert au partage des avantages ou offert comme bien commun de l’Humanité. Ainsi, il ne s’agit pas d’obliger une communauté traditionnelle à enregistrer ses savoirs traditionnels, mais seulement de faciliter sa protection si elle choisit de le faire. A ce titre, il est important de mentionner que de nombreuses communautés autochtones et locales s'opposent à la documentation obligatoire des savoirs traditionnels associés dans des bases de données ou de registres. Certaines communautés souhaitent garder le secret sur leurs connaissances sacrées, et d'autres craignent la diffusion non contrôlée de leurs savoirs. Cette méfiance des communautés envers leur propre gouvernement d'abord, et la communauté internationale ensuite, résulte du comportement parfois ambigu de ces derniers vis-à-vis des populations autochtones et communautés locales et du manque de respect et de clarification de leurs droits.

II L’adoption d’une série de lois pour la lutte contre la biopiraterie au Pérou

L’Etat péruvien a mis en place une série de lois dans le but de protéger les connaissances traditionnelles et réguler l’accès aux ressources génétiques. Il faut noter que selon les lois péruviennes, la souveraineté du pays est reconnue sur ses ressources génétiques tandis que les connaissances traditionnelles appartiennent aux communautés autochtones. L'exemple du Pérou est intéressant car il est le seul Etat à avoir défini juridiquement la notion de biopiraterie. En effet, la loi n°28216 sur la protection de l'accès à la diversité biologique péruvienne et aux savoirs collectifs des peuples autochtones énonce dans sa troisième disposition complémentaire qu'il faut entendre par biopiraterie « l'accès et l'utilisation non autorisée et non rémunérée des ressources biologiques ou des savoirs traditionnels des peuples autochtones par des tiers, sans l'autorisation appropriée et de manière contraire aux principes consacrés dans la Convention sur la Diversité Biologique et aux lois existantes en la matière. Cette appropriation des produits qui incorporent les éléments obtenus illégalement, peut être physique ou dans certains cas, effectuée par le biais de l’invocation de droits de propriété sur ces mêmes produits ».

La loi n°27811 en date de 2002 relative au régime de protection des savoirs collectifs des peuples autochtones portant sur les ressources biologiques prévoit des mesures relatives au consentement préalable en connaissance de cause et énonce dans son article 6 que « quiconque souhaite avoir accès à des savoirs collectifs aux fins d’une application scientifique, commerciale ou industrielle doit demander le consentement préalable, donné en connaissance de cause, des organisations représentatives des peuples autochtones possédant des savoirs collectifs». Concernant les modalités fixées d’un commun accord, la loi énonce dans son article 7 qu' « en cas d’accès aux fins d’une application commerciale ou industrielle, un accord de licence garantissant un partage équitable des avantages découlant de celui-ci doit être conclu. ». Ce contrat de licence est défini comme « un accord expressément conclu entre l’organisation représentative des peuples autochtones possédant des savoirs collectifs et un tiers fixant les conditions de l’exploitation dudit savoir collectif ».

La loi propose d'effectuer le partage des avantages de manière directe par un paiement prévu dans le contrat de licence, ou indirecte à travers l'utilisation du « Fonds de développement des peuples autochtones ». Ce dernier vise à contribuer au développement global des peuples autochtones au moyen du financement de projets et d’autres activités. Il a été créé pour permettre à tous les peuples autochtones, qu’ils aient ou non conclu des contrats de licence, de bénéficier des avantages découlant de l’exploitation de leurs savoirs collectifs. L'article 8 de la loi n°27811 indique alors qu'un pourcentage d’au moins 10% du chiffre d’affaires brut avant impôt réalisé grâce à la commercialisation des produits obtenus à partir d’un savoir collectif sera versé au Fonds. Enfin, des sanctions sont prévues dans le Décret Suprême n°003-2009 en cas de contravention à ces dispositions législatives.

De nombreux pays ont donc ainsi commencé à mettre en place leurs systèmes de législation d'accès et de partage des avantages, dans l'attente d'une harmonisation internationale ou du moins d'une standardisation a minima qui devrait se réaliser par l'entrée en vigueur du Protocole de Nagoya.