Pendant longtemps, le secteur nucléaire a été couvert par le secret, rendant ce domaine totalement opaque pour le public. L’adoption de la loi n°2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire a permis de mettre fin à cet obscurantisme. En effet, l’article 1er de cette loi définit la transparence en matière nucléaire comme « l’ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire ».

Une ordonnance du 5 janvier 2012 (ordonnance n°2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres Ier et V du Code de l’environnement) procède à la codification de cette loi au sein du Code de l’environnement. Cependant, le dispositif d’information mis en œuvre doit être relativisé.

A titre liminaire, il convient de signaler que sont exclus du champ d’application de la loi de 2006 les activités et installations nucléaires ainsi que les équipements et installations nécessaires à l’exploitation d’une installation nucléaire intéressant la défense et situés dans son périmètre (un décret n°2007-758 du 10 mars 2007 est venu apporter des précisions quant au régime d’information applicable à ces installations et activités. Il prévoit de nouvelles conditions d’exercice de l’obligation de l’information du public et définit l’information nucléaire de défense (article R.1333-37-1 du Code de la défense)).

Tout d’abord, il est regrettable que l’intention première du législateur quant à l’adoption de cette loi n’ait pas été de garantir une meilleure information du public. En effet, si la nécessité de mettre en conformité la réglementation existante en matière d’information dans le domaine nucléaire est indéniable, le législateur a surtout voulu, selon certains auteurs, « créer un flux d’informations susceptible, grâce à sa lisibilité et sa crédibilité de prévenir le développement d’une hostilité de principe au nucléaire que pourraient provoquer un accident majeur ou une suite d’incidents mineurs ». Ainsi, la grande consécration du droit à l’information en matière nucléaire n’aurait pour objectif que de « prévenir un retournement de l’attitude de l’opinion publique à l’égard d’un parc nucléaire pour l’instant bien accepté en France » (Olivier Henrard, « L’information du public en matière de sécurité nucléaire après la loi du 13 juin 2006 », AJDA, 2006, p.2112).

L’article L.125-13 du Code de l’environnement assigne à l’Etat la mission de veiller à l’information du public sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes et sur l’environnement.
A ce titre, il est responsable de l’information du public sur les modalités et les résultats du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il doit également fournir une information au public sur les activités nucléaires exercées hors du territoire national, notamment en cas d’incident ou d’accident.

L’article suivant affirme que « les personnes exerçant des activités nucléaires mentionnées à l’article L.125-13 doivent en particulier respecter le droit qu’a toute personne d’être informée sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes et sur l’environnement ainsi que sur les rejets d’effluents des installations » (article L.125-14 Code de l’environnement).

L’exploitant doit rédiger annuellement un rapport comprenant certaines informations listées à l’article L.125-15 du Code de l’environnement, telles que « la nature et les résultats des rejets radioactifs et non radioactifs de l’installation dans l’environnement ». Cet article est important car il rend possible la communication d’informations qui étaient jusque-là considérées comme inaccessibles, car détenues en dehors de la mission de service public de l’exploitant, elles ne présentaient pas le caractère administratif requis pour leur communication (CADA Avis 8 juin 2006 Directeur général d’EDF, directeur centre nucléaire de production de Fessenheim).

Il est désormais inutile de s’interroger sur le caractère administratif ou non de ces informations, le Code de l’environnement prévoyant l’obligation de l’exploitant de les communiquer. Ce rapport est rendu public et fait l’objet d’une transmission à la commission locale d’information.

Il existe plusieurs organes chargés de l’information du public en matière nucléaire. Pour certains, cet éclatement est source de complexité pour les différentes institutions chargées de cette tâche (Florence Jamay, « Principe de participation : droit à l’information », Jurisclasseur Environnement et développement durable, Fasc. 2430), au point de se demander s’il n’aurait pas été « préférable de ne créer qu’une seule instance, chargée de la transparence et de l’information du public » (Arnaud Gossement, « Réflexions engagées sur la loi relative à la transparence et à la sécurité nucléaire », Gaz. Pal. 2006, n°210, p.15).

