Alors que le Conseil d’Etat vient d’annuler l’arrêté du 16 mars 2012 suspendant la mise en culture d’une variété de maïs transgénique (CE 1er août 2013 n°358103, 358615, 359078 Association générale des producteurs de maïs et autres), la question de l’information du public en matière d’organismes génétiquement modifiés revêt une importance particulière dans ce domaine. Ce sujet crée de vifs débats, tant au niveau politique que sociétal. En effet, le recours à ces organismes peut apparaître comme étant la solution à beaucoup de problèmes agricoles mais il subsiste de trop nombreuses incertitudes quant aux conséquences d’une consommation régulière de ces produits, exposant ainsi la population à un risque.

Plus que dans aucun autre domaine, l’information du public en matière d’OGM pose de réels problèmes. En effet, dans ce domaine, l’accès à l’information mettant en jeu le secret industriel mais également la révélation de certaines informations, concernant notamment le lieu de culture des OGM, font craindre à l’administration des actions de fauchage volontaire.

L’article L.125-3 du Code de l’environnement prévoit que « toute personne a le droit d’être informée sur les effets que la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés peut avoir pour la santé publique ou l’environnement, dans le respect de la confidentialité des informations protégées par la loi ».

L’article L.532-4-1 du Code de l’environnement liste les documents devant être mis à disposition du public en matière d’agrément pour l’utilisation confinée d’OGM portant sur la première utilisation de tels organismes dans une installation.

L’exploitant a la possibilité, à la condition de se justifier, d’indiquer à l’autorité administrative les informations fournies dans le dossier de demande d’agrément devant rester confidentielles, soit parce que l’OGM en question ne fait pas l’objet d’une protection du point de vue de la propriété intellectuelle, soit parce que la révélation des informations porterait atteinte à certains intérêts protégés aux articles L.124-4 I et L.124-5 II du Code de l’environnement. Un régime similaire, prévu par l’article L.535-3 II du Code de l’environnement, existe en matière d’autorisation ou de mise sur le marché, concernant la divulgation des informations pouvant nuire à la position concurrentielle du demandeur.

Pour contrebalancer cette faculté du demandeur de dissimuler certaines informations au public, le Code de l’environnement énonce des informations qui ne peuvent en aucun cas être confidentielles (article L.535-3 II pour la dissémination volontaire et L.532-4-1 al. 3 pour l’utilisation confinée).

Par ailleurs, en cas de demande d’autorisation de dissémination volontaire, le dossier doit comporter une fiche d’information du public, reprenant les informations non confidentielles listées par l’article L.535-3 II al.2 ainsi qu’un résumé de l’évaluation des effets et des risques pour l’environnement, prévu par l’article L.533-3-I du Code de l’environnement.

L’article L.125-3 al.2 et 3 énumère les documents devant être rendus publics à l’issue de la procédure d’autorisation, ceux-ci étant ensuite compilés dans un registre accessible par voie électronique et auprès de l’autorité compétente : Il s’agit des rapports d’évaluation, des décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation, des avis du Haut Conseil des biotechnologies, des décisions de l’autorité communautaire (dans l’hypothèse où une objection a été formulée par un Etat membre ou la Commission européenne), des résultats des observations menées en application des obligations en matière de surveillance.

Ce dispositif législatif illustre bien l’équilibre fragile que le législateur tente de créer, afin de satisfaire les demandes du public en matière d’information mais également de préserver le secret industriel et commercial des producteurs d’OGM.

Une information en particulier a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit de l’information relative au lieu de la dissémination, information qui doit être obligatoirement communiquée au public, conformément aux exigences de la directive 2001/18/CE. Se posait alors la question de savoir quel degré de précision devait revêtir cette information, les administrations françaises se positionnant en faveur d’une précision moindre, afin de préserver l’ordre public des actions de fauchage volontaire.

Cette question a été soumise à la CJCE par la voie du recours préjudiciel. Suite à la réponse de la CJCE, le Conseil d’Etat énonce que « l’autorité administrative qui les détient est tenue de communiquer sans délai et sans condition, à toute personne qui en fait la demande, l’ensemble des données en sa possession relatives à la localisation de la dissémination, telles qu’elles lui ont été transmises par le demandeur de l’autorisation de procéder à la dissémination afin de permettre l’examen des conséquences du projet pour l’environnement ; que la circonstance que la communication de la référence cadastrale des parcelles sur lesquelles sont pratiquées les disséminations pourrait avoir pour conséquence de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens est, en toutes circonstances sans incidence sur cette obligation » (CE 9 décembre 2009 n°280969 Commune de Sausheim). Par cette formulation lapidaire et exempte de toute ambiguïté, le Conseil d’Etat fait donc prévaloir le droit à l’information sur l’ordre public et la sécurité publique, ce qui est donc une victoire pour le public, d’autant plus sur un sujet aussi débattu que les OGM.


Le dispositif d’information du public en matière d’OGM est complété par un certain nombre d’obligations en matière d’étiquetage. Cela est notamment prévu par deux règlements de l’Union européenne (Règlement (CE) n°1829/2003 du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés et règlement (CE) n°1830/2003 concernant la traçabilité et l’étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l’alimentation humaine ou animale produits à partir d’organismes génétiquement modifiés), qui prévoient certaines exigences en matière de traçabilité et d’étiquetage des produits OGM ou qui en contiennent afin « de garantir aux consommateurs une information complète et fiable sur les OGM, les produits, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux obtenus à partir d’OGM, afin de leur permettre de choisir un produit en connaissance de cause ». Ce dispositif a été perfectionné par l’adoption d’un décret n°2012-128 qui prévoit des règles facultatives d’affichage pour les denrées alimentaires sans OGM et ce, dans le but de la parfaite information des consommateurs finaux. Différents critères sont prévus en fonction de la nature de la denrée en cause.

La question de l’information du public en matière d’OGM est extrêmement polémique, au carrefour d’intérêts divergents, ce qui explique la construction anarchique du droit à l’information dans ce domaine.