Par une décision du 15 janvier 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne affirme la primauté du droit du public à l’information environnementale sur le secret industriel et commercial. Cette décision a été rendue à l’occasion d’une question préjudicielle formée par la Slovaquie quant à l’interprétation à donner aux dispositions de la directive n°96/61/CE du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, au regard des exigences de la Convention d’Aarhus en matière d’information et de participation du public.

En l’espèce, il s’agissait d’une décision d’urbanisme adoptée en 2006 par le service régional d’urbanisme de Bratislava, en Slovaquie, concernant l’implantation d’une décharge de déchets.

Une procédure d’autorisation de l’installation est alors ouverte, conformément aux exigences de la directive IPPC, prévoyant la participation du public. Des personnes intéressées ont alors demandé la publication de la décision d’urbanisme fondant le projet.

La société titulaire de la décision d’urbanisme transmet le document à l’autorité organisatrice de la procédure, en précisant que selon elle, cette décision est couverte par le secret industriel et commercial. Cette même autorité autorise la construction et l’exploitation de l’installation, sans avoir procédé à la publication de la décision d’urbanisme. Un recours administratif est alors exercé. L’autorité connaissant de ce recours a procédé à la publication de la décision, tout en confirmant le lancement de la construction et d’exploitation de la décharge.

Les juridictions slovaques sont alors saisies. Le tribunal régional a tout d’abord confirmé la décision de l’autorité administrative avant de voir sa position infirmée par la Cour Suprême slovaque. La société exploitante a alors saisi la Cour Constitutionnelle, qui a annulé les décisions de la Cour Suprême et renvoyé l’affaire devant cette dernière qui saisit alors la CJUE.

Se posait alors la question de savoir si il est possible de « parvenir à l’objectif fondamentale de prévention intégrée sans garantir au public concerné, au début de la procédure relative à la prévention intégrée, un accès à tous les documents pertinents, et notamment à la décision d’une construction (…) au motif qu’il s’agit d’un secret d’affaire ».

La Cour, dans un premier temps, relève que la décision d’urbanisme en question portait sur l’implantation de la décharge et qu’elle constituait l’un des fondements sur lequel était prise la décision finale d’autoriser ou non cette installation. De plus, elle constate également que cette décision contient des informations sur les incidences du projet sur l’environnement. De ce fait, le public doit donc pouvoir accéder à cette décision lors de la procédure d’autorisation afin d’être en mesure d’exercer leur droit à la participation, conformément à la directive IPPC et à la convention d’Aarhus.

Dans un second temps, elle admet que si la protection du secret d’affaire peut être invoquée afin d’empêcher l’accès du public à certaines informations, ceci n’est possible que dans des cas très limités et uniquement concernant un nombre restreint d’informations.

Elle ajoute également que la méconnaissance du droit du public d’accéder à l’information environnementale peut être régularisée à condition que la communication tardive des informations intervienne alors que toutes les options et solutions envisageables restent possibles, afin que le public puisse être en mesure d’exercer une réelle influence sur le processus décisionnel. A cet égard, elle énonce que : « La directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 166/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 janvier 2006, doit être interprétée en ce sens qu’elle:

• impose que le public concerné ait accès à une décision d’urbanisme, telle que celle en cause au principal, dès le début de la procédure d’autorisation de l’installation concernée;
• ne permet pas aux autorités nationales compétentes de refuser au public concerné l’accès à une telle décision en se fondant sur la protection de la confidentialité des informations commerciales ou industrielles prévue par le droit national ou de l’Union afin de protéger un intérêt économique légitime, et
• ne s’oppose pas à ce qu’un refus injustifié de mise à disposition du public concerné d’une décision d’urbanisme, telle que celle en cause au principal, au cours de la procédure administrative de première instance puisse être régularisé au cours de la procédure administrative de deuxième instance à condition que toutes les options et solutions soient encore possibles et que la régularisation à ce stade de la procédure permette encore au public concerné d’exercer une réelle influence sur l’issue du processus décisionnel, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier ».


Enfin, elle constate que la directive IPPC a pour objectif d’assurer la prévention et réduction intégrées de la pollution. Elle ajoute que pour remplir cet objectif, il est nécessaire que le public concerné puisse demander l’adoption de mesures provisoires, visant à limiter les effets néfastes du projet sur l’environnement, dans l’attente d’une décision portant sur la légalité de l’autorisation.

Dans cette affaire, la Cour de justice de l’Union Européenne fait donc primer le droit à l’information sur la protection du secret industriel et commercial, en retenant que ce secret ne peut pas fonder le refus d’accès à des décisions administratives relatives à des installations polluantes dès lors que ces décisions comprennent des informations sur les incidences du projet sur l’environnement. Si la Cour de justice ne conteste pas le fait de recourir à ce secret pour empêcher la divulgation de certaines informations, elle refuse d’en faire bénéficier l’intégralité de la décision attaquée. Se faisant, elle opère donc une mise en balance des différents intérêts en présence, et fait prévaloir l’intérêt du public d’accéder à l’information au détriment de celui de l’exploitant de conserver certaines informations.