Tout comme ce qui existe en matière d’information du public en matière de déchets (cf. supra), il existe en matière nucléaire des commissions locales d’information (CLI). Ces dernières ont été créées par la loi de 2006, leur donnant ainsi une assise législative. Les modalités de création et de fonctionnement de ces commissions ont été prévues par un décret de 2008 (décret n°2008-251 12 mars 2008 relatif aux commissions locales d’information (CLI) auprès des installations nucléaires de base).
La compétence relative à la création des CLI revient au président du conseil général. Cette création est obligatoire dès lors qu’un site comprend une ou plusieurs installations nucléaires de base (article L.127-17 al.1er du Code de l’environnement)

Dans l’hypothèse où le périmètre de l’INB inclut une installation de stockage ou d’élimination de déchets, la CLI va se substituer à la CSS (article L.125-22 Code de l’environnement).

La mission générale dont les CLI ont la charge concerne le suivi, l’information et la concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d’impact des activités nucléaires sur les personnes et l’environnement pour ce qui concerne les installations du site.
Tous comme les CSS en matière de déchets, elles peuvent avoir recours à des experts. Elles vont ensuite définir les conditions d’accès du public aux résultats de ces expertises.

L’article L.125-17 al.2 prévoit que les CLI doivent assurer une large diffusion de leurs travaux, en les rendant accessibles au plus grand nombre.

L’exploitant doit informer la CLI des demandes d’information qui lui sont faites ainsi que les réponses qu’il y a apportées.

La loi de 2006 a créé un Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Ce comité est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et sur l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. A ce titre, il peut émettre des avis sur toute question relative à ces domaines, ainsi que sur les contrôles et l’information qui s’y rapportent. Il peut également se saisir de toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sécurité nucléaire et peut proposer toute mesure de nature à garantir ou améliorer la transparence en matière nucléaire (article L.125-34 Code de l’environnement).

Toutefois, son rôle en matière d’information du public est limité, du fait notamment qu’il ne puisse être saisi par un particulier ou une association de protection de l’environnement.

Comme le relève un auteur, ce « Haut comité n’est pas chargé d’assurer l’information mais bien d’y participer, ce qui signifie, en réalité, que la production de l’information demeure bien du ressort de l’Autorité de sûreté nucléaire » (Arnaud Gossement, préc.).

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui est une autorité administrative indépendante, est le troisième et dernier organe intervenant en matière d’information du public dans le domaine du nucléaire.

Elle doit notamment informer le public, en cas de situation d’urgence, sur l’état de sûreté de l’installation concernée et sur les éventuels rejets dans l’environnement et leurs risques pour la santé des personnes et pour l’environnement (article L.592-32 al.2 du Code de l’environnement). Elle doit également fournir aux CLI et au HCTISN les informations nécessaires au bon accomplissement de leurs missions. Cette dépendance des CLI et du HCTISN est établie au profit de l’ASN, puisque la bonne exécution de l’obligation d’information des deux premières dépend finalement uniquement du bon vouloir de l’ASN. De ce fait, il semble plutôt qu’il n’existe qu’un seul organe chargé de l’information du public en matière nucléaire : l’ASN, avec pour organes subordonnés les CLI et le HCTISN. De plus, la multiplication des institutions chargées de l’information n’est pas une bonne chose pour le public, ce dernier ne sachant pas toujours à qui il doit s’adresser. Ce qui paraissait être une bonne idée, à savoir multiplier les organes garants de l’information du public, n’en est finalement pas une.


Enfin, il est regrettable qu’aucun de ces organes ne soit pas doté d’un pouvoir de sanction, pouvant inciter l’exploitant à fournir les informations requises, tout comme le fait que les dispositions pénales existantes sont très lacunaires, ne prévoyant de sanction que dans l’hypothèse où un exploitant refuse de communiquer une information dans le cadre d’un contrôle administratif (article L.596-27 du Code de l’environnement). Il faut également déplorer l’absence de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat dans l’hypothèse de sa défaillance dans sa mission d’information du public en matière nucléaire.

En résumé, s’il faut se réjouir de l’adoption de la loi de 2006 du fait qu’elle a remis au goût du jour la question de la transparence et de l’information en matière nucléaire, « elle n’a permis cependant qu’une avancée relative du droit à l’information qu’elle pose pourtant en principe, car elle se démarque très peu de la loi de 1978 et du Code de l’environnement qui autorisaient déjà l’accès à l’information en matière nucléaire dans des termes similaires à ceux qu’elle pose […] et dont elle conserve les limites » (Philippe Billet, « La transparence et la sécurité en matière nucléaire – A propose de la loi n°2006-686 du 13 juin 2006 », Environnement n°8, 2006, Etude n°12).